L’exode n’est pas une fatalité

Partager

La terre promise de Kabylie, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, a attiré dans les années 60 et 70, années fastes et productives, toutes sortes de travailleurs venant de diverses régions du pays et même bien au-delà, pour s’y installer, attirés par sa richesse sur le plan socio-économique et surtout sa beauté naturelle inégalable et son climat extraordinaire.

Aujourd’hui cette partie de la Kabylie n’intéresse plus personne.

A cet effet, le nombre de jeunes des deux sexes,et pères de famille, qui quittent cette région vers d’autres contrées à l’intérieur du pays notamment vers le Sud et à l’extérieur, vers le Canada et l’Europe est très impressionnant.

Cette “émigration” qui poussent les jeunes et moins jeunes vers des pays lointains pour tenter de se forger un avenir, démontrer que la région de Kabylie, désormais ne peut plus répondre en matière d’emploi, à cette population en âge de travailler et qui est tragiquement délaissée à elle-même. Lors d’un meeting de campagne pour les élections du 17 mai prochain à Larbaâ Nath Irathen, le candidat des formations ANR/UDR/MDS M. Boumendil, s’est étalé longuement sur le problème du chômage dans la région. Il a eu effectivement raison de dire : “La Kabylie est l’une des régions du pays la plus paupérisée, souffrante et qui subit le phénomène d’une manière inquiétante.

Il faut y remédier le plus vite possible” clamera-t-il. La mini-enquête que nous avons initiée dans cette ville, nous a permis de mettre à jour certaines des raisons et le pourquoi de cette ruée vers d’autres contrée et pays lointains. Ces gens qui “s’évadent” sont ceux qui n’ont pas les moyens de partir à l’étranger ou qui sont au chômage ou encore insatisfaits de leurs revenus dérisoires, ils s’aventurent dans le Sud algérien dans l’espoir d’y trouver un job et d’être recrutés dans l’une des nombreuses entreprises privées, publiques ou une des compagnies pétrolières étrangères lesquelles nous dit-on offrent des salaires intéressants pour leurs employés.

De ce point de vue, le Sud du pays, est devenu une véritable aubaine qui attire une grande partie de salariés. Des cadres ou non, chômeurs avec des petits métiers qui ont fait l’objet de licenciements lors de liquidations des sociétés en faillite, et qui ont préféré “émigrer” dans un Sahara infernal pour s’assurer un salaire confortable, et partant, se faire une situation malgré les dures conditions climatiques. Dans les années 70 et 80, les avantages et les salaires offerts par l’Etat, dans le cadre de la zone spécifique n’ont pas encouragé les travailleurs à y rester et encore moins à s’y rendre. H. D, la quarantaine, chauffeur de poids lourds dans une entreprise publique à Hassi-Rmel nous dira : “Les conditions climatiques sont insupportables”. Mais son salaire le motive et lui donne la force de persévérer. L’essentiel étant pour lui, de subvenir décemment aux besoins de sa nombreuse famille, et il est satisfait. Des centaines comme lui ont quitté leur région par aller au Sahara à la recherche d’une vie meilleure. D. Mokrane, 32 ans, cadre, travaille dans une boite américaine.

Nous l’avons rencontré en ville. Il à l’air heureux de sa vie au Sud, à la différence de H. D, il revient tous les 45 jours dans l’entreprise où il travaille. “Nous bossons sans arrêt.

On ne connaît même pas de week-end. Ceci nous permet évidemment 15 jours de récupération tous les 45 jours”, affirme Mokrane. Beaucoup de travailleurs optent pour le Sahara, la wilaya de Tizi Ouzou, à elle seule compte des milliers de ces “exilés” qui se rendent dans cette partie du pays à la recherche d’un hypothétique emploi.

“Nous sommes très nombreux, nous les gens de Tizi Ouzou qui nous expatrions au Sud à tel point que l’on n’entend que le parler kabyle. Certains débarquent avec armes et bagages en famille”, nous avoue un cadre. Des femmes, jeunes et moins jeunes aussi nombreuses que les hommes viennent aussi occuper des postes de secrétaires, de femmes de ménage, de cuisinières dans de boîtes de catering, Dieu seul sait si elles sont légion au Sud. Ces dernières viennent de partout. Cependant, toutes il sont-elles vraiment satisfaites de leur situation ? la question nous renseigne à bien des égards sur la vie que mènent certains de ces pauvres travailleuses et travailleurs qui ont cru trouver refuge dans leur propre pays. Il est démontré que tout ce beau monde n’est pas heureux de son travail au Sahara, car si certains bénéficient d’un salaire conséquent, d’un logis confortable et d’une restauration saine au niveau des riches “boîtes” à l’exemple de Sonatrach ou compagnies étrangères, ce n’est pas le cas pour les travailleurs dans les sociétés privées.

Les ouvriers des entreprises privées, la majorité en bâtiment, ne sont pas mieux loties qu’ailleurs. Beaucoup de travailleurs louent des garages dans des cités-bidonvilles insalubres à des prix dépassant tout entendement. Soit plus de 5000 DA/mois le garage et en plus se nourrissent très mal.

Enfin, il est important de signaler que le Sud du Sahara est choisi par cette population kabyle comme ultime recours et moyens de fuir la misère du chômage qu’endure cette kabylie profonde. Pis encore, des milliers de jeunes qui pourtant occupent des postes intéressants dans des sociétés riches, ne songent qu’à émigrer au Canada et en Europe, sans compter ceux qui déjà y sont installés définitivement. Un sujet devenu une obsession chez les jeunes Kabyles. Celui de “partir”. Un verbe tout de même empreint de tristesse.

S. K. S.

Partager