Médecins et spécialistes tirent la sonnette d’alarme…

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Le phénomène de la violence sexuelle est »difficile à chiffrer » pour des raisons socioculturelles évidentes, chose qui a été affirmée par des médecins légistes au niveau de l’hôpital Mustapha, ce jeudi, à Alger.

Ces derniers ont déploré le vide juridique en matière de définition et de pénalisation du viol.

« L’ampleur du phénomène est très difficile à chiffrer du fait de l’absence de signalement et de la pudeur des victimes à révéler cette violence dont elles sont victimes », a déclaré le professeur Madjid Bessaha, président de la Société algérienne de médecine légale (SAML), à l’ouverture de la 8ème journée médico-judiciaire, consacrée aux violences sexuelles.

Les quelques statistiques, surtout hospitalo-universitaires existantes, liées à ce problème, restent « très relatives par rapport à l’ampleur du phénomène qui ne peut être abordé sous l’angle des statistiques seulement », a ajouté le Pr. Bessaha, du service de médecine légale au CHU Mustapha-Pacha.

Ce vide s’explique, selon les praticiens, par « la pudeur et la réticence des victimes à dévoiler ou à révéler l’humiliation subie dans leur amour-propre ».

Pour ces raisons, ont-ils averti, il y a lieu de tenir compte d’un chiffre « noir » de toutes les victimes « muettes qui préfèrent souffrir seules ».

Selon les praticiens, les violences sexuelles peuvent être physiques ou morales (harcèlement sexuel ou le contrôle obligatoire de la virginité) et concernent aussi bien celles contre les enfants (pédophilie), du côté des hommes, mais la forte prédominance reste féminine..

Des études ont été établies pour déterminer le taux des violences sexuelles en Algérie. A cet effet, une enquête nationale sur les violences à l’encontre des femmes a été effectuée en 2006 par l’Institut national de la santé publique (INSP) qui a montré que 5,4% des violences subies par les femmes sont de nature sexuelle.

Le profil épidémiologique des cas observés à la consultation de médecine légale du CHU Mustapha-Pacha, de 2004 à 2006, montre que sur 104 victimes, 0,86 % de la totalité des consultations avaient pour motif les violences sexuelles, a affirmé le docteur Kamel Naït Rabah. Il confirme, ainsi, la nette prédominance féminine (68%) dans les tranches d’âge 16 ans-20 ans (35%).

Dans le même contexte de cette étude, des statistiques à profil épidémiologique montrent que 23% des enfants âgés entre 5 et 10 ans ont été victimes de violences sexuelles.

Entre autres, pour ce qui est de l’auteur de ces actes, il en ressort également que l’agresseur est extra-familial (33,7%) et familial (4,8%), outre que le lieu de l’agression est souvent le domicile de l’agresseur.

Pour ce qui est de la prise en charge des personnes violées, le Dr Nait Rabah considère que les violences sexuelles constituent « une véritable urgence médicopsychologique » nécessitant « une politique de prise en charge adéquate des victimes »..

Par ailleurs, les violences sexuelles peuvent être également conjugales, l’époux abusant de sa femme. Des plaintes ont été déposées par des femmes contre leur époux pour actes contre nature,  » sodomie, sadisme, des rapports sexuels durant les menstrues et le mois sacré du Ramadhan « , a affirmé le Dr. Souag Mokhtaria du CHU d’Oran, qui a déploré le fait que « la loi ne réprime pas les actes entre conjoints », ajoutant que « le débat reste ouvert sur la question »qui demeure un tabou dans notre société qui a longtemps occulté, sous des prétextes religieux le phénomène de la violence sexuelle dans le couple commence à devenir « visible ».

Les praticiens ont tenu à rappeler que les violences sexuelles représentent un véritable problème de santé publique ; les médecins légistes ont plaidé pour une véritable politique de formation scientifique des médecins toutes spécialités confondues sur les violences sexuelles et leur diagnostic.

Ils ont aussi appelé à réfléchir sur les possibilités d’indemnisation des victimes, citant l’exemple du Maroc, où la jeune fille, victime d’un viol est indemnisée.

Kafia Aït Allouache

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