l Ses écrits historiques représentent la mémoire de la Suisse. A nos jours, on ne cesse de parler de lui et de son œuvre. Jean Sismondi est un historien, critique et économiste suisse d’expression française. Né à Genève le 9 mai 1773, mort à Chêne, près de sa ville natale, le 25 juin 1842. Il s’appelait en fait Sismondi, tout court, et descendait d’une famille dauphinoise réfugiée à Genève après la révocation de l’Édit de Nantes. Par la suite, au cours de ses travaux sur l’histoire italienne, il s’aperçut qu’une branche de l’illustre famille des Sismondi, de Pise, s’était installée en France au XVIe siècle et il prit le parti de rattacher sa famille à ce tronc originel. Fils d’un pasteur qui possédait une belle fortune, il fait d’excellentes études au collège de sa ville natale, puis fut placé par ses parents dans la maison Einhard, de Lyon, en qualité de commis, pour se familiariser avec la vie commerciale. La Révolution vint interrompre cet apprentissage. Sismondi, avec tous les siens, chercha refuge en Angleterre, puis, vers 1794, à Val-Chiusa, en Toscane. Là, tout en continuant ses études, il s’occupa d’une exploitation agricole. Son premier livre, Tableau de l’agriculture toscane (1801), où s’exprimaient des opinions libérales, lui valut d’être arrêté pendant quelques mois par les Autrichiens. Relâché, Sismondi, qui se rattachait alors à Adam Smith et souhaitait une réforme progressive de la législation française dans le sens du libre-échange, publia un ouvrage plus important, De la Richesse commerciale ou Principes d’économie politique appliqués à la législation du commerce (1803). C’est vers la même époque qu’il entra en relations avec Necker et Mme de Staël, puis, par l’intermédiaire de celle-ci, avec Benjamin Constant, Schlegel et tout le groupe de Coppet. Ses premiers livres avaient eu un retentissement véritablement européen : on avait même offert à l’auteur une chaire d’économie politique à l’université de Vilna, avec un traitement magnifique, mais, pour ne pas quitter ses amis, il préféra se contenter du poste de secrétaire de la Chambre de commerce du département du Léman. Cette charge lui laissait assez de loisirs pour entreprendre sa grande Histoire des républiques italiennes du moyen âge (seize volumes, 1807-1818) et pour donner à Genève un cours public d’où il tira son essai De la Littérature du Midi de l’Europe (1813). L’année où ce livre était publié, Sismondi visitait pour la première fois Paris et décidait de s’y installer : les salons lui avaient fait le meilleur accueil, non seulement ceux des amis de Mme de Staël et de Constant, mais aussi bien les cénacles légitimistes où il eut ses libres entrées grâce à la protection de la comtesse d’Albany. Pendant les Cent Jours, Sismondi, qui était resté jusque-là un peu éloigné de la politique active, se rallia à Napoléon dans son Examen de la Constitution française (1815) : geste absolument désintéressé, puisque Sismondi poussa le scrupule jusqu’à refuser la Légion d’honneur que voulait lui décerner l’Empereur. La Restauration ne lui tint d’ailleurs pas rigueur de son attitude et lui offrit des chaires à la Sorbonne et au Collège de France. Il préféra rentrer à Genève. Tout en suivant avec un intérêt passionné le progrès des idées libérales en Europe, il poursuivait ses travaux. La publication des Nouveaux principes d’économie politique ou De la richesse dans ses rapports avec la population (1819) marque une date dans l’histoire des doctrines économiques ; Sismondi, reniant son enthousiasme de jeunesse pour Adam Smith, se rangeait parmi les « économistes sociaux » : ému par la misère du prolétariat anglais, il partait en guerre contre la concurrence et contre les machines, responsables de la baisse des salaires. A la recherche du bon marché à tout prix, Sismondi oppose la nécessité d’une réglementation du travail. Son tort est de n’avoir pas su prévoir que la période douloureuse de transition du travail purement humain au travail mécanique ne pouvait manquer d’être suivie par une époque de plus grande prospérité pour tous. Il a eu cependant le mérite d’être un des premiers à rappeler les liens de la science économique, « science de la bienfaisance », avec la morale. Quant à son tableau de la misère prolétarienne, de la concentration des capitaux entre les mains d’un petit nombre, il était prophétique et Marx n’a eu que peu à y ajouter. Les mêmes tendances interventionnistes se manifestent dans ses études des sciences sociales.
Y. C.
