Quand Fedj M’zala s’insurge contre la folie meurtrière

Partager

Soixante-deux ans après l’horreur vécue par les Algériens un certains 8 Mai 1945, les souvenirs de ces massacres demeurent vivaces dans la mémoire collective de notre pays. Même si en évoquant cette tuerie, les regards se tournent instinctivement vers Sétif, Guelma et Kherrata, il n’en reste pas moins que d’autres régions de l’Algérie profonde ont vécu l’enfer durant la période qui suivit la victoire des alliés contre le nazisme et la rage de liberté des Algériens.

En effet, aussi bien Sétif où furent atrocement réprimés dans le sang un rassemblement et une manifestation pacifiques, Guelma où le sous-préfet André Achiary fit poursuivre jusque dans leurs douars, pour les exécuter froidement, des Algériens désarmés, que Kherrata où des centaines d’autochtones furent jetés sans ménagement du haut des gorges de Châabet El Akhra, et bien d’autres régions témoins des barbaries des colonisateurs.

La zone de Fedj M’zala, Ferdjioua aujourd’hui et plusieurs de ses dechras, comme Douar Lemnar, Tassdane et Lâayadhi, furent parmi les régions les plus meurtries lors de ces massacres. Le chercheur Sadek Mokrani, responsable de la section de Mila de la Fondation du 8-Mai 1945 dira que Ferdjioua fut soumise, dès le 9 mai, aux exactions de l’armée coloniale et de sa Légion étrangère, ainsi qu’à celle des milices, et Brahim Alliouche qui participa à l’insurrection avant d’être emprisonné au pénitencier de Tazoult (ex-Lambèse, près de Batna) témoignera que « dès le début de l’après-midi de ce 9 mai, plusieurs centaines d’Algériens de la plaine de Fedj M’zala et de ses alentours se regroupèrent sur le pont de Bouslah, à quelque 800 mètres de la ville « .

Menés, selon plusieurs témoins, par Amar Alliouche, des fellahs, ayant eu vent, des horribles tueries commises la veille à Sétif décidèrent d’attaquer,  » à minuit le bureau de poste et le bâtiment administratif de Ferdjioua « . Une fois leur plan mis à exécution, les insurgés saccagèrent et incendièrent le bureau de poste, avant de s’attaquer au bâtiment administratif qui abritait le siège de la commune mixte de Fedj M’zala et où se réfugièrent dans sa cave  » 102 personnes entre militaires, colons et une poignée d’Algériens ». Assaillis par les combattants de Fedj M’zala, déterminés à souhait, les assiégés du bâtiment administratif ont fini par céder en dépit de l’importance de leurs capacités de résistance, leurs provisions et leurs munitions. Ce qui conduisit le juge de paix, Charles Vallée, à demander du secours à la Gendarmerie française stationnée à Redjas (non loin de Ferdjioua) et aux forces militaires basées à Constantine.

Brahim Alliouche racontera encore que bravement, avec  » l’énergie du désespoir décuplée par le dénuement dans lequel nous vivions et par le perpétuel déni de justice dont nous étions quotidiennement l’objet de la part de l’administration coloniale », le siège du bâtiment, devenu l’unique bloc de retranchement de la diaspora coloniale locale, reprit de plus belle vers 2 heures du matin.

Cette audace des habitants de Fedj M’zala, de douar Lemnar, de Tassdane, de Lâayadhi et d’autres dechras de la région, ils la payeront malheureusement chèrement, durant des jours, ils subiront des représailles cruelles et sanglantes qui entraîneront la mort de près de 600 personnes et l’arrestation de 300 autres.

De nombreux arrêtés seront condamnés à des peines allant de la réclusion à perpétuité à 20 années de prison en septembre 1945, au tribunal militaire de Constantine.

L’administration coloniale qui a reçu une réelle leçon de bravoure dans la nuit du 8 au 9 mai 1945 a construit en 1952, la sinistre  » Prison rouge  » à Ferdjioua, surnommée ainsi, dit-on, en raison des quantités de sang algérien qui s’y répandirent durant la Révolution de novembre.

Il est à signaler que cette prison est transformée en musée qui abrite, aujourd’hui, de nombreux vestiges de la sauvagerie des forces coloniales et tant de témoignages des lourds sacrifices consentis par les Algériens pour que vive l’Algérie libre et indépendante.

H. Hayet

Partager