“Ce métier, ou on l’aime ou on ne le fait pas”

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La Dépêche de Kabylie : Parlez-nous du métier de sage-femme…ll Nora Salhi : Il n’y a que ceux qui ne sont pas du métier qui ne le savent pas. C’est un métier noble, mais très dur et très stressant, surtout pour une femme qui le fait de bon cœur, car il n’est pas de tout repos. En fait, il n’y a même pas de repos. La sage-femme peut-être sollicitée à tout moment, nuit et jour, et il arrive qu’il n’y ait même pas de jour férié pour elle pour des nécessités de service. Cela, quelque soit la structure où elle exerce.Il n’y a pas de vie privée pour une sage-femme. Et souvent même, elle-même enceinte, elle continue de travailler même à terme. Tel l’exemple de notre collègue qui, après avoir accouché plusieurs femmes, les a dans la même nuit relayé sur la table pour accoucher de son bébé. Il est vrai que nous sommes formées pour ce type de boulot mais entre la théorie et le travail, c’est deux mondes. On se retrouve souvent face à des cas où, nous nous sentons dépassées même si nous parvenons à les gérer, et l’angoisse et la peur d’abord se répercutent très longtemps sur notre moral.La sage-femme est dénigrée, surtout en Algérie.On lui a même brossé l’image d’une personne sans cœur, d’un monstre maltraitant les pauvres femmes malades.

Vous parlez de métier stressant. Quels obstacles et problèmes l’accentuent-t-il ?ll 50% du stress de la sage-femme découlent de ce qu’elle pratique sans appui permanent du gynécologue. Il y a aussi le volume de travail. Chez nous, il est considérable notamment en été (période très chargée). Et notre service reçoit des femmes non seulement de notre secteur, déjà très vaste, mais aussi de wilayas limitrophes. Il y a aussi l’obstacle majeur que constitue, souvent malheureusement, la non- préparation, notamment psychologique, de l’accouchée. Plusieurs femmes qui nous arrivent ignorent beaucoup de choses, en premier lieu qu’il n’y a délivrance que parce qu’il y a douleur. Figurez-vous que même la carte de groupage, elles ne la ramènent pas toutes. On la refait à chaque fois pour plusieurs sujets.

Il est donc primordial que le courant passe de prime à bord…ll Oui, le premier contact est déterminant. Quelles que soient ses préoccupations de l’heure, le degré de sa fatigue, la sage-femme doit avoir le sourire. Attention, à la mine renfrognée et au visage fermée ! Et il suffit parfois de quelques mots de plus, attendus par la malade et non dits par la SF pour que la malade ne se sente pas prise en charge. Et c’est le blocage. Elle ne coopère plus, la tâche devient ardue.

Surtout, quand vous pratiquez des gestes douloureux, telle l’épisiotomie…ll L’épisio est un geste courant de nos jours, mais la malade le prend pour une punition. Or, elle est systématique pour le 1er accouchement, surtout quand on a affaire à un gros bébé. Le bébé élargit de lui-même et c’est surtout à ce niveau que l’épisio fait des complications. Alors, autant qu’elle soit pratiquée par la S.F, d’autant qu’elle a ses indications.

Que proposez-vous pour des prestations encore meilleures ?ll Dégorger les maternités, comme ici chez nous, c’est-à-dire renforcer le personnel sages-femmes. Sensibiliser la femme tout au long de la grossesse, la bien informer. Et notre souhait le plus fort et pressant est d’avoir en permanence, un gynécologue dans le service. Notre maternité fonctionne bien avec ses infirmières, sages-femmes, médecins et nous avons un gynécologue conventionné mais la présence d’un gynécologue propre au service et primordiale. Et je terminerai en disant qu’être sage-femme, c’est gérer à la fois et l’accouchement et la situation sereine à créer. Aussi, faut-il aimer passionnément ce métier, sinon il ne faut pas l’exercer.

T. Y.

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