Troupe issue de l’association culturelle Tafat du village de Tifilkout, « les Rigolos », innovateur en matière de produits théâtrales, ils sont aussi connus pour l’interprétation de la pièce « Tafsut N-ddaw yiffer », (le printemps dans la cage) qui leur a valu une renommée régionale sans conteste. La pièce en question écrite par Md Amokrane Tighilt et traduite par Haddadcha Saïd, retrace la vie de toute une société en pleine mutation et en proie à tous les prosélytismes, elle sera mise en scène par feu Boubekeur Makhoukh.
Lors de leur passage à l’université d’Alger en 1994, la représentation de la pièce était interdite par des étudiants intégristes, et sans la prompte intervention des autres étudiants de la mouvance démocratique, le drame serait vite arrivé. Quelques temps après, les cinq comédiens prennent leur autonomie et créent une troupe de théâtre indépendante. Ils parcourraient toute la Kabylie, avec pas moins de 100 représentations par an et cela pendant douze années successives, nous explique Boubekeur Allik. « ça nous arrive de jouer deux fois par jour et bénévolement », rétorque Madjid, un autre comédien de la troupe. La nouvelle manière dont la troupe travaillait, était une aubaine ce qui leur procurera beaucoup de respect grâce à leur sérieux. Ils sillonnaient tous les villages, les résidences universitaires et les salles de cinémas pour, disent-ils : « assouvir notre soif de contact et de vulgarisation du café-théâtre ». « Le café-théâtre était moins connu dans les milieux villageois et estudiantins » nous dit Arezki. Les gens se sont habités aux représentations classiques qui consistent généralement en un jeu de troupe scénique mêlant tragédie et comédie et sans pour autant permettre au public d’apprécier les qualités artistiques des comédiens. La troupe « les Rigolos », comme l’indique son nom, a apporté du nouveau dans l’espace théâtrale kabyle, elle a su conjugué rire, jeu individuel et contestation d’un ordre établi, ses comédiens au nombre de cinq sont complémentaires et compatibles, « l’absence d’un élément pourra perturber le bon déroulement du spectacle », lâche eu riant Bob. « Nous somme liés par le destin des planches », ajoute Madjid. Les différentes productions de la troupe comprennent une série de sketchs et de monologues. La durée des sketchs ne dépassant pas une demi-heure de temps, ils sont conçus de cette manière « pour ne pas déplaire au public », pensent les comédiens. A force de manier l’outil de travail pendant de longues années et de fonder leurs jeux sur une improvisation comique sans limites, les Rigolos ne connaissent pas de trac. « Nous ne nous sommes jamais rencontrés pour des répétitions, nous avons appris nos rôles par cœurs », déclarent-ils. La complicité des comédiens leur donne des attributs communs, ils se connaissent et ils se distinguent seulement par leurs qualités corporelles. « Nous avons rencontré beaucoup de monde durant nos tournées », nous dit Madjid, le vétéran de la troupe, « avec Sonia et Azeddine Medjoubi, nous avons appris un tas de choses sur le quatrième art », se réjouit-il. « Avec Hamid Achouri dans son émission Pour le meilleur et pour le rire de la chaîne III et celle de Si Lâazouni de l’ENTV, nous avons signé des contrats de travail, mais nous les avons délaissé par la suite à cause des problèmes » ajoute avec regret Madjid. La troupe a travaillé aussi sur les grandes œuvres théâtrales algériennes, elle a participé à la formation et au montage de « La poudre d’intelligence » en kabyle de K. Yacine, extrait du « Cadavre encerclé », elle fût un essai de la tragédie katébienne, puis « La Guerre de 2000 ans » avec Fadhila Assous, une élève de Kateb Yacine. De Muhya, ils ont repris le monologue, « Mmis N-Tajalt « et il sera interprété par le talentueux Boubekeur et tant d’autres pièces qui ont fait le rêve d’un public sevré par ce genre de représentations. La troupe « Les Rigolos » n’a pas immortalisé ses années de scène, exception faite de deux CD, sous l’égide de la coopérative théâtrale « Le Miroir », aucune autre chose n’a été faite dans ce sens. Signalons toutefois qu’un membre de la troupe a été absent lors de notre passage, il s’agit de Amar connu sous le nom de Amar Colombo, car ce dernier, aujourd’hui marié, est une autre icône du café-théâtre au niveau régional, notamment, avec son célèbre monologue « les balcons ».
Mohamed Mouloudj
