Le joyau réapprend à rayonner

Partager

Reportage réalisé par Omar Benmohammed

Après seulement six années d’existence, l’école régionale des Beaux-Arts, située à Azazga, a subi une cascade de remous et d’intrigues en tous genres. Ce centre de rayonnement culturel, dont la production artistique est plus qu’appréciable, a connu plus de déceptions que de réussite.

Des directeurs ont été forcés de jeter l’éponge, des années scolaires ont été compromises et des étudiants affectés vers d’autres instituts aux quatre coins du pays. C’est le lot incontesté de cette assez singulière école. Une école qui, pourtant commenca à oublier ces années de cauchemar dès la fin 2005. Une école qui a su se surpasser et reconquérir la sérénité qui lui faisait cruellement défaut depuis sa création.

L’école régionale des Beaux-Arts érigé sur une somptueuse colline verdoyante, domine presque toute la ville. Pour des raisons historiques, le tout-Azazga lui conserve toujours l’appellation du “Quartier des chalets”. A juste titre d’ailleurs, puisque l’école est un ensemble de 15 chalets en préfabriqué, construits à l’époque coloniale pour servir d’abord, de foyers d’accueil pour les Sœurs-blanches, puis de cantonnement à l’armée française pendant la guerre de Libération. Actuellement, l’assiette foncière de l’école est la priorité de l’Etat. Elle s’étend sur 2 316 m2 de surface bâtie, 26 734 de non bâti et de 2 552 m2 de développé hors œuvre.

Pour atteindre les lieux, il faut emprunter la route reliant Azazga à Yakouren, puis au détour d’une bordure, bifurquer à droite et emprunter une piste étroite, sinueuse et très mal en point.

Le tronçon est ouvert mais incommodant. Soudain l’école est à portée de vue. C’est un ensemble de petites bâtisses éparses sur une large portion de champs et ceinturées par une clôture (ou ce qui semble l’être) pourvue d’un seul et unique accès, le portail principal. Une fois engouffré dans celui-ci, la piste devient plus lisse, plus agréable à parcourir. Les chalets s’entassent les uns à côté des autres et sont érigés dans un ordre presque parfait. Les lieux sont propres et bien entretenus. Ils sont également animés et plein d’entrain. Des groupes d’étudiants profitent d’un doux soleil furtif, devant leurs ateliers. D’autres, plus discrets, préfèrent flâner de l’autre côté de l’école, plus verdâtre et moins encombrée.

La structure respire la vie et la sérénité. Les lieux inspireraient le plus paresseux des artistes, mais cela n’a été que fraîchement acquis. L’école vient tout juste de relever la tête. Elle sort, grâce aux convictions de certains hommes, de plusieurs années de conflits, parfois regrettables et souvent préjudiciables pour les étudiants et la réputation de l’institut.

Aux origines du mal

L’ERBA d’Azazga a ouvert ses portes sous le statut d’école régionale autonome en 1999. Elle en est, aujourd’hui à sa 7e année de d’existence. Pour des raisons souvent inconnues, l’institut n’a jamais connu de stabilité. Il connaîtra ses premiers tourments dès 2003, après seulement trois années de scolarité à peu près normales. Le climat général au sein de l’établissement devint malsain, et le spectre de la fermeture définitive plane sur l’école. En octobre 2004, et après de long mois de conflit ouvert, il est mis fin aux fonctions du premier directeur de l’école. Première conséquence, le concours d’entrée en 1re année n’a pu avoir lieu, et la rentrée est, de ce fait, sérieusement compromise.

Un nouveau directeur est désigné et prendra sur lui d’assurer la rentrée 2004-2005 dans des conditions différentes, presque rocambolesques. L’école croyait avoir dépassé le plus dur, mais la sérénité reconquise après moult efforts, n’était hélas, qu’éphémère. De nouveaux conflits encore plus impitoyables éclatent au grand jour dès l’entame de l’année 2005. Pire encore, de graves manipulations allaient empoisonner le climat général au sein d’une école déjà fragilisée par ses vieux remous. Le deuxième directeur finira par jeter l’éponge en octobre 2005.

Entre-temps, les étudiants ressentent l’amertume de constater que les dégâts collatéraux de ce bras de fer sont déjà perceptibles. Les élèves de 4e année sont transférés d’office vers les instituts de Constantine, Oran et Mostaganem.

L’année 2005 a été également l’année de l’arrivée du troisième et actuel directeur de l’établissement, avec lequel toutes les promotions de l’école, appuyées par le corps pédagogique et les encadreurs, se remettent à espérer. Comme on pouvait le constater sur place, un travail de fond a été fait pour stabiliser l’école, en l’absence d’une véritable structure pédagogique, l’école continue de fonctionner. Refusant de se soumettre au fait accompli, le directeur décide de recruter 16 enseignants, huit en contractuels et huit autres en vacation. L’année scolaire pouvait donc avoir lieu. Mieux, les malheureux étudiants “mutés” vers les autres écoles du pays ont été “récupérés” et poursuivent normalement leur scolarité au sein de l’établissement. Inutile de souligner que l’école dispose, pourtant, de cinq postes budgétaires pour enseignants, mais que le concours de leur recrutement n’a jamais eu lieu pour la bonne et simple raison que tout le monde croyait que l’école allait mettre la clé sous le paillasson !

Le retour à la normale

Chiffres à l’appui, M. Faradj Ould Kaci, le directeur de l’ERBAA, nous fait étalage de la série de mesures qu’il a entrepris— parfois malgré d’énormes pressions — pour éviter le naufrage de l’école. A titre indicatif, les effectifs estudiantins ont carrément quadruplé en deux ans, passant de 22 en 2006 à 68 en 2006 puis à 81 en 2007. L’année scolaire 2006-2007 a quand même été entamée, malgré une série de reports due essentiellement au blocage des “dépenses” des étudiants (bourse, transport, restauration, etc) ainsi qu’aux énormes difficultés rencontrées pour “dénicher” des structures d’accueil pour les étudiants à l’extérieur de l’établissement, plus particulièrement pour l’hébergement.

Actuellement, et grâce, à on ne sait quel miracle, les cours se déroulent normalement avec, en prime, l’ouverture des spécialités pour les 4e année. Pour ces derniers, l’administration a même fait aménager de nouveaux ateliers et des salles spécialisées pour qu’ils puissent disposer de la totalité des modules qui leur sont inscrits et ce, que ce soit en design graphique, sculpture, céramique, design aménagement ou peinture. Notons ici, que le nombre et la nature de ces spécialités dépendent uniquement des vœux de l’étudiant.

A côté de cela, et pour mieux asseoir sa politique d’“assainissement” de l’école, l’actuelle direction a pris sur elle d’effectuer de gros travaux de réaménagement, au grand bonheur des élèves et des enseignants qui osent espérer, aujourd’hui, que la fermeture de leur école n’est plus qu’un vieux cauchemar. De fait, il a été procédé à la réalisation d’une toute nouvelle bibliothèque, à la rénovation d’un hangar détérioré (chalet n°10), l’installation de 37 chauffages à gaz et d’une ligne téléphonique, l’aménagement d’une salle d’infographie, etc. Les ateliers de sculpture, verrerie, menuiserie, de ferronnerie, le labo-photo et quatre salles de classe seront incessamment aménagés. Mais la direction ne compte pas s’arrêter là, puisqu’elle prévoit d’autres travaux généraux sur le site, dont la rénovation de tous les chalets (de 01 à 15) avec toitures et enduits extérieurs, et la réalisation d’un internat pour garçons en chalet et sur deux niveaux. De fait, c’est tout l’institut, qui réapprend à vivre, à espérer. A chasser la cruelle image de cet établissement trop beau et très productif mais qui devait fermer ses portes parce que certains l’avaient décidé. L’ERBA d’Azazga vit aujourd’hui ses plus forts moments de sérénité depuis 2000. L’actuelle direction y est pour beaucoup mais reste consciente que beaucoup reste à faire. Le directeur et les élèves partagent aujourd’hui la même conviction : rien, ni personne n’osera plus parler de fermeture !

O. B.

Partager