Entretien

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La Dépêche de Kabylie : La France des couleurs, est-ce un nouveau thème?

Idir : C’est plus qu’un thème, c’est un concept qui a plusieurs thèmes…

Comment avez-vous eu l’idée de traiter de ce concept aussi sensible ?

L’idée m’est venue en réfléchissant comment donner une sorte de définition de la France actuelle qui n’est forcément pas la même que celle de l’Empire, de la Monarchie et du Moyen Age. Même si on remonte dans l’histoire, la France avec les différentes transformations subies depuis l’époque gallo-romaine en plus des vagues d’immigrations et de colonisations, ne peut pas prétendre aujourd’hui être un pays pur et la même identité française que celle d’il y a des siècles.

A travers cet album, La France des couleurs, je dis qu’on ne peut pas avoir une identité dans laquelle il y aura plusieurs diversités ! Ce n’est pas possible. La réponse que je propose est : que chacun amène sa contribution dans le creuset de ce qu’ils appellent la France, et dans tout ce mélange, il y aura sûrement des choses positives à prendre que ce soit de la part d’un Kabyle ou d’un Sénégalais et à partir du moment où la France l’accepte tel qu’il est, elle deviendra une nouvelle identité qui changera sûrement à son tour avec le temps. L’identité est une perpétuelle dynamique.

Justement Identités était le titre de votre précédent album. Est-ce que ce nouveau en est la suite ?

Je dirais que c’est une conséquence. Identités était plus personnel, dans l’album, il y avait des partages et contrairement à ce que pensent les gens, ce ne sont pas mes chansons qui étaient prévues au départ.

On avait convenu avec les artistes participants de choisir soit une de mes chansons soit une des leurs ou encore une inédite.

Le hasard a fait que la plupart ont choisi mes chansons. Ça m’a d’autant plus fait plaisir que dans l’album Identités chacun a amené sa sensibilité pour rendre hommage à la culture kabyle. Conséquence de cela c’est qu’avec ce nouvel album la France des couleurs qu’on a élargi le concept car on s’est rendu compte qu’au fur et à mesure qu’on faisait les chansons, l’idée devenait de plus en plus concrète, actuelle et touche directement le côté politique de la France.

En optant pour la musique hip hop, rap et reggae, quel message vouliez-vous transmettre au public ?

Je voulais transmettre surtout l’idée qu’aujourd’hui on ne peut pas parler des couleurs de la France, surtout des Noirs, sans parler de ses représentants et surtout des musiques urbaines le hip hop, le rap, le r’nb qui s’expriment et protestent aujourd’hui d’une manière aussi claire et représentative et que je trouve comme couleur dominante quand même.

Peut-on savoir dans quelles circonstances s’est faite la première rencontre avec ces jeunes chanteurs ? D’où est venue l’idée de travailler ensemble ?

C’était à l’occasion d’un repas dans le cadre d’une rencontre avec la maison de disques que l’on a commencé à envisager la possibilité de partager des titres avec des jeunes.

Au début, on avait pensé au titre Générations qui supposait jeunes, avec quelqu’un de vieux comme moi… (rires) et après, cela s’est élargi.

On en est arrivé après cela au concept France des couleurs tout en élargissant le champ musical, celui des idées et on proposait pratiquement un vrai tableau; celui de la France actuelle.

Comment se sont faites les compositions musicales et textuelles ?

Individuellement ou en groupe?

Cela se fait ensemble en général, car si vous voulez respecter le concept, il faut laisser chacun apporter sa quote-part. J’ai laissé chaque musicien et chanteur s’exprimer comme il a l’habitude de le faire et s’exprimer librement à partir du moment où on a déterminé le sujet. C’est le cas de Sinik, par exemple. Je sais qu’il est révolté, il a parlé du déracinement et du mal-vivre des jeunes dans la banlieue. Noa, qui est Israélienne chante : «Est-ce qu’on peut vivre dans une France tout en étant différents et s’aimer malgré les religions multiples”. Ce que j’ai cherché dans cet album, c’est que chacun en s’exprimant autrement reflète à chaque fois cette France des couleurs.

Peut-on envisager la France des couleurs dans vos prochaines tournées ?

C’est faisable, mais pas avec l’ensemble des artistes -quarante-deux en tout- en même temps car imaginez combien de temps et de moyens il faudrait.

A la limite, j’inviterai quelques-uns lors de chaque gala et éventuellement faire appel à une voix féminine pour interprèter sur scène les chanteuses de l’album. Malheureusement, techniquement, on ne peut pas aller plus loin.

Cet album, aussi universel soit-il, est aussi dédié à notre culture kabyle. Comment discernez-vous le lien ?

Vous savez, si ce n’est pour ma culture, je ne vois pas pourquoi faire ce travail car, à la limite, je ne suis pas Français. Je suis Algérien.

Mais, vous savez par rapport à ce que ça soit moi, Kabyle, qui ai pu fédérer autant de personnes aussi connues les unes que les autres et que c’est moi qui leur propose de parler de la France actuelle, celle des couleurs, là ça m’arrange mieux car on démontre que notre culture et notre identité kabyles font partie de ces couleurs, et sont à même de pouvoir fédérer et rassembler les autres aussi différents soient-ils. Si ce n’est cet objectif, je serais bien heureux de ne chanter que mes chansons et rester tranquille.

Djillali Djerdi

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