Le nouveau roman de Mouloud Feraoun est disponible en librairie

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La lecture de “La cité des roses”, le nouveau roman de Mouloud Feraoun rappelle que l’OAS a privé l’Algérie et la littérature d’un écrivain de talent qui avait encore tant à donner. Le roman qui vient à peine de sortir en librairie sort aux Edition Yamcom, une maison d’édition inconnue jusque-là mais qui fait irruption dans le domaine en publiant un livre passionnant qu’on ne lâche pas dès l’entame de la première ligne. Dans ce nouveau livre, Feraoun a forgé encore davantage son style. C’est donc à une grande partie de plaisir qu’on s’adonne en parcourant les 170 pages du roman. Le livre s’ouvre sur le déménagement d’un instituteur en compagnie de sa famille. L’homme quitte la Kabylie tant aimée, avec un cœur déchiré pour rejoindre Alger dans une ultime tentative de fuir la mort. Mais en fuyant la mort, le “fugitif” rencontrera l’amour. Et quel amour ? Une passion impossible. La femme qui arrachera le cœur du personnage principal du livre est non seulement une Française mais de surcroît mariée. La trame du roman rappelle un peu “La terre et le sang” et “Les chemins qui montent”. L’histoire que raconte le fils de Tizi Hibel s’est déroulée en 1958. A la cité des Roses, un algérien directeur d’école s’éprend de Françoise, une institutrice, tous les deux mariés par ailleurs. L’amour étouffé et brûlant qui les unit trouvera les chemins de son effraction dans le besoin de liberté qu’ils éprouvent profondément. Mouloud Feraoun raconte son Algérie, celle qui s’affranchit de la France avant de rompre définitivement avec elle. Il dresse un tableau sans concession de la passion enivrante qui lia les deux pays et pays dont les spectres nous heurtent encore aujourd’hui. Ce sentiment complexe où s’entrechoquent les amours-propres, les préjugés, les traîtrises et les ignorances conduit invariablement l’humanité à regarder ses propres turpitudes. Au sujet de ce nouveau roman, Mouloud Feraoun a dit : “Je continue par exemple de penser que si la politique peut donner une certaine teinte à l’amour, elle ne peut ni le nourrir, ni le modifier, ni l’empêcher. C’est la politique, la morale, l’honnêteté, etc., qui recherchent toujours des accommodements avec l’amour. Sauf bien entendu quand on a affaire à des héros ou à un faux amour. J’ai cru qu’il était indiqué de faire s’épanouir un tel sentiment au milieu de la haine et qu’il suffirait de rappeler en contre-point que cette haine existait, se traduisait par la colère, l’hypocrisie, la souffrance et la mort. Mais de cette situation historique sur laquelle je n’avais pas besoin d’insister, j’ai voulu que les personnages s’évadent en se donnant l’un à l’autre”.

Dans la note de présentation, il est précisé qu’en 1958, des modifications ont été demandées par l’éditeur de Mouloud Feraoun, lequel éditeur trouvait que ce roman ne correspondait pas aux attentes du lectorat français. Mouloud répondit qu’il ne s’agissait pas d’un travail hâtif ou d’une ébauche et que tout ce qu’on n’y trouvait pas, il ne l’avait pas omis à dessein. Il terminait sa lettre en disant qu’il considérait cette version comme définitive et qu’il avait envie de commencer autre chose. Il n’écrivit l’épilogue qu’un an plus tard, avant de ranger le roman dans un tiroir de son bureau.

Aomar Mohellebi

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