La légende de l’origine de l’orge et du blé

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Amachaou rebbi ats iselhou ats ighzifAnechth ousarou. (Ecoutez, que je vous conte une histoire. Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).

Les premiers hommes qui apparurent sur Terre ne vivaient que de chasse et de pêche. Voici d’après une légende kabyle, de quelle façon l’homme a appris à manger les céréales, puis à cultiver l’orge et le blé.Les céréales apparurent sur Terre bien avant l’homme, mais il ne s’aperçut de cette richesse inestimable que bien plus tard et de la façon suivante :Un jour, un homme et une femme, épuisés par une partie de chasse particulièrement éprouvante, se sont reposés quelques instants dans un champ. Soudain, leur regard fut attiré par deux tas d’orge et de blé, sous lesquels régnaient une grande activité. Il y avait des fourmis qui transportaient des graines dans leurs nids. A cette époque de la vie, les animaux avaient le don de la parole et communiquaient avec les êtres humains. Intrigué, l’homme observe une des fourmis qui enlève l’enveloppe (Ichlem) d’un grain de blé et commence à le grignoter. Il regarde de plus près. Sa femme ayant peur des fourmis, lui dit de les écraser : “Mah’qi thents ay argaz” – Achougher a Thamet’t’outh ! (Pourquoi, ô femme ! devrais-je les tuer ?) Ce sont des créatures de Dieu, elles aussi !”L’homme suit du regard les fourmis qui enfouissent sous la terre les graines d’orge et de blé. De plus en plus intrigué par le comportement qu’il n’a jamais observé, il dit à l’une des fourmis :- “Peux-tu m’expliquer pourquoi vous emportez ces graines dans vos nids ?- Nous les emportons pour les emmagasiner maintenant qu’il fait chaud et que c’est l’été, pour pouvoir nous nourrir en hiver quand il pleut et neige sur la Terre.- Ces graines se mangent ?- Bien entendu, tu ne le sais pas ?- Je l’ignore. Je veux apprendre- Alors, écoute-moi. Quand on fait cuire ces graines dans l’eau sur le feu, on obtient des graines délicieuses à manger. C’est simple, dis à ta femme d’essayer ! Après les avoir mangées une première fois, tu ne pourras plus t’en passer ! C’est bien beau ce que tu dis, mais nous ne savons pas faire du feu !- Suis-moi, avec ta femme, je vais vous montrer”. Elle les emmène près de la rivière, repère sin g-iz’ra (deux silex) et demande à l’homme de les taper l’un contre l’autre pour faire jaillir des étincelles. Elle demande à la femme de ramener des brindilles et du bois mort. Après quelques tentatives, l’homme réussit à allumer son premier feu.Après ces deux premières leçons, la fourmi dit au couple : “Les graines d’orge et de blé sont bonnes à manger en entier, mais c’est encore mieux, si les graines sont moulues (Mez’dente)”.Et elle leur montre comment. Elle demande à la femme de lui ramener deux pierres lisses et polies. Ensuite, elle lui demande de mettre des grains de blé sur la pierre posée à même le sol, et de les écraser avec l’autre pierre qu’elle a dans la main. Les grains écrasés en poudre donnent de la semoule de blé (Arem ou aourem g-ird’en). Les pierres utilisées sont à l’origine de la première meule à bras de l’humanité (thisirth oufous).La semoule de blé ou d’orge mélangée à de l’eau, cuite sur un feu de braise donne la première galette à l’origine du pain du monde entier (Aghroum n dounith mara).Mettant à profit les enseignements judicieux de la fourmi, l’homme et la femme ramassent toutes les graines qu’ils trouvent dans les champs. Ils les emportent avec eux pour s’en servir au moment voulu, puisque maintenant la méthode est connue. Quelques-unes des graines emportées, tombent à terre au moment des pluies, elles germent et donnent de épis d’orge et de blé. Le couple vit à travers la terre, jusqu’à ce qu’ils rencontrent d’autres hommes et d’autres femmes, qui ne se nourrissent que de fruits et de plantes herbacées et qui vivent en forêt. Ils leur apprennent l’art de faire de la galette cuite à la braise. Dès qu’ils en goûtent ils sont émerveillés. Ils demandent au couple de les emmener jusqu’à l’endroit où se trouvent les graines d’orge et de blé si bonnes à déguster. C’est le début des migrations. Sur le chemin du retour, qui prit des mois, le couple accompagné d’une cohorte d’hommes et de femme s’aperçut, que les graines qu’ils ont perdues ont germé et donné des épis où se lovent des dizaines de graines.Ils font la récolte de ce qui a germé sans être volontairement semé. S’étant rendu compte du phénomène, grâce à son intelligence, l’homme décide depuis ce jour de diviser chaque récolte en deux, une pour la consommation et l’autre pour la germination. Pressés d’avoir du blé et de l’orge en grande quantités pour se nourrir, les hommes sèment pour la première fois des grains en plein été, juste après la récolte, mais aucun grain ne sort de terre. Ils sont déçus et ne comprennent pas pourquoi les grains semés n’ont pas germé. L’homme qui leur a appris à manger de la galette, ne pouvait comprendre le phénomène. Ils lui demandent de revoir la fourmi, peut-être qu’elle peut leur expliquer. Ils vont tous la voir. Heureuse d’être sollicitée, elle leur dit après les avoir entendus :- “Thghelt’em ay irgazen lâli(Vous vous êtes trompés !) On ne sème pas en été, mais quand les pluies commencent à tomber. Si vous faites comme je vous le dis, désormais vous mangerez de l’orge et du blé tout au long de l’année”.Depuis ce moment, les hommes font attention aux saisons qui se succèdent inexorablement depuis la nuit des temps.Ayant appris l’art de semer en temps opportun et de récolter au bon moment, les premiers hommes ont permis à des milliers de générations, de manger à leur faim de l’orge et du blé. C’est suite à cela que nous en mangeons encore aujourd’hui.Our Kefount Eth h’oudjay, inou our kefoun ird’en tsenzine. As n’elaid anetch askoum ts h’emzine ama ng’a thiouamz’iz’ine. (Mes contes ne se terminent comme ne se terminent blé et l’orge. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

Benrejdal Lounès

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