L’impérative dépénalisation du délit de presse

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Comme chaque année, la Journée internationale de la liberté de la presse est commémorée le 3 mai. Celle-ci permet d’avoir une pensée à tous ces hommes et femmes de la presse, ces journalistes victimes de la répression, de la censure, ou de pressions en tous genres. Sans même oublier tous ceux qui ont perdu et perdent la vie dans l’exercice de leur profession, ou qui en sont persécutés. Par ailleurs, le rôle du journaliste consiste en premier lieu à informer objectivement la population, ou son lectorat, sur ce qui se déroule comme autour d’elle (ou de lui). Si dans certains pays démocratiques, ce rôle n’est pas remis en cause par l’Etat. Ce n’est, malheureusement, pas le cas partout dans le monde.

Des pesanteurs liées à l’environnement politique de chaque pays peuvent compliquer la vie d’un journaliste. Conséquences : les professionnels des médias n’arrivent pas toujours à exercer librement leur métier. Des cas de persécutions de la presse enregistrés à travers le monde n’est qu’une illustration de la restriction de la liberté de la presse dont on décrie depuis des décennies. Un métier noble et périlleux à la fois.

S’agissant de notre, pays, la presse indépendante, a arraché des espaces de libertés, après l’ouverture démocratique du pays durant les années 90. La preuve en est la floraison et la diversité des titres. Cependant, la pléthorique, ne saurait être un gage de liberté totale puisque des écueils s’imposent devant cette presse qu’on dit la plus libre des pays du maghreb. En effet, les journalistes algériens sont quotidiennement soumis à la menace des amendements du code pénal, tel une épée de Damoclès.

« La tache noire de la presse … »

La presse algérienne demeure actuellement inchangée.  » Elle vit toujours sur les menaces du code pénal « , a déclaré, à cet effet, Nadir Bensebaa, représentant de la FIJ en Algerie. Plus explicite, il dira que  » la situation qu’a vécu la presse avec l’emprisonnement des journalistes et qui peut se reproduire à n’importe quel moment, au grès des demeures politiques, c’est ce qui menace davantage la liberté de l’expression dans notre pays « . Néanmoins, les réflexes d’autocensure adopté par la presque majorité de la presse indépendante, en est la pour attester des handicapes dont souffre la démocratie. Sur un autre plan, le journaliste qui, selon lui, est diminué d’un  » minimum  » de dispositions légales pour sa couverture sociale et juridique. A ce propos et plus précisément, il a confirmé que  » Bon nombre de nos confrères, et c’est malheureux de le dire aujourd’hui, ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale et l’absence d’un statut particulier le réduit à une position sans aucune considération. » De son côté, Omar Belhouchet, directeur du quotidien francophone El Watan, a mit l’accent sur l’importance de cette journée pour le journaliste pour faire le point sur l’état des lieux, notamment l’abrogation du code pénal dans son aspect diffamatoire. Il a révélé aussi que  » les relations avec les pouvoir publics exercent moins de pression en comparaisant avec les années précédentes ». Et d’ajouter que le manque de coopération des administrations dans le travail, surtout les enquêtes, du journaliste. Un recul remarquable de la presse, l’a qualifié d’ » une tache noire « .

Il a lancé à cet effet un appel à tout les acteurs de ce secteur d’aller vers un statut de journaliste qui, selon lui,  » doit être protégé par son entreprise de presse « .  » Cette journée est toujours une occasion pour nous les journalistes de faire un bilan sur la situation de la liberté de la presse dans notre pays « , a signalé, pour sa part, Zine Cherfaoui, rédacteur en chef de notre confrère Al Watan, en réaffirmant que  » nous avons un code pénal qui est suspendu sur nos têtes telle une épée de Damoclès, qu’on doit amender ». C’est un code qui ne facilite pas le travail pour le journaliste.

Cela signifie, selon lui, que la presse ne pourra pas concurrencer la presse étrangère. Quant à Arezki Mettref, le correspondant du quotidien le Soir d’Algerie, joint hier par téléphone, a déclaré que cette journée coïncide avec le procès, de notre confrère Arezki Ait Larbi, qui est reporté pour des raisons non avouées, est marqué par l’atteinte de la liberté de la presse par la personne d’Arezki. De son avis, pour une vraie démocratie, c’est nécessaire pour l’Algérie d’arriver à ce qu’il n’y ait plus d’emprisonnement de journalistes.

La presse algérienne vue par RSF

Selon le rapport annuel 2007 de Reporters sans frontières (RSF), publié sur le site net, les médias algériens n’ont pas échappé, en 2006, à des poursuites judiciaires et la peur de voir un nouveau quotidien fermé, comme ce fut le cas deux années auparavant pour le quotidien Le Matin, est présente chez de nombreux directeurs de publication. Au moins cinq journalistes ont été interpellés durant cette année. Malgré la mesure de grâce pour les journalistes, annoncée par le président de la République, le 5 juillet 2006, cette dernière n’a pas mis fin à la répression de la presse algérienne, selon le même rapport.

Pour ce qui est des procès qui se sont ouverts cette année, et qui sont particulièrement marqués par l’instrumentalisation de la justice. La preuve en est la condamnation et la persécution des journalistes algériens dans des affaires relevant de délits de presse, notamment l’affaire opposant le journal arabophone contre le président libyen Mouammar Kadhafi.

Un procès qui s’est soldé par la prononciation d’une peine de six mois de prison ferme et 20 000 dinars (soit l’équivalent de 220 euros) contre le directeur du quotidien Ech-Chourouk Ali Fadil et la journaliste Naïla Berrahal.

Dans une autre affaire, Omar Belhouchet, directeur de publication du quotidien El Watan, et le chroniqueur Chawki Amari ont été condamnés par défaut, le 25 décembre à trois mois de prison ferme pour « diffamation » après la publication d’un article, au mois de juin, dénonçant les malversations d’un haut fonctionnaire.

De même pour notre confrère, Arezki Aït-Larbi,, correspondant des journaux français Le Figaro et Ouest-France, qui a récemment découvert qu’il fait l’objet de poursuites judiciaires, et ce, après avoir essuyé un refus de renouvellement de son passeport. Pour sa part Mohamed Benchicou, lex- directeur de publication du Matin n’a pas été épargné, preuve qu’il a été incarcéré pendant deux ans, pour « infraction à la législation sur les mouvements des capitaux ». La même année 2004, le siège de son journal avait été vendu aux enchères suite à un redressement fiscal et le quotidien contraint d’arrêter sa parution sous la pression d’une imprimerie d’Etat qui réclamait le règlement de ses dettes.

Par ailleurs et concernant l’atteinte à la presse mondiale, ce ne sont pas moins de 23 journalistes et de 5 collaborateurs des médias qui ont été tués depuis le début de l’année. 124 journalistes, 4 collaborateurs et 65 cyberdissidents sont actuellement emprisonnés dans le monde. Sans oublier que 13 journalistes sont toujours retenus en otages dans le monde.

Dans le monde entier, le 3 mai est devenu, par ailleurs, l’occasion d’informer le public à propos des violations du droit à la liberté d’expression, et le moment de se rappeler que plusieurs journalistes risquent la mort ou la prison en transmettant la nouvelle aux gens. L’occasion aussi, et surtout, de conscientiser le public, lui qui  » consomme « , au quotidien, le travail réalisé par l’ensemble de la profession.

En cette 17ème Journée mondiale de la liberté de la presse, pensons aux atteintes qui y sont chaque jour portées.

Car,  » quand la liberté de la presse est piétinée, la démocratie l’est aussi « , comme l’a souligné le représentant de la FIJ en Algerie.

Nabila Belbachir

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