Le deuxième jour du procès en appel de l’affaire de montage automobile et financement occulte de la campagne électorale a été marqué, hier, par la présentation à la barre de deux anciens ministres de l’Industrie et des patrons des usines de montage de voitures. Le premier à être interrogé par le juge de la première chambre pénale de la Cour d’Alger et le procureur de la République est l’ancien ministre de l’Industrie, Mahdjoub Bedda. Ce dernier, poursuivi pour «octroi d’indus avantages» et «conclusion de contrats contraires à la réglementation», a nié toutes les charges retenues contre lui.
Beda s’est présenté devant les magistrats en tant que victime du système Bouteflika qui l’aurait chassé de son poste de ministre après moins de trois mois à la tête du département de l’Industrie. «J’ai exercé à ce poste moins de deux mois et demi. Une période durant laquelle j’ai sévèrement critiqué le système SKD/CKD. À cette époque, j’ai demandé de préparer un nouveau des charges, hélas, on a mis fin à mes fonctions au ministère d’une manière dramatique», a déclaré Mahdjoub Beda aux magistrats. Puis d’expliquer que «la deuxième chose que j’ai faite ayant valu que je sois démis de mes fonctions de ministre est d’avoir mis fin aux fonctions de 13 cadres du ministère en faveur desquels j’ai reçu l’ordre de la présidence de la République en vu de les réintégrer, mais j’ai refusé».
Mahdjoub Beda a étalé devant le tribunal l’historique rocambolesque du fonctionnement qui sévissait à cette époque autour des affaires liées aux autorisations et choix des opérateurs dans le dossier du montage automobile. Le juge appelle l’homme d’affaires Ahmed Mazouz, patron du groupe éponyme. Ce dernier a nié l’ensemble des accusations portées contre lui, notamment ce qui a trait aux faits de corruption. Mazouz a déclaré au juge qu’il est un commerçant depuis 1987, énumérant durant son passage à la barre toutes les activités qu’il exerçait et les affaires qu’il détenait depuis cette date.
L’accusé n’a pas, néanmoins, nié avoir versé 39 milliards au profit de la campagne du candidat Bouteflika : «Je ne nie pas avoir donné 39 milliards de centimes pour soutenir la candidature de Bouteflika en contre partie de pouvoir faire bénéficier mon usine de Boumerdès d’un réseau électrique et d’un branchement au gaz naturel», a-t-il avoué, et d’expliquer que son usine est restée non alimentée par ces deux énergies pendant trois ans. Mazouz a aussi affirmé avoir rencontré Ali Haddad par deux fois en vue de financer la campagne du candidat Bouteflika, mais nie avoir connu, par le passé, les Kouninef, qu’il dit avoir connu en prison d’El-Harrach.
Lorsque Hassan Arbaoui passa à la barre, il s’est d’entrée présenté comme victime, lui et sa famille, d’une cabale qui les a souillés : «Cette affaire m’a souillé moi et ma famille, c’est une cabale qui a visé à nous discréditer», a-t-il déclaré d’emblée. Et d’indiquer aux magistrats : «Je suis un commerçant depuis 1999 et j’ai constitué ma première entreprise en 2005», et de poursuivre : «En 2013, nous avons monté des bus, et en 2014, nous avons bénéficié d’une parcelle de terrain pour le montage de bus de la marque Mercédès, et toutes mes activités sont déclarées au registre de commerce, et nous avons acquis de l’expérience dans le montage avant que nous ayons bénéficier de l’autorisation pour le montage de la marque Kia».
Le juge appelle ensuite à la barre le fils de Sellal, Fares, qui a, à son tour, rejeté toutes les accusations portées contre lui notamment celles relatives à «l’incitation d’agents publics en vue de bénéficier d’indus avantages». Fares Sellal a affirmé, néanmoins, devant le tribunal : «La seule erreur que j’ai commise est d’avoir encaissé 11 milliards de centimes contre mes 269 actions que j’ai cédé à Baïri». Le deuxième ministre à être passé à la barre, dans la seconde partie de la deuxième journée, est Abdelghani Zaâlane qui a déclaré d’entrée au tribunal : «C’est Saïd Bouteflika qui m’a désigné à la tête de la campagne électorale de son frère».
«C’était le vendredi 1er mars, deuxième semaine du mouvement du Hirak, j’étais chez moi, Saïd Bouteflika m’a appelé au téléphone me demandant de rejoindre la campagne électorale d’Abdelaziz», a déclaré Zaâlane qui a précisé que le 5 mars, il reçoit «la nomination pour diriger la campagne signée par Abdelaziz Bouteflika en personne». L’ancien ministre a nié avoir participé au financement de la campagne, affirmant qu’il a exercé pendant 11 ans comme wali dans plusieurs wilayas du pays, «où mon unique soucis était de travailler pour l’intérêt de mon pays».
Zaâlane a aussi maintenu ses déclarations faites devant le tribunal de Sidi M’Hamed lors du procès de première instance, concernant les avoirs et les comptes bancaires de la campagne électorale. À l’heure où nous mettons sous presse, l’audition d’Abdelghani Zaâlane se poursuit, avant que les autres accusés ne soient appelés à leur tour à la barre. Il est à rappeler qu’avant-hier, lors de sa présentation à la barre, l’ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a rejeté toutes les accusations retenues contre lui.
Il a déclaré, entre autres, «En ma qualité d’ancien Premier ministre, ma mission consistait, sur le plan légal, à mettre en œuvre le programme du président de la République, adopté par le Parlement et dont le premier responsable est l’ancien président de la République qui devrait comparaitre comme témoin dans cette affaire». Youcef Yousfi a également nié toutes les accusations retenues contre lui dans l’affaire de montage automobile.
M. A. T.