l Un groupe d’experts publie, sous le titre Heidegger à plus forte raison (Fayard), une vive réplique à un ouvrage d’Emmanuel Faye qui avait dénoncé en 2005 les liens de Martin Heidegger avec le nazisme, et relance le débat sur l’attitude du philosophe allemand.
Dans Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie (Albin Michel), publié en mars 2005, Emmanuel Faye, professeur de philosophie à Paris X-Nanterre, expliquait comment l’intellectuel allemand (1889-1976) avait mis sa pensée au service de la diffusion des fondements du nazisme, à travers notamment des séminaires professés entre 1933 et 1935.
La thèse avait provoqué une violente querelle d’intellectuels, entre accusateurs et défenseurs d’Heidegger.
Les partisans du philosophe allemand avaient notamment adressé un mail en 13 langues à plus de 3.000 universités dans le monde, sur des sites culturels et à des médias internationaux, pour dénoncer « l’essai délirant » d’Emmanuel Faye.
D’autres, parmi lesquels les historiens Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet ou l’avocat Serge Klarsfeld, avaient défendu le livre. La polémique avait également eu un impact en Allemagne et en Italie.
Heidegger à plus forte raison, qui sort cette semaine, rassemble les contributions de onze universitaires français, suisse et italien, sous la direction de François Fédier, professeur de philosophie et traducteur d’Heidegger.
L’ouvrage avait d’abord été annoncé au printemps 2006 chez Gallimard. Mais l’éditeur avait renoncé à le publier, après notamment la publication dans la presse d’un texte d’Emmannuel Faye accusant l’ouvrage de « négationnisme ».
Claude Durand, PDG de Fayard, avait aussitôt repris le projet. Le livre qui paraît aujourd’hui « se comprend donc d’abord comme une réplique », écrivent ses auteurs, qui entendent montrer « que la thèse scandaleuse » se réduit « à un tissu d’approximations, d’erreurs, de contresens ».
Une position contraire de celle d’Emmanuel Faye, que François Fédier formule ainsi: « malgré un engagement résolu en faveur d’un régime dont il n’a malheureusement pas su pressentir le potentiel de nocivité, Heidegger s’en est désengagé, et il a entrepris une critique fondamentale de ce qui en fait un régime suprêmement dangereux ».
Disciple d’Edmund Husserl, auquel il succéda en 1928 à l’université de Fribourg-en-Brisgau, Heidegger fut vivement critiqué après la chute du nazisme pour son attitude envers le régime hitlérien auquel il apporta d’abord son soutien avant d’adopter une attitude critique. Il ne reprit son enseignement à Fribourg qu’en 1956.