Nora Abderrahmani, présidente de l’association des myopathes de la wilaya de Béjaïa, elle-même myopathe, est l’une de ces femmes battantes, décidées à changer son quotidien ainsi que celui des personnes l’entourant, avec peu de moyens certes, mais beaucoup de volonté. Armée d’une détermination et d’un courage à toute épreuve mis au service de ses malades adhérents, cette dame-courage, originaire de Tazmalt, où siège actuellement l’association, a décidé de mener une guerre contre les affres de cette maladie génétique qui la rend dépendante d’une tierce personne,sans jamais prêter le flanc à une quelconque désespérance.
Sur sa chaise roulante, cette jeune fille, née le 22 mars 1971 à Tazmalt, est devenue par la force de son énergie débordante, la langue parlante d’une centaine de personnes atteintes de la myopathie, communément appelée faiblesse musculaire ou encore dystrophie musculaire. Son handicap ne l’a pas contraint à rompre avec son entourage, puisqu’elle est active au sein de cette union qu’elle a nommée « Défi », représentée au niveau de la wilaya et ailleurs. Le secret de toute cette énergie est son ardent souhait de pouvoir briser un jour tous les tabous qui enchaînent la femme dans la société Kabyle et surtout de rompre avec les lieux communs. Hantée par cette idée dès son jeune âge, cette jeune femme qui ne perd pas le sourire de toute la journée, ni encore moins le courage, s’investit chaque jour dans ce qu’elle accomplit. Une journée passée est, pour elle, un acquis qu’elle doit impérativement arracher au profit de l’association en sollicitant APC, wilaya, entreprises et même d’autres associations de malades.
Après quelques années de lutte, Melle Abderrahmani a su s’imposer dans son milieu, en dirigeant cette jeune et dynamique association qu’elle a créée en 1995 et qui aujourd’hui regroupe plus de 300 personnes entre adhérents malades et bénévoles, dont 100 sont concernées en premier chef.
En effet, pour insérer tous ces malades dans la société, la plupart étant des femmes forcées à abandonner leurs études ou leurs emplois, Nora s’est engagée corps et âme dans ce combat de tous les jours pour atténuer quelque peu leurs souffrances et apaiser leurs douleurs. Le fruit de son travail est là. Après plusieurs quêtes et demandes auprès des autorités locales, elle a eu, enfin, gain de cause, puisque le wali de Béjaïa lui a octroyé une subvention pour se doter d’un moyen de transport pour les jeunes malades, scolarisés et d’une maigre pension, pouvant les aider à se acquérir des trousseaux scolaires. En fait, c’est le rêve qu’elle n’a pas pu réaliser, puisque atteinte de cette terrible maladie, que seule une rééducation fonctionnelle peut soulager un tant soit peu mais qui revient excessivement chère à raison de 500 DA la séance. Frappée dès l’âge de 13 ans, Nora n’a pas eu la chance de terminer ses études moyennes. Cet arrêt brusque de sa scolarité ne l’empêche pas d’être d’une remarquable intelligence et d’un esprit vif. Ne voulant pas reproduire son histoire, aujourd’hui, c’est le rêve des autres qu’elle exauce en leur offrant des moyens modestes mais nécessaires pour leurs déplacements.
Avant de créer cette union des myopathes, la seule au niveau de la wilaya de Béjaïa, et huitième au niveau national, la présidente de « Défi » est d’abord connue dans sa région à travers ses œuvres artistiques sous formes de cadres tissés et brodés qu’elle expose chaque fois que l’occasion lui est offerte. Avec du fil et un crochet qu’elle manie admirablement, cette femme artiste réalise des œuvres qui ont fait sa notoriété par la suite. En allant se produire à Alger à l’occasion de la Journée mondiale de la femme en 1995, l’actuelle présidente découvre l’association des myopathes d’Alger, qui lui servira de guide pour créer la sienne. Ce jour-là, non seulement on admira ses œuvres, mais en l’encouragea aussi à arpenter ce chemin difficile. Depuis, soulager la douleur, susciter l’espoir et l’insertion de toute personne souffrante représentent mieux qu’un sacerdoce, l’œuvre de sa vie. Aujourd’hui, c’est le soutien moral et l’aide matérielle qu’elle apporte à tous ces adhérents malades, grâce à quelques personnes qui lui sont d’un grand secours, entre autres : psychologues, médecins, étudiants… Par faute de moyens, Nora ne célébrera pas la Journée de la femme, elle se prépare pour fêter celle des handicapés qui correspond au 14 mars de chaque année.
Son cri de détresse, qu’elle étend loin de sa wilaya, celui d’une malade dépendante des autres, elle le lance à toute âme charitable, capable d’apporter aide et assistance à cette catégorie de malade.
Par « Défi », Nora Abderrahmani lance un défi à la vie.
Fatiha Lahiani
