Mirages des mots

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l Dans la willaya de Béjaïa, à l’instar des autres régions d’Algérie, le livre ne marque qu’une présence timide. Les gens préfèrent d’autres espaces culturels. Dans les pays qui aspirent aux plus lointains horizons, le livre est omniprésent. Les autorités lui consacrent un intérêt majeur, idem pour les citoyens. Chez nous, ce n’est guère le cas. Peu de livres sont publiés et très peu d’espaces accueille « le fameux papier », qui n’est pas prêt de céder sa place même avec l’avènement des technologies les plus modernes. Béjaïa qui fut la ville-lumière d’ Ibn Khaldoune et de tant d’autres géants de la science et de la littérature, se retrouve dans une situation indésirable. Les pizzerias et autres boutiques supplantent les librairies. Ce nouveau phénomène n’est pas propre à la Basse-Kabylie : même Alger et les autres régions du pays de Kateb Yacine ne s’en distinguent pas. Pour mieux comprendre cette situation, on a demandé à certains libraires de la région de nous donner leur avis. Tantôt, c’est le prix « astronomique » du livre qui est mis en exergue, tantôt c’est la place et bien d’autres entraves plus complexes. « Je pense que les gens lisent de moins en moins. A part le parascolaire et le livre de cuisine, on vend très peu de bouquins de littérature ou d’autres disciplines. Peut-être que moi aussi,un jour, je finirai par baisser rideau et opter pour une autre activité : un fast-food par exemple; ça devrait marcher beaucoup mieux », estime Amine, un jeune libraire de Sidi Aïch, une petite ville de la vallée de la Soummam. L’intérêt réservé au livre est bel et bien loin de ce que mérite notre pays. « Le problème chez nous c’est qu’il n’y a pas de bonne politique du livre. Le lectorat existe, avec toutes ses limites bien sûr, mais on ne lui offre pas assez d’opportunités pour assouvir la soif de la lecture. Sur le marché, la diversité livresque est faible : le dernier salon international du livre l’illustre parfaitement. Tant qu’il n’y aura pas de C.N.L ( Centre national du livre) qui prendra en charge tous les gens du livre, c’est-à-dire les éditeurs, les auteurs, les libraires…la situation restera la même », nous confie un libraire de Béjaïa-ville. La télévision et l’Internet captivent plus de monde. L’image et le son accaparent un grand public. Peut-être que notre société, qui a une culture orale depuis des millénaires, se retrouve mieux loin du livre. Ou peut-être qu’on n’a pas pu apprendre à nos enfants « l’art de lire » depuis leur tendre enfance. Une chose est sûre : même si les gens ne se bousculent pas pour acheter des livres à Béjaïa ou ailleurs, le livre se fait de l’espace même timidement. Parfois, c’est nos trottoirs qui l’accueillent. Ces vendeurs de livres d’occasion nous laissent espérer, un tant soit peu. « Entre le chagrin et le néant, je préfère le chagrin », écrit l’immense William Faulkner.

Yasmine Chérifi

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