Scandale à la mairie de Tizi-Ouzou

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Cette action, qui peut perdurer dans le temps, est initiée en soutien à celui qui est considéré par les agents de la mairie comme étant « l’élément le plus honnête, le plus sérieux et le plus correct de tous. » L’inculpation de cet élément de la municipalité de Tizi Ouzou, mercredi, avec 13 autres agents, est relative à la découverte de ce qui ressemble à une toile d’araignée, versée dans les faux documents d’état civil.

L’affaire a éclaté au grand jour suite à la découverte d’un faux livret de famille, en début du mois courant, établi entre deux agents de l’état civil, un fonctionnaire et une stagiaire, qui se sont fait passer pour des époux, dans un hôtel trois étoiles de la ville de Tizi Ouzou, où ils auraient effectué des séjours. Cette découverte s’est avérée ensuite une goutte d’eau dans un océan agité par plusieurs faux et usage de faux. Alors que le nouveau chef du service de l’état civil installé en août 2006 avait établi deux rapports à l’attention du maire de la commune, suite aux anomalies qu’il avait découvert lors de sa prise de fonction, dans la salle des archives. Suite à quoi, une plainte fut déposée par le maire, actuellement démissionnaire, au commissariat de police, pour « faux et usage de faux ». Ce qui a conduit les éléments de la Police judiciaire (PJ) à interpeller dans un premier temps –lundi dernier- six employés dont trois femmes. Mercredi, une autre descente de policiers a induit l’arrestation de huit autres (dix, selon les employés de la mairie) pour complicité. Il leur a été reproché, selon un communiqué de la police parvenu à notre rédaction, jeudi, « faux et usage de faux de documents de l’état civil et détérioration de registres et actes conservés dans les archives à l’encontre de 14 employés de l’état civil de l’APC de Tizi Ouzou. »

Le communiqué précise que cinq employés ont été placés sous mandat de dépôt, cinq autres mis sous contrôle judiciaire, tandis que quatre ont bénéficié de la citation directe. Parmi ces derniers, figure l’actuel chef de service de l’état civil qui était pourtant à l’origine de la plainte.

Faux couples et une mineure  » majorée « 

Cinq employés ont été placés sous mandat de dépôt par le procureur. Il a également inculpé une stagiaire du service comptabilité de la mairie, à peine majeure, pour avoir falsifié un livret de famille sur lequel elle s’est portée épouse de son collègue, un agent de l’état civil, préposé aux livrets de famille, ce qui lui a, vraisemblablement, facilité la tâche. Le faux document avait été établi le 13 janvier 2006, avant qu’il ne soit découvert dans un hôtel luxueux de la ville des Genêts, début février.

Quant au deuxième couple inculpé, dont la fille a bénéficié d’une comparution libre pour n’avoir pas atteint l’âge adulte, il lui est reproché la falsification d’une pièce d’identité donnant cette dernière pour majeure. Le faux document aurait servi, selon nos sources, pour jouir des mêmes  » privilèges  » que le premier couple inculpé. Le lendemain de l’arrestation des cinq premiers inculpés, les policiers ont effectué une perquisition au domicile d’un autre agent de l’état civil, H.O, chez lequel ils ont découvert une liasse d’extraits d’actes de naissance vierges, sur lesquels étaient apposés le cachet, la griffe et la signature du délégué à la signature des documents de l’état civil, répondant aux initiales de N.H. C’est en soutien à ce dernier que les employés de la municipalité ont décidé d’observer, hier, une journée d’arrêt de travail, après celle observée jeudi, car ils estiment que leur collègue est « l’un des meilleurs éléments de la mairie de par sa gentillesse, son sérieux et sa correction » N.H, qui est également sous mandat de dépôt, est poursuivi pour avoir signé et légalisé des documents vierges. Son co-inculpé, H.O, aurait déclaré devant le juge instructeur, que les documents retrouvés chez lui, ont été légalisés par N.H, en toute confiance. « N.H m’avait légalisé les extraits d’actes de naissances, de bonne foi; c’est dans un rapport de confiance avec moi qu’il avait procédé de la sorte », aurait ainsi déclaré H.O au magistrat instructeur. 66 registres de naissances entièrement détruits

Ce que contestent les travailleurs de la mairie de Tizi Ouzou est le fait que l’ancien chef de service de l’état civil n’ait jamais été inquiété par la police. Pour eux, l’état dans lequel se trouve une soixantaine de registres des naissances, datant d’entre 1920 à 1974, doit tomber sous la responsabilité de cet employé affecté au service de la réglementation suite à la découverte, par le maire, de plusieurs anomalies de gestion dans les bureaux de l’état civil. Cette découverte avait conduit, pourtant, les responsables de la mairie à remplacer l’indélicat employé en date du 23 août 2006 et à imposer à son successeur des mesures restrictives concernant la gestion des registres d’archives. Ces mesures ont été ainsi prises par Abdelkrim Debiane (2e vice-président), Mouloud Temmar (3e vice-président), Mustapha Si Salah (1er vice-président), Rezak Zamoum (chef de service sécurité) et Ramdane Abbassen (chef de cabinet) en présence de Ramdane Bouadi en sa qualité du nouveau chef de service de l’état civil, selon le procès-verbal de la réunion du 23 août 2006, portant le n°26/CAB/CTO/2006.

Dans le document en question, intitulé « Rréorganisation du service d’état civil », il a été fait cas de « l’urgence quant à la réorganisation du service de l’état civil », après que M. Debiane, en sa qualité de président de la commission finances et administration, avait « fait part au président de l’APC de plusieurs inspections effectuées au niveau de l’état civil et dont le constat était grave. » Entre autre points d’ordre signifiés au nouveau chef de service de l’état civil, il y a lieu de noter « l’interdiction aux citoyens de remplir les actes de l’état civil et l’interdiction de faire sortir les registres de l’état civil, quel que soit l’ordre donné. » Cette dernière instruction dénote ainsi la gravité de la situation dont laquelle se trouvait le service en relation direct avec les citoyens. Au niveau de ce compartiment de l’administration de la mairie de Tizi Ouzou, l’on évoque la réaffectation de l’ancien chef de service, en raison de plusieurs manquements à la gestion. « Les inspections qui ont eu lieu l’été dernier, ont démontré que pas moins de 5000 avis de mention (décès, mariages et divorces), n’ont pas été exécutées, ainsi qu’un retard de 12 mois pour l’inscription des nouvelles naissances sur les registres », révèle-t-on. Nos sources précisent que le maire en personne avait établi ce constat de manquement en présence d’un huissier de justice. A ces écarts de gestion, le premier responsable de la mairie a eu à découvrir une soixantaine de registres de naissances détériorés pour des raisons non élucidées.

Suite à quoi, le nouveau chef de service installé le 22 août 2006, avait adressé le 9 septembre de la même année, deux rapports de constat à l’adresse du maire, Arezki Bensalem. Le premier rapport, portant références n°12SET/DRG/CTO/2006, contient des signalements au sujet d’une page comportant les actes de mariages n°810 et 811 qui manquaient dans le registre. Une page qui aurait été déchirée du registre sciemment, avoue-t-on. « Suite au contrôle des registres de l’état civil, après mon installation en qualité de chef de service, il m’a été donné de constater qu’une feuille du registre de mariage de l’année 2000 a été délibérément arrachée », est-il écrit dans le rapport qui précise les noms et prénoms des couples portés sur cette fameuse feuille. A la mairie, l’on nous a révélé que les copies d’enregistrement de mariage se vendent entre 20 000 et 25 000 dinars la copie, aux demandeurs de la double nationalité auprès de l’Etat français.

Ce qui pourrait expliquer la disparition de la page contenant les deux déclarations de mariages, alors que la réglementation interdit de photocopier tout document inscrit dans les registres. (décret ministériel 189/76 du 05/02/1976 modifiant le décret 143/72 du 21/07/1972) Quant au second rapport, il portait sur la détérioration de 66 registres de naissances. Des registres réduits en miettes, avons-nous constaté nous-mêmes, samedi lors de notre déplacement au siège de la mairie. L’auteur de ces deux rapports, que nous avons contacté en son bureau, nous a informé que les deux documents de constatations ont été notifiés par le maire ainsi que par son premier adjoint, M.Debiane en l’occurrence, le même jour.

En plus des registres de naissances datant d’entre 1920 et 1974, l’actuel chef de service de l’état civil a eu à signaler dans le même rapport, la détérioration des registres matrices de Betrouna (1 registre), Sikh-Oumeddour (1 registre), Belloua (3 registres) et de Beni Zemenzer (5 registres) Les travailleurs protestataires n’ont pas manqué de fustiger la manière dont ont été opérées les interpellations au sein même du siège de l’APC, sans que les policiers ne soient munis de mandats d’amener. Comme ils s’interrogent sur la non inculpation de l’ancien chef de service de l’état civil qui n’est, pour eux, ni inquiété, ni même cité dans cette affaire.

M.A.T

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