L’un des fondateurs du roman polonais

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Henrik Sienkiewics : oomancier polonais, né à Wola Okrzejska (en Pologne russe) le 5 mai 1846, mort à Vevey (Suisse), le 15 novembre 1916. Il appartenait à une famille de noblesse terrienne, et grandit à la campagne dans un milieu où les traditions polonaises étaient très vivantes. Il fit de brillantes études universitaires à Varsovie et se consacra ensuite au journalisme. Actif collaborateur de la Gazette polonaise. C’est un critique littéraire avisé, fin et intelligent, possédant de surcroît une large connaissance des littératures étrangères, familier des questions sociales, il conquit bientôt les premières places dans la presse polonaise. Il aborde alors le roman et la nouvelle. Ses premières oeuvres, En vain, Le Vieux serviteur, Annette (Hania), Selim Mirza ; Pièces humoristiques, se ressentent encore de l’influence des grands écrivains polonais du milieu du siècle : Kraszewski et Czartoryski. De 1876 à 1879, il fit des voyages en Californie, en France et en Italie; plus tard ce furent l’Espagne, la Grèce, la Turquie et l’Amérique. Ce fut seulement pendant son séjour aux Etats-Unis que s’opéra l’éclosion de son individualité. Il y écrivit une quinzaine de Lettres d’Amérique, Lettres de voyage, le plus beau livre de voyages de la littérature polonaise et des nouvelles parmi lesquelles Le Gardien du phare. Un premier roman, Esquisses au fusain, satire sanglante de l’ignorance et de la grossièreté des paysans polonais, avait mis le jeune journaliste en vedette. Dans ce livre, l’auteur faisait une peinture vigoureuse de la vie du peuple, et montrait un sens rare de la satire et de l’envolée poétique; cependant le livre est surtout resté vivant grâce à l’évocation d’une figure de simple paysanne polonaise. En Californie, au bord du Pacifique, l’écrivain sent monter en lui une inspiration riche et nouvelle, comme le révèlent ses pages autobiographiques. A la recherche du pain est un livre inspiré par l’existence des premiers colons polonais. A travers les steppes, une délicate idylle américano-polonaise. Il décrivit la vie des cirques américains dans « Orso », celle des colons avec leurs conflits tragiques et comiques dans La Comédie des erreurs, où Sienkiewics, comme le fit Mérimée, sut, au milieu de la complexité de ses personnages, caractériser chacun d’eux par les traits particuliers à son origine et à sa race. Le voyage en Amérique eut pour lui la même importance que celui de Chateaubriand au bord du Meschacébé et celui de Goethe en Italie. De retour en Pologne, il reprit son activité de journaliste et de conteur. Parurent alors Yanko, le musicien, L’Ange, L’Organiste de Ponikla, Bartek le Vainqueur et Extraits du journal d’un maître d’école de Poznan. Une narration historique, Sous le joug marque une orientation nouvelle vers le passé. Un roman en quatre volumes, Par le fer et le feu (1884) inaugura une série d’oeuvres nées de la même préoccupation; l’écrivain s’y montra aussi grand maître que dans la nouvelle. Ce dernier livre, qui met en scène une foule de personnages avec chacun son caractère et son activité personnelle, illustre la lutte de la Pologne de cette époque, où il y avait les interminables conflits contre les cosaques zaporogues. Il remporta un succès immense et devint, avec Messire Thaddée d’Adam Mickiewicz, l’évangile de la nation polonaise. Sienkiewics abandonna dès lors le journalisme et se consacra exclusivement à la littérature. Deux autres romans suivirent, puisés dans l’histoire des rudes guerres, l’un dans celle de la guerre contre les Suédois : Le Déluge (1886), l’autre dans celle de la lutte contre les Turcs : Messire (1888). Les trois romans furent réunis sous le titre de Trilogie. Ensuite parut Sans dogme (1891), roman psychologique sur  » l’improductivité slave  » et sur le dilettantisme, puis La Famille Polaniecki (1894), où l’auteur préconise un retour à la simple religion d’autrefois. Sienkiewics se tourna ensuite vers l’âme de l’ancienne Rome. Le conflit entre le christianisme naissant et l’Etat romain le captiva; il le décrivit dans  » Quo Vadis  » (1895), qui est traduit dans beaucoup de langues et fut tiré à plusieurs millions d’exemplaires. L’oeuvre fut qualifiée de tendancieuse envers le christianisme. Elle ne fut pourtant pas écrite dans une intention de propagande, et elle est infiniment supérieure à la Fabiola du cardinal Wiseman. Sienkiewics revint au passé douloureux de la Pologne avec Les Chevaliers Teutoniques (1897-1900). L’automne littéraire de Sienkiewics se caractérise par une activité vigoureuse. Il publia une série de contes philosophiques, un roman pour la jeunesse, Au Désert et dans la brousse, traduit en français en 1934 sous le titre Le Gouffre noir, souvenir d’un voyage en Afrique effectué en 1891, et une oeuvre sur la période de la participation de la Pologne à la Révolution française et aux guerres de la première République : Les Légions. En 1905, il reçut le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son oeuvre. Sienkiewics fut aussi un homme qui se mit au service de la chose publique. Devenu célèbre, il défendit la cause de son pays devant l’Europe; il adressa une lettre ouverte à Guillaume II, protestant contre l’oppression prussienne. En 1905, il fut élu à la présidence de la « Mère des écoles », société qui réunit des millions pour la fondation de nouvelles écoles polonaises, et qui fut dissoute par le gouvernement tsariste. A la déclaration de guerre, Sienkiewics était en Suisse. De Lausanne, il vint en aide à ses compatriotes éprouvés par la guerre, et c’est en pleine activité qu’il mourut, emporté par l’artériosclérose. Ses restes furent solennellement transférés à Varsovie en octobre 1924. Une édition critique de ses oeuvres, publiée entre 1948 et 1955,comporte soixante volumes.

Yasmine Chérifi

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