La quête éperdue de l’asile politique

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Depuis que les Algériens en ont horriblement souffert, ils connaissent mieux que les autres cette énormité qui veut que seuls les ressortissants victimes de violence et de persécution d’Etat pouvaient prétendre à la protection du monde. Pour espérer ce statut de réfugié politique si confortable pour ce qu’il procure comme possibilités en matière de sécurité d’abord, d’émancipation sociale et intellectuelle ensuite, il fallait donc avoir eu maille à partir avec les gouvernants de son pays pour ses idées ou tout simplement sa différence culturelle ou ethnique. Les Algériens qui, pour des raisons de survie ou des considérations moins avouables, ont quitté le pays pour des contrées plus clémentes, se sont retrouvés dans une situation d’un grotesque paradoxe. La tradition en la matière, reconduite inextinso par choix politique du moment ou par raideur légaliste des pays d’accueil, a fait que seuls les islamistes, ceux qui en l’occurrence terrorisaient l’Algérie parvenaient, parfois avec les honneurs, à obtenir le fameux droit d’asile. Les Algériens n’ont pas seulement souffert de cette situation. Ils en ont — autre paradoxe — aussi abusé, parfois en vendant leur âme au diable. De sombres journalistes qui n’ont jamais élevé la voix du temps où ils exerçaient dans leur pays se sont découvert des vocations de zélés opposants au régime, des sergents gérants de cantines en sont arrivés à rapporter les termes de leurs « désaccords avec les généraux » et des porteurs de lampes sont devenus des artistes censurés et persécutés. Il en est ainsi de Abdelmoumène Rafik Khalifa. Réfugié à Londres, il sait –les roublards nous surprendront toujours par leurs connaissances utiles — que seul le statut de réfugié politique pouvait lui éviter ou retarder une extradition qui apparemment lui sera fatale. Et il anticipe pour jouer le fait accompli. Par le mensonge d’abord en déclarant sur El Djazira qu’il avait déjà acquis le statut de réfugié et depuis son interview parue avant-hier dans Le Figaro en s’attelant à se fabriquer une stature d’opposant politique. Sans rire, Abdelmoumène Khalifa qui, au journaliste de la chaîne qatarie répondait par des bribes de phrases décousues qui ne permettent aucun doute sur son niveau, est revenu à la charge dans le quotidien conservateur français.

L’affaire a-t-elle une dimension politique ? « Certainement », a répondu Khalifa. « J’étais en désaccord avec Bouteflika sur le fonctionnement du pays » !!!Et comme plus le mensonge est gros plus il a des chances de passer, il ne s’arrêtera pas en si bon chemin : « Bouteflika était convaincu que je voulais sa place. Il s’était mis dans la tête que l’armée me présentait comme un recours et un gage de stabilité… » A la question de savoir si la chute de son empire était le simple résultat d’une incompatibilité d’humeur, il a répondu qu’ « un conflit de personnes peut déboucher sur une guerre ». On n’en était apparemment pas loin puisque deux Présidents, Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika en l’occurrence, se son ligués contre lui dans une alliance stratégique : « Bouteflika voulait ma peau et a demandé à Chirac de l’aider. J’ai compris en septembre 2002 que le vent a tourné avec la distribution à la presse française d’un rapport de la DGSE consacré à mon groupe. La divulgation de ce document a semé le trouble parmi mes partenaires commerciaux.Dans le même temps, mes difficultés ont commencé à Alger… » On savait depuis toujours qu’il était plus facile de répondre aux questions des journalistes qu’à celles d’un tribunal. Entre « l’affaire a-t-elle une dimension politique ? » et « comment le PDG d’une banque faisait-il sortir des milliards dans des sacs-poubelles ? », le choix n’est pas tellement difficile. Jusqu’à quand pourra-t-il choisir ?

Slimane Laouari

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