Le tribunal criminel près la cour de Blida a repris, hier ses débats, avec l’audition de Djamel Tidjani, expert en commerce international et adjoint du liquidateur d’El Khalifa Bank, Moncef Badsi. Cité en tant que témoin, il reconnaît que la compensation effectuée au profit de Foudad Adda, était interdite. Toutefois, Tidjani affirme avoir informé Ghouli, adjoint du directeur de l’agence des Abattoirs, que celui-ci pouvait procéder à la compensation après l’accord verbal du liquidateur. La présidente du tribunal, Mme Fatiha Brahimi, lui fait savoir que Badsi interdisait formellement aux directeurs des agences bancaires de toucher aux écritures comptables encore moins de signer quoi que ce soit. Le témoin estime que Belaïd Kechad, directeur de l’agence de Blida, a débité le compte de la société hispano-algérienne sans prendre l’accord du liquidateur. La juge dira que, contrairement aux instructions de Badsi, il avait donné le feu vert à Ghouli afin de procéder à la compensation. Interpellé pour donner son avis technique sur le sujet, le liquidateur n’y va pas de main-morte. Il note qu’il y a un amalgame entre l’indemnisation et la liquidation du passif. Il soutient être le seul habilité à prendre des décisions. La présidente intervient pour lui dire que son collaborateur a donné la permission. Badsi est catégorique: «Je n’ai donné aucun accord. (…) j’ai rien donné, même pas un accord verbal». Il qualifie la compensation d’irrégulière et de manipulation d’écritures. Tidjani tente de rectifier le tir en déclarant que le liquidateur lui avait donné un «semblant d’accord». Mme Brahimi interroge Foudad Adda qui affirme que c’était Tidjani qui lui avait donné l‘accord. «Il a converti la somme sur place en dinars et apuré le compte de la société hispano-algérienne”. A ces déclarations, Tidjani s’est montré très embarrassé. La cour appelle un autre témoin, en la personne de Abdenour Meribout, ancien président de l’USM Annaba. Il dit avoir contracté un contrat de sponsoring avec la banque Khalifa à Chéraga pour un montant de 2 milliards de centimes pour deux années en plus des billets d’avion gratuits. Un contrat qui couvre les salaires des joueurs, payés à raison de 1.5 à2 millions de centimes, ainsi que leurs primes de match. Meribout affirme que le premier partenaire à savoir le groupe Asmidal n’était pas satisfait de la conclusion du contrat avec Khalifa. Il étonnera la salle en avouant qu’une délégation composée de Maâmar Djebbour, Ighil Meziane et Djamel Guellimi, s’est déplacée à Annaba pour convaincre le groupe Asmidal de mettre ses fonds dans la banque El Khalifa. Un autre témoin sera cité par le tribunal. Il s’agit de Ali Houhou, président de l’US Biskra, lequel affirme avoir signé un contrat de sponsoring avec Tahar Mokadem pour un montant de 462 millions de centimes retirés à travers six encaissements. Le contrat consistait à couvrir les primes de matchs des joueurs avec quelques déplacements de l’équipe. De son côté, Mohamed Aouzit, président du club de footbal de Chéraga est convoqué pour livrer son témoignage. Il dit avoir contacté Maâmar Djebbour, actuellement amimateur sportif à la radio Chaîne III, et Mokadem Tahar, consultant en sport à Khalifa. Son équipe avait signé deux contrats de sponsoring. Le premier pour la saison 2001-2002 pour un montant de 2.8 millions de DA et un autre durant la saison sportive 2002-2003 pour une somme de 10 millions de DA. Le témoin avoue que la banque Khalifa était derrière le financement du stage bloqué de 14 jours de l’équipe de Chéraga à l’occasion de son accession.
Maâmar Djebbour m’a recommandé à Meziane Ighil pour….
Mieux encore, il souligne que c’était Maâmar Djebbour qui l’avait recommandé à Meziane Ighil pour l’obtention d’un lot de souliers et de ballons étant donné que ce dernier était un fournisseur en équipements et matériels sportifs. «C’est la direction du sport qui a payé», dit-il. Après lui, c’était au tour de Mohamed Messaoudi, ancien président du MC Alger, à être entendu en sa qualité de témoin. D’emblée, il rappelle que le contrat de sponsoring de la saison 2001-2002 pour un montant de 3 milliards de centimes a été signé par le défunt Ketrandji. Le renouvellement du contrat pour la saison de 2003 n’a pas eu lieu, ajoute-t-il, en raison de son refus de signer le contrat de sponsoring en l’absence de clauses écrites. Mieux encore, il explique qu’il y avait des interférences dans la gestion du club algérois. Le procureur intervient pour demander à Guellimi en quelle qualité il avait signé le contrat avec le MCA. L’ami de Khalifa Moumen dit qu’il avait reçu des instructions. Toutefois, il récuse le fait d’avoir signé les contrats avec la JS Kabylie, le CA Batna et l’AS Aïn M’lila bien que sa signature soit apposée sur les contrats de sponsoring en sa qualité de directeur de cabinet de Moumen Khalifa. La cour fait appel à la barre à Abdeli Meziane, directeur du conseil d’administration de la Caisse nationale de retraités (CNR) et directeur financier à l’UGTA. Les griefs retenus contre lui sont, entres autres, corruption et trafic d’influence. Durant toute son audition, il s’est montré silencieux et évasif sur la plupart des questions du tribunal. L’accusé donnait l’impression de ne pas vouloir défendre sa personne.
Depôt de l’argent des retraités : une decision illégale
C’était sous son ère que la CNR avait fait le placement de 12 milliards Da et l’UGTA a mis une somme de 8.5 milliards DA dans la banque El Khalifa. Le CNR n’a pu récupérer que 8 milliards de DA alors que le dépôt était à terme. Il estime, de prime abord, que l’argent de la Caisse des retraités était déposé au Trésor public en 2000. Il explique que la décision de faire le placement a été prise par le bureau, composé de cinq membres, à la demande du directeur financier, Slimane Kerar, le 16 septembre 2001. La magistrate lui demande qui était habilité à prendre la décision de faire le dépôt. L’accusé : «C’est le conseil d’administration». Mme Brahimi objecte et lui fait savoir que le bureau ne peut pas prendre une telle décision. «Est-ce que vous aviez saisi la tutelle ?», l’interroge la juge. Meziane répond qu’elle était saisie après le dépôt de l’argent. La présidente de la cour lui fait remarquer que la tutelle de l’époque, à savoir le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Boudjerra Soltani, affirme devant le juge d’instruction n’avoir jamais été tenu informé d’une telle décision. L’inculpé réplique n’avoir pas de prérogatives pour le faire alors qu’il était le président du conseil d’administration. A la question de savoir s’il avait bénéficié de privilèges, il note avoir une carte de voyage de gratuité et des billets d’avion. La juge : «Et les intérêts ?» Meziane estime les avoir reçus de l’agence des Abattoirs au moment où le placement a été fait à l’agence de Chéraga. La juge lui demande dans quel cadre son fils avait fait un stage de formation comme pilote à Londres. «Il était parti tout seul», note-t-il. Mme Brahimi revient sur le placement des fonds de la CNR et de L’UGTA.
Un procès-verbal falsifié
Elle lui fait remarquer que la loi de finances et la loi 92-07 stipulent que c’est au conseil d’administration de prendre les décisions. Le procureur général prend la parole : «Les membres du bureau du conseil d’administration affirment que vous n’aviez pas eu leur accord». Il estime que le contrat était falsifié. A ce moment, la magistrate intervient en exhibant un document pour dire que la phrase portant sur l’accord du bureau n’existe pas. «Ce sont deux procès-verbaux contradictoires», lâche-t-elle. Le procureur abonde dans le même sens en estimant que c’était le directeur financier, Slimane Kerar, qui avait ajouté le passage portant la mention «de mettre l’excèdent de l’argent dans la banque Khalifa». A la question de savoir s’il avait demandé l’autorisation du conseil d’administration, l’accusé reste de marbre. Ce dernier dit ignorer la circulaire de 1984 interdisant aux caisses nationales de mettre leur argent dans des banques privées. Meziane avoue ne pas avoir eu l’accord du ministère de tutelle. Il reconnaît que les membres du conseil d’administration leur avait demandé de retirer l’argent en octobre 2002 au moment où les 12 milliards de DA ont généré 8 milliards DA d’intérêts. En outre, le tribunal fait appel à Salah Aribi, directeur général de la Caisse nationale des retraités entre avril 2000 et 2002. Durant son audition, Aribi a tenté de dégager ses responsabilités dans le dépôt de la CNR de 12 milliards de DA dans l’agence de Chéraga. Il justifie sa démarche par l’article 23 de la circulaire 92-07, lequel, d’après ses propos, donne le droit au conseil d’administration de faire fructifier son argent. Il dit avoir appliqué la décision du bureau du conseil d’administration.
Il affirme qu’il était présent dans le bureau du conseil en tant que membre d’honneur. Mme Brahimi : «Pourquoi votre nom figure dans le PV de réunion ?». Pas de réponse. Il dit avoir informé le ministre. Sur ce, la juge réagit avec véhémence : «Vous n’aviez pas saisi le ministre». Elle tente de savoir pourquoi et comment il pouvait être d’accord avec une décision illégale. Là encore, la réponse ne vient pas. La magistrate revient aux avantages dont il aurait bénéficié. Aribi avoue dans un arabe parfaitement châtié qu’il avait bénéficié d’une carte de voyage gratuite de Khalifa Airways en Août 2002. Il tente de se rattraper en qualifiant cette carte de «semblant de cadeau». Ces propos suscitent le rire de la salle.
Carte de gratuité ou le semblant de cadeau…
Pour ce qui est de son fils Oussama, il estime que celui-ci, d’un niveau de terminale, était parti en stage de formation comme pilote à Londres avant de rallier l’Australie. La magistrate s’étonne comment son fils qui n’a pu décrocher le bac est désigné pour devenir un pilote de ligne. L’accusé répond qu’il avait décroché le concours de passage. Elle n’a pas résisté à la tentation de faire le parallèle entre sa contribution au placement des fonds de la CNR et les avantages dont il avait bénéficié. Tout le monde dans la salle l’aura d’ailleurs remarqué. Les audiences reprennent aujourd’hui avec l’audition d’autres accusées.
Hocine Lamriben