La signature d’El Qaida

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Comment en est-on arrivé à cette situation ? Des attentats à l’explosif, aux actions suicide, Al-Qaida tisse sa toile au Maghreb. Les sanglants attentats d’Alger, du mercredi noir, semblent confirmer que l’affiliation du GSPC à la nébuleuse Al-Qaida est une réalité. Outre la revendication elle-même, plusieurs indices plaident en ce sens. Jusqu’à maintenant, aucun groupe terroriste en Algérie n’avait eu recours à des kamikazes, hormis celui commis contre le commissariat central d’Alger le 31 janvier 1995. Si le chef du RND, Ahmed Ouyahia, écarte tout lien entre la pauvreté, le marasme de la jeunesse algérienne et l’acte terroriste kamikaze, l’on est en droit de se demander les réelles motivations ayant conduit ces jeunes terroristes à mourir et à donner la mort aux autres. Fait à remarquer, les trois kamikazes ayant perpétré leur forfait devant le Palais du gouvernement et à Bab Ezzouar sont de nouvelles recrues. Ces combattants d’un nouveau type n’appartiennent pas à la génération de l’ex-FIS et de son bras armé, l’AIS. De ce fait, ils n’ont pas de relation directe avec ceux qui ont combattu durant la décennie rouge l’Etat algérien.

La pauvreté et la misère sociale : terreau du radicalisme religieux

La chute du prix du pétrole vers la fin des années 80 et les événements d’octobre 88 ont chamboulé la vie politique et économique du pays. A l’ouverture démocratique, le parti radical islamiste FIS ratisse large auprès d’une jeunesse, en proie au désespoir. La sensibilité à la religion aidant, le FIS a incontestablement récupéré cette frange qui, plus tard, a pris le maquis pour  » le djihad « . Outre ces motivations idéologiques, ce djihad avait comme motivation de vivre mieux. N’y a-t-il pas un lien entre la montée du fascisme et du nazisme dans les années 30 en Allemagne et en Italie et le marasme économique que vivaient ces pays ? De quoi est-il constitué l’électorat de l’extrême droite française de Jean-Marie Le Pen si ce n’est des français n’ayant pas bénéficié de  » la part du gâteau  » dans le marché économique de ce pays ? La montée de l’islamisme dans les banlieues françaises aurait-il lieu si ces banlieusards n’étaient pas victimes d’une exclusion sociale ?

Indubitablement, autant que ceux du Maroc, les kamikazes algériens vivaient dans la calamité où le ressentiment et la frustration grandissaient, aggravée par l’inexistence de relations de confiance entre gouvernants et gouvernés. Il ne fait aucun doute que la capacité de recrutement des candidats kamikazes n’est possible que dans les profondes convictions politiques ou dans le terrain nauséabond, mais fertile du désespoir et des frustrations. Probablement, que la misère économique doublée d’indigence intellectuelle le permet. Il n’est donc pas étonnant que, dans ces conditions, des jeunes lorgnent, du côté des islamistes extrémistes. Tout cet assortiment, avait largement facilité la tâche aux prédicateurs terroristes d’Al-Qaida d’y mettre leur touche, celle de pousser ces jeunes à mourir en martyr en leur promettant le paradis.

Louisa Hanoune et « la main étrangère »

Comme pour le terrorisme islamiste des années 90, la loi sur les hydrocarbures, ou même la crise de Kabylie et le dialogue gouvernement-mouvement citoyen qui s’en est suivi, Mme Hanoune a superbement renvoyé l’initiative du président de la République dans le cadre de la satisfaction de la plate-forme d’El-Kseur à des…pressions américaines. La main étrangère est encore une fois, l’instigateur des derniers attentats terroristes perpétrés à Alger. Même s’il y a une part de vérité dans cette analyse, on ne peut indéfiniment designer du doit  » cette main  » en remettant aux calendes grecques ses propres contradictions. La SG du parti Trotskiste qui affirme à qui veut l’entendre que ceux qui prêchent l’échec de la politique de la réconciliation nationale sont des…menteurs, arguant résolument que  » les solutions doivent être algériennes « , sous-entendant en Algérie, ôte spectaculairement son parti-pris dans le Contrat de Rome en présence d’acteurs politiques à l’image d’Anouar Haddam, sous les biens-faisances de…l’Eglise Catholique.

La guerre en Irak, le conflit israélo-arabe et l’Afghanistan : la matrice du terrorisme

Enthousiasmés par la guerre ayant opposée l’Afghanistan à l’ex URSS en 1979, les extrémistes algériens, que ce soit ceux du GIA ou de l’AIS, en ont pris un modèle durant la décennie rouge qu’a vécu le pays. La pérennisation du conflit israélo-arabe a depuis longtemps fait émerger un sentiment de  » victimisation  » de la jeunesse arabo-musulmane en général et algérienne en particulier. Mais fort est de constater que depuis l’éclatement de la guerre en Irak et  » la résistance  » qui s’en est suivie, tantôt contre l’occupant américain, tantôt contre les civils, a inspiré les nouvelles recrues au martyr. En effet, plusieurs jeunes ont rejoint clandestinement l’Irak pour combattre l’occupant américain. Ces algériens souvent sans repères et victimes d’une exclusion sociale, ont succombé à la frustration d’une  » réelle existence  » où le djihad et le martyr ont dominés leur attachement à la vie. Fait à remarquer, la guerre contre le Liban menée par Israël l’été passé et la victoire du mouvement radical chiite, le Hezbollah contre l’Etat Hébreu, a incontestablement joué un rôle déterminant dans la modélisation qu’a pris le mouvement chiite dans les esprits des jeunes algériens. Un certain sentiment de fierté et d’arrogance retrouvé où ces jeunes considèrent le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah comme allégorique. Toutes ces zones de conflits ont considérablement contribué au renforcement de l’idéologie politique et militaire islamiste de l’organisation d’Al-Qaida.

Les médias orientaux : de l’information à la propagande

Les kamikazes algériens du 11 avril sont-ils le pur produit des chaînes de télévision satellitaires du Golfe ? Ces jeunes algériens qui subissent un matraquage médiatique carrément extrémiste sont à la recherche d’une identification. Nourris des images de guerre d’Irak, de Palestine, du sud Liban et d’Afghanistan, ils n’ont plus de repères. Aujourd’hui, certains se moquent même de ceux ayant fait la révolution algérienne et les tiennent pour des corrompus. La Révolution glorieuse de 54 n’est plus l’exemple où s’inspirent ces jeunes, les Amirouche, Abane, ou Ben-Mhidi sont presque réduits aux noms des boulevards qu’ils portent. Leurs modèles ? Des hommes capables de tenir tête à la toute-puissante Amérique, tels Ben Laden ou Nasrallah, qu’ils admirent autant qu’ils haïssent George Bush et les responsables arabes, coupables à leurs yeux de  » multiplier les compliments  » envers la Maison Blanche. Dans le même ordre, les combattants revenus d’Irak peuvent constituer la même influence que ceux revenus d’Afghanistan des les années 80.

Politique algérienne : absence de perspectives claires

Cela s’est vérifié à travers le sentier de l’Algérie poste-indépendante. Les arabo-islamistes ayant toujours exercé le pouvoir, n’ont fait qu’endoctriner les générations montantes. Le système éducatif, le Code de la Famille, la propagande islamiste, la crise sécuritaire ont pressé le pays vers le gouffre. La politique institutionnelle n’arrivant pas à trancher clairement en faveur de la modernité du fait des innombrables pressions des conservateurs, rend le paysage politique flou. La situation politique quasiment bloquée autant dans notre pays que chez nos voisins, la Tunisie et le Royaume Chérifien et qui font que les plus faibles, les plus aigris, ou les moins formés politiquement peuvent trouver argument à leurs actions meurtrières.

En effet, l’écart entre la jeunesse et les politiciens, dû aux changements de politiques perpétuels et le manque de perspectives à long horizon, est tellement immense qu’ils ont cherché ailleurs des modèles pour leur existence. Idem pour les services de sécurité qui amalgamés entre la lutte anti-terroriste et la politique de réconciliation, ne trouve plus de repères objectivement définis pour mener à bien leur mission. Tout cela s’est déjà traduit par l’émergence du FIS et de ses bras armés durant les années de braise.

En définitive, les actions kamikazes en Algérie ne sont nullement des actes qualifiés officiellement d’  » isolés « . la précarité sociale et politique, l’isolement criant et la perte de confiance sont ainsi des apports à prendre en compte. La lutte anti-terroriste et l’islamisme radical doit s’intensifier pour que le pays s’ouvre à de nouveaux horizons et accorder à la jeunesse quelque chose de mieux que la mort au bout …d’une ceinture d’explosifs.

Yassine Mohellebi

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