Une soixantaine de citoyens appuyés par des délégués de la CADC (Coordination des archs, daïras et communes de Tizi Ouzou), ont tenu, hier matin, un sit-in sur les lieux où fut érigé un barrage fixe de la Gendarmerie nationale, sur la RN12 au lieudit Issiakhen Oumeddour, pour exiger sa levée. L’action, qui a duré de 9h 45 à 11h 45, a fini par repousser les gendarmes jusqu’à leur cantonnement érigé en préfabriqué sur les abords de la RN12.
Déployant des slogans hostiles tels : « Non au retour de la gendarmerie », « gendarmes assassins des 126 martyrs du Printemps noir », « gendarme = hogra, tchippa, prostitution et drogue », « halte à l’impunité » ou encore » jugez les assassins », les manifestants ont tenu à protester sans pour autant provoquer de heurts avec les éléments de la gendarmerie, dont la section spécialisée dans la sécurité routière, était appuyée par des éléments de l’Armée nationale. Ces derniers ont d’ailleurs fait preuve de retenue, puisqu’ils ne se sont pas interposés entre « leurs protégés » et les manifestants. Mieux, les militaires ont vite fait de réintroduire leur engin militaire dans l’enceinte du casernement. Durant le sit-in, les délégués du Mouvement citoyen ont distribué des affichettes sur lesquelles était explicité le but de leur action. Les gendarmes et les militaires ont eu également droit à ces documents.
A signaler, néanmoins, que les gendarmes ont repris leur position sur le barrage après que le sit-in eut été levé par les citoyens, selon certains usagers de la route qui ont confirmé qu’à 13h, les hommes en vert ont repris du service.
Pour rappel, trois délégués de la CADC, dont Belaid Abrika, avaient comparu devant le tribunal de Tizi Ouzou, en novembre dernier, pour participation à l’action de destruction de la plate forme servant d’assise pour les roulottes de cantonnement pour ces mêmes gendarmes.
En somme, ce genre d’actions repose, d’une façon sérieuse et objective, la question du redéploiement de la Gendarmerie nationale en Kabylie.
Les délégués de la CADC ainsi que les citoyens, notamment ceux ayant perdu un des leurs sous les balles de ce corps de sécurité, continuent d’exiger que « justice soit rendue » via le jugement des éléments responsables des tueries contre des jeunes manifestants qui n’avaient fait qu’exprimer leur ras-le-bol durant les évènements du Printemps noir. Il est aussi clair que la politique de la fuite en avant, relayée notamment par des déclarations et sorties médiatiques sous forme de ballons-sondes, n’apportera rien de durable à la population de Kabylie. Pis, cette attitude ne pourra jamais remédier au fossé qui sépare ce corps de sécurité des citoyens.
Certes, des barrages ont été dressés par les gendarmes dans une dizaine de localités à travers la wilaya de Tizi-ouzou, avec bien sûr la bénédiction des éléments de l’ANP, mais ce genre de déploiement est loin de convenir aux milieux urbains ou suburbains, là où l’argument de lutte contre le terrorisme ne tient pas la route.
L’opinion locale, tout en reconnaissant l’utilité de ce corps dans ses missions de protection des biens et des personnes, reste, néanmoins, fidèle au principe du jugement des éléments coupables du meurtre de 126 jeunes kabyles. Une revendication qui reste non négociable, d’autant qu’elle constitue un chapitre que le gouvernement algérien et les délégués dialoguistes ont consigné dans le protocole d’accord du 25 janvier 2005.
Faut-il encore signaler que les suites du dossier des 23 gendarmes, identifiés coupables dans les assassinats des jeunes manifestants lors des évènements du Printemps noir, qui devait être traité devant les tribunaux civils des wilayas de Tizi-ouzou, Bgayet et Bouira, reste sans suite. A noter que les dossiers d’instruction ont été transmis, selon nos sources, par le tribunal militaire vers les juridictions civiles de ces wilayas pour y être instruits, mais les dates de comparution restent une énigme (voir notre édition du 11 février 2006).
M.A.T
