Il y a 48 années tombait au champ d’honneur Saïd Belalem dit “Cheikh Saïd”

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Cela fait maintenant quarante-huit années qu’a eu lieu l’autre grande bataille après celle du 6 Janvier 1959, au cours de laquelle 384 moudjahiddine tombaient au champ d’honneur les armes à la main, jusqu’à la dernière cartouche et en livrant un corps à corps sans merci avec l’ennemi lequel était numériquement supérieur alors qu’il n’ y avait aucune comparaison avec son armement.

Cette seconde bataille est celle dite de  » Tachtiouine « ,sur la colline Nord surplombant l’oued d’Ait Yahia Moussa ainsi que l’actuel chef-lieu, faisant face à celle d’Ighil’Vir qui avait vécu les précédents combats. Ainsi,au cours de cette mémorable bataille qui dura toute la journée du 5 Mars 1959,la compagnie de l’Armée de libération nationale de la région II,zone IV, sous le commandement de l’adjudant Mohamed Mézaguer, tombé au champ d’honneur,secondé par le sergent-chef Rabah Atoutah,également chahid a été repérée par l’ennemi qui utilisait des avions de reconnaissance que la population surnommait « La moucharde », qui transmettait aussitôt les renseignements recueillis à l’aviation pour intervenir à l’aide des troupes héliportées au moyen de gros appareils américains dit « Les bananes  » qui pouvaient parachuter sur les cimes des collines 45 soldats chacun, encerclant ainsi les valeureux djounouds obligés de livrer un combat inégal. Parmi les nombreux martyrs qui inscrivirent leurs noms sur l’autel du sacrifice figure feu Saïd Belalem connu pour son militantisme mais également par le fait de sa seconde profession d’enseignant du Coran.

 » Cheikh Saïd  » combattait en fait sur deux fronts à la fois contre le colonialisme pour libérer son pays et également contre l’ignorance, l’analphabétisme en enseignant aux petits villageois les versets du Saint Coran tout en leur inculquant la foi en Dieu Le Tout-Puissant.  » Bien sûr, nous connaissons Cheikh Saïd qui était notre maître mais il était aussi un vrai moudjahid, il était armé « , nous répondent les quinquagénaires qui s’en souviennent tant ils ont été marqués par la gentillesse de cet enseignant. Né le 6 juillet 1927 au hameau de Ioumar,appartenant au douar Ichoukrène à moins d’une dizaine de kilomètres au Nord Ouest de Draa-El-Mizan dont il relève administrativement, le chahid Saïd Belalem est le premier enfant d’une famille modeste, dont le père feu Ahmed Belalem, natif de M’Kira en 1898, enseignait la langue arabe et le Coran à Ait Ouakli,dans la basse M’kira,non loin de Tamdikt et Chabet –El-Ameur où il mourut,victime de l’épidémie du typhus qui avait ravagé à l’époque toute l’Algérie. Elevé dans la pure tradition de la famille maraboutique, il apprendra à son tour les soixante sourates du Saint Coran sous la surveillance de son père et de son oncle également enseignant, le petit  » Ben Alem  » (fils du savant) ne tarda pas à démontrer toutes ses facultés pour assimiler facilement les textes du livre sacré pour les faire apprendre à d’autres à son tour, d’autant plus que son père venait de quitter ce monde, laissant à son fils aîné de continuer non seulement sa mission mais également de veiller sur ses trois frères ainsi que sur sa pauvre veuve de mère.

Alors qu’il débuta sa carrière d’enseignant à l’intérieur de la petite mosquée du village d’Ichoukrène, il envoie Amar, son frère cadet poursuivre des études plus poussées à Fès (Maroc).

A vingt-trois ans,en 1950,il convole en justes noces, ce qui est tout à fait normal si ce n’est le fait qu’il a été très en retard à cette époque où les garçons et les filles se mariaient à peine l’adolescence entamée.

La vie devenant difficile, d’autant plus que les parents n’avaient rien à donner au Cheikh pour subvenir à ses besoins. Cheikh Saïd, profitant du retour au bercail de son frère Amar, tente sa chance par deux fois de traverser la mer Méditerranée par deux fois pour une durée de sept mois chacune pour ne pas à avoir à redemander la main de sa femme une seconde fois après une longue absence comme il est de tradition chez les familles maraboutiques.

Mais au déclenchement de la révolution, Cheikh Saïd ne pense plus à émigrer mais laisse la place à son frère Amar pour rapporter à la famille un peu d’argent. Au demeurant, il n’est pas difficile d’imaginer que de par sa position d’enseignant doté d’une grande personnalité, écouté et respecté,  » Cheikh Saïd « ne soit pas au courant des activités des premiers hommes de la région qui ont bravé l’ordre établi par le colonialisme, d’autant plus que des liens familiaux le liaient avec feu Le colonel Ali Mellah dit  » Si Chérif  » qui était également un enseignant du Coran. Il ne fait donc aucun doute que les hommes se rencontraient et se concertaient avec d’autres moudjahiddine.

A partir de 1955, sa maison devint un véritable refuge et un lieu d’instruction d’autant plus que sa situation, près d’un oued était propice aux exercices militaires. En 1956, il est arrêté, torturé par l’armée française pour être ensuite emprisonné pendant plus de neuf longs mois dans la prison de Tizi-Ouzou. Dès la première nuit de son hibernation, il rejoint le maquis en compagnie de sa femme et Baghdadi dit « Si Ahmed N’Slimane qui est venu le chercher. Il sera conduit en pleine nuit à Aït Moh Kaci (Ait Yahia Moussa) avant de regagner quelques jours plus tard la maison des Tachrift (Oncles de sa femme) à Imzoughène mais le village ne tarda pas à être bombardé à partir de la colline d’en face par l’artillerie lourde de la soldatesque française à partir de Tafoughalt où les batteries des canons de 120 mm étaient positionnées.

C’est une autre galère qui le conduira avec sa femme à Rabet où il aura comme logement de fonction, deux taudis qui prendront l’appellation honorifique de  » Iachiouane N’Cheikh « .

Mais un peu plus tard, sur intervention certainement de feu Krim Belkacem, commandant de la wilaya III, il sera affecté à l’école coranique de Tizra Aissa, située à peine à une centaine de mètres de la maison natale du héros de la révolution lequel a été également son quartier général, avant de rejoindre l’extérieur.

Cette affectation donc, au cœur du fief de l’ALN n’était pas seulement une promotion pour le cheikh mais elle le place comme un véritable conseiller du chef de la wilaya III, en ce qui concerne les questions d’ordre religieuse, d’autant plus que la justice était rendue par l’ALN qui défendait aux Algériens d’aller dans les tribunaux français pour n’importe quel problème. Donc, feu Saïd Belalem comme l’atteste plusieurs témoignages était moudjahid-enseignant et en cette journée du mars 1959, il s’était trouvé en face de son école à Tachtiouine au lieu d’être devant ses élèves.

 » Cheikh Saïd est tombé tout près de cet olivier que vous voyez, un peu plus bas du village de Tachtiouine, atteint par la mitrailleuse d’un avion « , nous raconte un citoyen dont le frère avait participé au combat et qui, le lendemain à la faveur de la nuit l’avait enterré en plantant par dessus la tombe un roseau pour l’identifier.

« Après l’Indépendance, j’avais montré la tombe de cheikh Saïd à sa famille qui avait entrepris de le réinhumer dans son village à Ichoukrène « , nous déclare notre interlocuteur.

Pour Rabah Bendif, ancien maquisard qui n’avait pas participé à la bataille du 5 mars 1959 mais était présent à celles du 6 janvier et 15 juillet 1959, feu Saïd Belalem dont il avait beaucoup entendu parler au maquis mérite au moins que son nom soit donné à la mosquée de son village pour que ces générations montantes aprennent au moins son sacrifice. Après plus de quarante-huit années,Cheikh Saïd demeure toujours dans le cœur de ses anciens élèves mais il reste cependant aux responsables locaux des communes de Draâ-El-Mizan et Ait Yahia Moussa de l’immortaliser en baptisant ne serait-ce qu’une mosquée à son nom ou une école.

Essaïd N’aït Kaci

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