Comme à l’accoutumée, le magazine Algérie Entreprise a convoqué, mardi soir, le monde de l’économie pour débattre de l’une des questions les plus préoccupantes à l’heure actuelle, à savoir le système financier, courroie de toute transaction. Un diagnostic exhaustif de la situation du marché financier en Algérie et une évaluation de l’avancement des réformes entreprises au sein des établissements bancaires, ses enjeux, dysfonctionnements et lacunes ont fait hier l’objet d’une conférence-débat animée par des experts, analystes économiques et cadres représentants de plusieurs organismes financiers.
Un marché supporté par les banques publiques
En effet, le processus de modernisation et de libéralisation du système bancaire lancée par les pouvoirs publics, il y a une quinzaine d’années avec l’orientation générale d’assurer l’indépendance de la Banque d’Algérie, a accusé des retards considérables et n’a pas pu réaliser les objectifs escomptés. Pour preuve, au moins 95% des crédits financiers partent des cinq banques publiques, alors que les banques privées sont entrées dans une vraie série noire avec des fermetures tout à tour et des trous béants. L’exemple le plus édifiant est sans conteste le récent scandale d’el Khalifa Bank qui a été tout simplement rocambolesque. Il est alors nécessaire, voire vital d’accélérer les réformes et de se mettre au diapason de ce qui se passe de par le monde, car avec le nouveau contexte économique, le paysage financier est appelé à combler la bancarisation des entreprises et des particuliers et à diversifier les instruments de financement pour survivre à la concurrence des opérateurs étrangers qui implantent leurs agences dans notre pays à un rythme frénétique.
Une lutte sans merci contre les fraudeurs
De prime abord, Abderrahmane Benkhalfa, délégué général de l’ABEF a tenté de redorer le blason des banquiers en avançant que ce soubresaut d’El Khalifa ne devrait en aucun cas apporter atteinte au renom des 38 000 agents de la banque qui traitent avec 14 millions de clients et aux 10 000 employés intègres qui prennent tous les jours 7 000 décisions. Quant à la réforme bancaire, M.Benkhalfa qui reconnaitra que cette opération ne s’est pas faite au rythme souhaité, que les bouleversements des années 90 ne sont pas encore arrivés à terme et que les banques ne se sont pas développées au même rythme que l’ouverture économique se montrera toutefois optimiste pour l’avenir. Il expliquera que même si l’expansion de la place financière est essentiellement portée par les groupes publics, les choses bougent et le nombre d’opérations électroniques effectuées par jour et qui sont actuellement de 22 000 sera revu à la hausse pour atteindre les 100 à 150 000 et passer totalement du payement par papier au paiement électronique en 2008.
M.Benkhalfa parlera également des prélèvements qui se développeront très bientôt ainsi que l’évolution de l’option de couverture bancaire qui se poursuivra pour répondre au développement des métropoles économiques et la création d’agences dans des communes qui deviennent de plus en plus viables il citera l’introduction et l’évolution de nouveaux produits financiers tels que le leasing et l’emprunt obligataire parallèlement au crédit. Il présentera également quelques chiffres réalisés durant l’exercice écoulé en avançant que le nombre de clients bancarisé s’élève actuellement à 21 millions, dont 14 millions sont domiciliés aux niveaux des banques et 7 millions à la poste et qu’il ambitionne d’atteindre, à moyen terme, les 31 millions de comptes.
Une agence pour la notation des banques prochainement
Dans une tentative de rassurer les clients et les différents opérateurs ayant affaire à la banque, M.Benkhalfa soulignera que la sécurité des banquables est un souci prioritaire des banquiers dont la devise est « bancariser, développer et sécuriser », et pour ce faire un dispositif de contrôle interne est mis en œuvre et une lutte anti-blanchiment sans merci est enclenchée à l’encontre des fraudeurs. Une race, dira-t-il en voie d’extinction car « les banques s’associent à la justice et cela est très décisif. »
Toujours dans ce souci de garantie, un système de notation des banques pour fixer leur profil, sera établi prochainement afin d’évaluer leur performance et efficacité, a annoncé M.Benkhalfa. Plusieurs paramètres seront pris en considération, à savoir le volume de crédit accordé, le nombre de clients, le taux de risque enregistré…. Une agence qui prendra en charge cette opération, dont la date du lancement n’est pas encore déterminée, verra le jour incessamment.
Le tableau noir dressé par le représentant du MEDA
De son côté, le directeur de l’unité de gestion du programme MEDA, Pierre Gueneau a dressé un véritable procès contre le système bancaire et un bilan peu reluisant de la situation de nos établissements financiers. Tout de go, le représentant de la commission européenne avancera que les choses ne vont pas assez vite et l’Algérie accuse un retard énorme en la matière.
Il mettra en avant le gap qui existe entre les banques internationales et le marché financier algérien et ira jusqu’à dire que nos banques sont de simples « administrations » dans lesquelles la notion du client considéré comme « un usager d’un service public », est totalement absente. Il ajoutera que MEDA a réussi à mettre à niveau les banques algériennes en se penchant sur le développement du concept de la banque commerciale avec la création d’agences pilotes au niveau de chacune des banques publiques à partir de juillet prochain. Quant à la phase post-MEDA qui prendra fin en septembre 2007, M.Gueneau dira que la réalisation de l’ensemble des projets en cours nécessitera une assistance étrangère en dépit de la bonne volonté affichée par des éléments très dynamiques, ces derniers seront débordés sans l’apport des cabinets d’expertise internationaux.
Du paiement électronique en 2008
Un autre point et pas des moindres a été également abordé, à savoir la formation, pierre angulaire du développement de tout secteur. Le manque de compétence dans le domaine n’est un secret pour personne et les diplômés de bac + 4 ne répondent plus aux besoins formulés par les banques, notamment dans les nouveaux métiers.
Le directeur général de l’Ecole des banques interviendra pour dire que les 3000 étudiants en formation diplômante, les 100 en DEUA et les 4000 en formation qualifiante ainsi que ceux formés par l’Institut des hautes études financières sont loin de répondre aux exigences du réseau bancaire en pleine expansion. En matières de coopération, notamment algéro-française, il est fait savoir que plusieurs contrats de partenariat Sud-Nord ont été conclus et qu’un processus de mise en place à partir de septembre prochain d’un cycle de formation condensée de 20 jours est entamé.
Le traitement traditionnel des transactions financières n’a pas de beaux jours devant lui, puisque, selon Benkhalfa, 87 % de l’instrument de paiement a été dématérialisé et 22 000 opérations sont traitées de façon électronique avec l’objectif d’atteindre le seuil des 150 000 opérations d’ici 2008. Il est attendu que 90 % des établissements publics adopteront cet instrument.
H.Hayet
