Les espoirs du vote

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Le dimanche est le seul jour où les Algériens de Grenoble (sud-est de la France) ont le temps d’échanger les idées. Les autres jours de la semaine, chacun vaque à ses occupations. Même les fêtes religieuses, à Grenoble comme dans tous les autres départements, passent inaperçues, si celles-ci ne coïncident pas avec le week-end. Après une grasse matinée, la majorité des « araw n-tmurt » (les enfants du pays), se retrouvent autour d’un café, à la place Saint-Bruno. Les sujets de discussion ne manquent pas, surtout en ce moment. La France va bientôt élire son nouveau Président. Les commentaires des uns et des autres pleuvent. Chacun analyse à sa manière. Les gens n’ont pas oublié les émeutes du mois de novembre 2005. De nombreuses personnes, ici, pensent que ces émeutes vont servir de leçon pour les candidats à l’élection présidentielle. « Nicolas Sarkozy qui a traité les jeunes des banlieues de racaille, tente au maximum de se rapprocher d’eux ces derniers temps, élection présidentielle oblige. Les deux candidats favoris à l’Elysée voyagent et multiplient les messages pour séduire les électeurs issus de l’émigration », souligne Kader, un jeune Français d’origine constantinoise.

Le marché est à quelques mètres des arrêts du tramway. Dimanche est aussi une occasion pour les femmes maghrébines d’échanger les nouvelles. En plus des épices et autres produits de chez nous, qu’elles cherchent chez les marchands arabes, ces femmes saisissent cette occasion pour prendre les nouvelles qui les intéressent.

Nasser, le gérant du taxiphone de la place Saint- Bruno, est souvent débordé le dimanche. Il vend des cartes téléphoniques prépayées, mais de nombreuses personnes préfèrent encore appeler leurs proches des cabines de ce taxiphone. Ceux qui prennent leur café à côté du taxiphone, écoutent toutes les discussions malgré eux.

Le quartier de Saint-Bruno à Grenoble ressemble à Bab El Oued ou La Casbah d’Alger. Les produits halal et les gâteaux du bled sont disponibles au grand bonheur des gourmets et des gourmands. Même les habitués des marques de cigarettes du bled, telles que Rym et Nassim, trouvent leur bonheur à des prix raisonnables, par rapport au coût des autres marques de cigarettes que proposent les buralistes.

Saint-Bruno est connue aussi pour le nombre considérable des vendeurs de « kebab ». A l’entrée, ces derniers ont bien pris le soin de mentionner que la viande commercialisée est halal. C’est-à-dire qu’elle répond aux normes religieuses musulmanes.

Allaoua vit en France depuis sept ans. Il est toujours en situation irrégulière. Comme tant d’autres jeunes, il a tenté l’aventure. « Le temps passe vite. J’ai du mal à croire que cela fait sept ans que je n’ai pas vu mes proches ». La seule chose qui rappelle à Allaoua que les années se sont évaporées, c’est la couleur de ses cheveux. « On dirait qu’il a neigé sur ma tête. Regarde cette photo, je n’avais pas un seul cheveux blanc à l’époque », nous dit-il en nous exhibant son passeport. Un document qui ne sert plus à grand-chose. « Mon passeport n’est plus valable. Je doit en refaire un autre, mais à quoi bon ? Je ne compte pas rentrer au pays avant la régularisation de ma situation. Nous avons quelques grains d’espoir avec cette élection présidentielle qui approche. Entre tonton Nicolas et tata Ségolène, la bataille sera rude ».

Allaoua nous souhaite de passer une bonne journée avant de prendre la direction du marché aux puces. Avant, il vivait à Paris, mais ces derniers jours, les services de sécurité ont durci les contrôles d’identité dans les métros, les arrêts de bus et autres lieux publics. Allaoua a une frangine à Grenoble. Il a décidé de passer quelques jours ici en attendant des jours meilleurs à Paris. Un autre endroit où tout se vend en plein air, chaque dimanche, de huit heures à midi. Quelques jeunes en situation irrégulière proposent différents produits contre quelques euros. « Je ne viens pas ici, souvent, mais quand l’occasion de gagner mon argent de poche se présente, je ne la rate pas », dit Norredine, un jeune Oranais, en tirant sa capuche pour couvrir sa tête. A Grenoble, il fait encore froid, même si l’année en cours est beaucoup plus clémente que l’année écoulée.

C’est dans le parking d’une grande surface que les marchands ambulants se disputent le moindre espace chaque dimanche. Tout se vend. Vieux meubles, ustensiles de cuisines, bicyclettes, téléviseurs et autres produits électroménagers, des livres, des DVD …les prix sont abordables mais les produits ne sont pas garantis.

Le grand hommage à Kateb Yacine

A Grenoble, tous les chemins mènent au grand centre commercial appelé communément « Grand’place ». Les premiers jours de la semaine, il connaît une forte activité économique. En plus d’un hypermarhé, de nombreux magasins de luxe attirent les foules. Le samedi, s’y frayer un petit chemin est une rude épreuve. Les terrasses affichent complet. L’Ambiance est bon enfant. A la sortie, en allant vers Alpe Expo, un endroit où se tiennent généralement toutes les importantes manifestations ici à Grenoble, se trouve la bibliothèque qui porte le nom de l’une des grandes figures de la littérature algérienne, Kateb Yacine en l’occurrence. La bibliothèque est l’une des plus riches de Grenoble avec sa multitude d’ouvrages, CD, DVD, tableaux de maîtres et autres. Son inauguration, il y a deux ans, par Michel Destot, maire de la ville, également député de l’Isère, fut un grand évènement. En plus des universitaires algériens qui étaient heureux de voir le nom de Kateb à l’entrée de la bibliothèque, toutes la communauté algérienne présente à Grenoble a salué chaleureusement l’événement.

Kateb Yacine a vécu ici à Grenoble pendant de longues années, avant de rendre l’âme un certain 29 octobre 1989. Son fils Amazigh du groupe Gnawa Diffusion ne passe pas inaperçu ici. Son dernier spectacle à la place Notre-Dame a drainé des foules. Ce genre de spectacle est toujours un moment de retrouvaille entre familles et amis. Grenoble attire toujours. Même si la neige est tombée en retard cette année, de nombreux amoureux de la nature n’ont pas raté le rendez-vous. A l’heure actuelle, les gérants des stations de ski sont loin d’être satisfaits.

Dans les lieux publics, le réchauffement climatique et les élections présidentielles se taillent la part du lion des discussions. Les Grenoblois s’intéressent au réchauffement de la planète ainsi qu’à la prochaine élection présidentielle qui s’annonce chaude elle aussi….

De Grenoble, Said Taleb

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