La Dépêche de Kabylie : Quelles sont vos premières impressions en foulant cette terre qui fut la vôtre ?l M. Hadjadj Haïem Roger : C’est la première fois que je reviens sur les lieux de ma naissance et d’une partie de ma vie. Je ne reconnais pas Bougie. Je me sens comme un enfant et je frétille de joie. Mon bonheur est immense car jamais, même dans mes rêves les plus fous, je ne me suis imaginé foulant ce sol béni.
Quel souvenir gardez-vous de Bougie ?l C’est mon pays. Nous avions en 1962 dans un premier temps envisagé de rester. Les évènements se sont précipités de telle façon qu’on n’a pas pris le temps de réfléchir. Et on est partis. Comme tout le monde.
Remuer des souvenirs n’est pas toujours chose aisée. Pouvez-vous nous dire un mot, juste un mot, sur les conditions du départ ?l C’était un déchirement !
Juste un petit retour sur l’histoire. La France, vaincue par Hitler et le régime de Vichy, ont été très durs avec votre peuple. Vous étiez victimes, ici même, en Algérie, d’un ostracisme terrible et bien réel. Vous avez survécu grâce au soutien de vos frères kabyles et arabes. Vous ne leur avez jamais rendu la pareille !l Vous me rappelez des souvenirs amers et douloureux. Le régime honni de Vichy nous a déchu de la nationalité française et notre communauté a souffert de manière très dure. J’avais 18 ans à l’époque. Quant à notre attitude pendant les luttes de nos frères kabyles et arabes, j’avoue que nous avons manqué de sens de discernement et de courage.
Si on vous disait aujourd’hui “l’Algérie est votre pays, revenez”, envisageriez-vous de tout plaquer là-bas et d’entamer un retour au bercail ?l J’ai pris ma retraite depuis longtemps déjà. Et je me sens trop vieux pour changer de cadre de vie. Mais soyez sûr d’une chose : je reviendrai. Une dernière chose, j’étais vendeur de fer, ici à Bougie, activité que j’ai repris à Marseille. Je n’ai jamais été floué par un forgeron kabyle. Je ne peux pas en dire autant de l’autre côté de la Méditerranée.
Entretien réalisé par M. R.