Une autre “Baya”

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Elle n’appartient à aucune école, Baya a révélé tard son talent d’artiste-peintre mais son ambition est grande et durable et elle risque même de devenir une star de l’art brut.

En l’espace de deux ans, quelque 36 tableaux exprimant en substance l’abstrait naïf ont réalisés par cette dame de 63 ans. Cette Kabyle qui peind à l’instinct revendique que ses œuvres ne sont que des tribunes où justice est rendue à celui qui la perd dans la vie réelle.

Na Baya au riche parcours trouve que la vie est quelque fois cruelle et asphyxiante. Depuis son enfance, elle ressent au fond d’elle, le désir et le besoin de s’exprimer par les couleurs, mais comme toutes les autres femmes de cette Kabylie orgueilleuse, elle n’avait pas les mains libres, elle s’est contenté d’exercer un autre art plus féminin, celui de la couture qu’elle maîtrise à la perfection. Elle dit aussi avoir consacré la plus grande partie de sa vie au rôle le plus significatif de la femme, celui d’élever ses enfants. Douze entre filles et garçons, Baya Chaou a réussi l’exploit d’une mère exemplaire aux côtés d’un père comblé. La réussite de toute sa progéniture dans les études n’a pas déçu la maman mais aussi n’a pas dissuadé outre mesure la sexagénaire de ne plus penser à la peinture. Au fil du temps, la petite flamme en veilleuse au fond d’elle est devenue un brasier dans sa tête. “Mes œuvres reflètent les émotions fortes que je ressens”. Facetieux et poétiques, les titres de ses toiles enchantent les surréalistes qui, éblouis par sa fantaisie, la considèrent comme une pair.

De part son art conceptuel, Na Baya dit vouloir régler ses comptes avec les méchants et les médiocres.

“Mes tableaux expriment la colère, la déception et la mélancolie et par les couleurs et les formes je rends justice à ma manière”. L’artiste juge qu’il est capital de figer les grands malheurs mais aussi les bonnes choses.

L’enfance maltraitée, la séparation, le mépris sont autant de sujets que Baya a consacré dans ses tableaux et ses dessins. “Chaque chose et chaque sentiment à sa propre couleur”, notre artiste pense aussi que les jours de la semaine ont des couleurs et des visages expressifs, sur ses toiles surgit alors un univers étrange aux couleurs criardes, peuplé de petits bonhommes turbulents tracé grossièrement comme par des enfants. Contestatrice, paradoxale mais non-agressive le message de Baya est clair comme ses tableaux. Rendre justice même par les couleurs.

Nadir Touati

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