Les salines d’Ighil Ouantar

Partager

Ce village est le seul de la région a être gratifié par Dame nature d’une source naturelle à l’eau salée, sortie des entrailles de la terre que les villageois mettent dans des bassins (cristallisée), sous l’effet du soleil, seulement en été, se transforme en condiment raffiné, le sel. Cette substance blanchâtre, cristallisée, de saveur un peu piquante, soluble dans l’eau à n’importe quelle température, est utilisée pour la conservation ou l’assaisonnement des aliments. Avant l’avènement des conservateurs chimiques et des équipements de réfrigération ou de congélation, nos aïeux l’utilisent pour le conditionnement des produits alimentaires. «D’une époque pas assez lointaine, avant 1981, date à laquelle les villages de Seddouk ont été électrifiés, les ruraux utilisent une technique de conditionnement des produits alimentaires à base de ce sel alimentaire. La tomate, les oignons sont coupés en petits morceaux et la viande des bêtes égorgées à l’occasion du rituel religieux de l’Aïd El Kebir, sont salés avec ce condiment et séchés au soleil pour être consommés tout au long de l’année», raconta, une vieille d’un sourire élogieux et elle rajoute : «les vertus du sel sont fort nombreuses».Pour s’y rendre, on emprunte, la route qui démarre à la sortie nord de la ville de Seddouk. Celle-ci serpente sur environ 8 kms en ascension sur tout le trajet et son état lamentable atteste que la chaussée n’a pas reçu de revêtement depuis des décennies. En cette période de pleine végétation de l’année. Au nombre des curiosités à découvrir, le paradis de l’escapade façonné par un environnement sauvage où se mêlent le gazouillement des oiseaux au charme des roses qui ornent les champs. S’en étonner, c’est méconnaître l’endroit, car pour ces pères de familles qui s’évadent pour oublier un tant soit peu, le stress quotidien, ce lieu est leur destination préférée. Une file de voitures garées sur les accotements de la route atteste du nombre d’amoureux de la nature venus prendre l’air pur au milieu d’une végétation verdoyante des parcelles de terre incultes dont la jachère atteint par endroits 50 cm.Les adultes se mettent en groupe, sous un arbre écoutant de la musique ou marchant et la marmaille joue et se querelle au milieu des figuiers fétiches. L’ambiance conviviale attire le regard des voyageurs. Un peu plus loin, au sommet du col, la route contourne une pinède dont les arbres de pins montrent une image pitoyable de par le désastre subi lors des dernières chutes de neige, des branchages cassés, des troncs déracinés gisent à l’intérieur, à la lisière de cette forêt ou carrément sur le bord de la route. Première localité à traverser, Sidi Saïd, chef-lieu de la commune, dont relève Ighil Ouantar. La route qui la traverse tout le long distribue des maisons pavillonnaires et divers commerces où figurent deux édifices étatiques, le siège de la mairie et le bureau de poste.Cette petite ville comparable à un grand village de par le manque d’infrastructures d’envergure, doit son développement au découpage administratif de l’année 1984 où elle a acquis ses lettres de noblesse. L’Etat pour la sortir d’un isolement qui a plongé la population dans un dénuement total, l’a érigée comme commune. Depuis, comme s’il avait reçu un coût de fouet, elle sort de sa léthargie doucement pour y arriver sûrement. Cette bourgade est connue de longue date grâce à sa zaouïa qui reçoit chaque année un contingent d’étudiants en théologie pour une formation de talebs.

Au détour d’un virage apparaît la source des salines jaillissant à côté d’une rivière au fin fond d’un ravin où le chemin qui descend zigzague en pente raide. D’une légende, qui remonte à plusieurs siècles, pendant que Thamalahth constitue la première ressource du village, les villages lui offrent un rituel qui se renouvelle chaque année en guise de conservation de l’unité et de la solidarité qui animent la communauté.

A la sortie de cette ville, hommes et enfants font la chaîne devant une fontaine qui, pour boire qui, pour remplir des bidons ou des jerricans. C’est le geste fort de Hadj Mokrane, qui a fait un forage et construit une fontaine pour les villageois et les passants. Non loin de là, au premier carrefour, un panneau signale à droite la route, qui descend vers Ighil Ouantar qui est en pente raide sur 5 km. Avant de se jeter dans le village, on a sillonné des habitations modernes dressées tout le long de cette route et bordant des régiments de figuiers au milieu d’un paysage à la flore exceptionnelle.Ce village orgueilleux et si fier qu’il est, languissant au soleil de printemps, les pieds dans l’Oued Tassif qui longe ses terres de l’Est à l’Ouest en déroulant ses méandres sur environs 7 km. Adossé au flanc d’une montagne, il semble narguer le visiteur en lui taisant son secret que seules ses maisons anciennes, séculaires et proprettes au milieu des pavillons modernes semblent connaître. Les chemins, qui continuent étroitement jusqu’au milieu du village, distillent de petites ruelles bétonnées qui démontrent l’attachement des villageois à la propreté de leur localité et à l’amélioration de leurs conditions de vie. La route goudronnée s’arrête au village pour céder à une piste agricole rocailleuse et sinueuse, fraîchement retapée des dégâts causés par les dernières intempéries. Après un kilomètre de marche, on débouche sur une vaste plaine parcellisée dont les terres sont bien travaillées. Aucune de ces parcelles n’est inculte. Les épis de vesce d’avoine et de céréales tournoyaient aux quatre vents dans des morcellements parsemés d’arbres fruitiers, notamment le figuier qui demeure le deuxième fruit le plus répandu dans la région après l’olivier. Certaines cultures sont bordées par des haies de cactus local (akermous), qui demeure aussi un fruit très prisé pour la consommation ou la commercialisation de par ses rendements élevés, dont les charges de production sont quasiment nulles. Nos ancêtres l’on béni grâce à ces multiples vertus : l’arbre, en plus du fruit succulent qu’il donnait, est utilisé comme clôture pour les humains et les grands animaux, et rempart aussi contre les feux de forêt. Les Moudjahiddine, pendant la guerre, trouvent en lui une protection contre les balles qui ne le traversent jamais.Enfin, au détour d’un virage apparaît la source des salines jaillissant à côté d’une rivière au fin fond d’un ravin où le chemin qui descend zigzague en pente raide.D’une légende, qui remonte à plusieurs siècles, pendant que Thamalahth constitue la première ressource du village, les villages lui offrent un rituel qui se renouvelle chaque année en guise de conservation de l’unité et de la solidarité qui animent la communauté. A l’occasion des fêtes religieuses, ils égorgeaient sur le site un bœuf qu’il emportaient ensuite au village pour le dépecer et le partager entre les familles. Cette année, c’est dans une ambiance des grands jours, augurant une année fructueuse et prometteuse, que les villageois s’apprêtent à s’en donner à cœur joie à la préparation du site en nettoyant la source, les bassins et la piste permettant le transport des marchandises au village.Ainsi, le sel est un produit pour lequel les habitants ont une vénération particulière en l’adulant comme on adule un saint. D’ailleurs, les vieux parlent d’une légende qu’ “il existe à l’endroit deux rochers qui se dressent sur les deux flancs de la rivière, l’un en face de l’autre dont les couleurs différents, l’un est blanc et l’autre gris. Le village est béni par ce gardien des lieux qui apporte sa protection à la source des salines qui ne s’est jamais tarie et aux villageois qui ne manquaient de rien ! Au-dessous de l’un des rochers est érigée une cabane séculaire qui a cédé sous le poids des ans. Pour la maintenir en l’état, les villageois l’ont consolidée avec des portes. “Cette cabane est d’un apport considérable pour la mémoire collective puisqu’elle appartient à tout les villageois, comme la mosquée, thadjamaâth et tant d’autres, et doit être conservée comme monument historique de par les générations qu’elle a vu défiler et qui l’ont utilisé. C’est là que nous changeons nos vêtements et laissons nos outils en fin de travail”, dira Na Malika, une sexagénaire qui connaît l’endroit dans ses moindres recoins. Elle a commencé à le fréquenter dès son jeune âge, en aidant ses parents durant son enfance avec des petites tâches qu’elle accomplissait et en exploitant pleinement sa part depuis qu’elle à fondé son foyer. Un peu plus bas, coule une eau limpide qu’on ne peut différencier d’une autre eau courante, potable à la consommation, n’était-ce son goût salé. Les villageois ont dressé une digue formant un grand étang. Tout autour, le terrain accidenté formé de petites pénéplaines est parsemé de bassins. Parmi eux, ceux existants qui sont toujours en activité et ceux dont il ne restait que des traces. “Qu’en reste-t-il de thamalaht ?” S’interroge-t-elle. “Je me souviens, lorsque cette source était la principale ressource des villageois. Tout ce flanc bien que son relief soit accidenté, qui s’étend sur environ 3 ha, renfermait plus de 500 bassins de contenance moyenne de 60 hectolitres chacun” regrette cette vieille qui a du mal à contenir son amertume. Assimilée aux travaux ménagers, certains travaux des champs, l’exploitation de thamalhth a été confiée aux femmes de la localité depuis la nuit des temps. “Et pourquoi s’en étonner s’il l’exploitation de tamalahth est laissée exclusivement aux femmes ? Car les hommes aussi ont leurs tâches spécifiques, des travaux durs des champs aux affaires extérieurs tels que le marché et autres”, explique, Aït Ouakli, un jeune de la localité.

L’eau se sèche tranquillement et devient un bloc de sel que les femmes cassent facilement en marchant dessus jusqu’à les transformer en grain de petites et différentes grosseurs, puis à l’aide d’un balaie traditionnel (thimeslahth), il est rassemblé en un tas au milieu du bassin.

En effet, pour les femmes, Thamalahth est l’une des rares occasion de sortir de la maison et de rencontrer d’autres femmes dans un endroit où elles sont entre elles, loin des regards des hommes, où elles peuvent s’exprimer librement tout en travaillant. La production est saisonnière, elle dure trois mois d’été. A pareille époque, c’est-à-dire à l’arrivée des grandes chaleurs, les villageois entamaient les préparatifs pour lancer la campagne de production. Ils organisaient une journée de volontariat pour la remise en l’état de la digue et nettoyer l’étang et les bassins de conservation, puis ils tracent un programme permettant à chacun d’avoir judicieusement sa part. “La préparations d’un bassin est plus complexe. Tout d’abord pour éviter l’envasement, des petits galets seront étalés en troisième position des haillons afin que le sel ne se mélange pas à la terre. Une fois le bassin est fin prêt à l’usage, les femmes puisent l’eau de l’étang à l’aide d’un récipient pour le déverser ensuite dans les bassins qui sont laissés en repos pendant des dizaines de jours”, poursuit-elle. L’eau se sèche tranquillement et devient un bloc de sel que les femmes cassent facilement en marchant dessus jusqu’à les transformer en grain de petites et différentes grosseurs, puis à l’aide d’un balaie traditionnel (thimeslahth), il est rassemblé en un tas au milieu du bassin. C’est là que se termine le travail des femmes pour céder la place aux hommes qui le transportent aux foyers dans des chouaris sur les dos de mulets. Une fois la population rentrée, les membres de la famille s’affaarent à tirer la marchandise par variété entre les gros, les moyens et les petits calibres. Celle-ci sera ensuite conservée dans des jarres dont une partie sera consommée tout au long de l’année et le reste sera vendu. “Avant l’apparition des véhicules mécaniques à moteur, le transport se faisait sur le dos des mulets ou des humains. Certains, tôt, le matin chargent les bêtes pour silloner les villages et ne rentrent à la maison que jusqu’à la liquidation totale de la marchandises quel que soit le temps que ça dure. D’autres préfèrent les jours du marché pour vendre leur produit. Ceux qui ne sont pas dans le besoin attendent que les clients viennent au village pour vendre leur produit en gros ou au détail”, raconta Hadj El Bachir, dont l’attachement au terroir est des plus significatifs et dont sa vie se confonds avec Thamalath qui a fait, au temps de jadis, la réputation de son village, Ighil Ouantars, qui l’a vu naître et grandir dans la joies et parfois dans les douleurs en le quittant un jour pour partir vers d’autres cieux, à la quête d’une travail bien rémunéré qui lui permettait de ramasser un pactole et revenir dans cette bougade tant choyée. Assis sur une bordure, les yeux des lueurs du soleil matinal afin de bien voir l’endroit où se situent les salines (Thamalath). “Là où je m’en vais, il me semble que mes pieds sont posés là ou je suis et mon esprit retourne dans mon village, à Thamalahth, que rien ne me fera oublier” fait-il remarqué après un râlement sorti de sa gorge nouée, le fait de s’en souvenir des joies et des peines passées. Il continue : “Je me souviens des années où j’étais encore berger. Avec des haillons rapiécés, été comme hiver, qu’il vente ou qu’il pleuve, un morceau de galette d’orge dans une poche et une poignée de figues sèches dans l’autre suffisent pour apaiser la faim durant toute la journée dans les champs et au retours je dois rentrer avec un fagot de bois sur le dos pour le feux de cuisine et du chauffage”. Rampant avec la vie des petits bergers vivant dans le dénuement total, pour échapper à la misère, il quitte le village, avec regret, il laisse derrière lui Thamalahth, les contrefois d’Achtoug, fait de garrigues, de maquis, de petites pinèdes, de plaines bien travaillées et des sources d’eau minérales qui jaillissent des entrailles de la terres. “Les premiers mois c’était un enfer, il n’y a pas un jour où je n’ai pas pensé à mon village”, rajoute-t-il, les yeux mouillés tout en révélant que “la galère n’est jamais terminée, pour lui jusqu’au jour où il est rentré définitivement au pays”. En effet, depuis l’indépendances, avec l’avènement de l’émigration vers la France au début des années 1960 et la prospérité de l’Algérie vers les années 1970 qui a développé une industrie dont les pôles sont concentrés au niveau des grandes centres urbains, notamment Alger la capitale, un exode rural masif vers la grande ville a eu lieu et Ighil Ouantar n’est au reste : C’est à ce moment-là que Thamalath commençait à s’amenuiser comme une peau de chagrin. Aussi, le développement du commerce du sel iodé qui est vendu dans des commerces qui florissaient dans toute la région la concurrencé, en quelque sorte le sel naturel de Thamalahth, ce qui a motive beaucoup de villageois à renoncer à son exploitation. “Sur les 500s bassins exploités avant les années 1970, il n’en restait actuellement qu’une dizaine”, rajouta le jeune Ait Ouakli. Quoique l’on dise, ce village est reconnu comme étant un model dans la région sur le plan organisationnel par son bon fonctionnement. Avec une organisation convenable où le pouvoir est attribués par la communauté à des notables désignés qui assurent une autorité acceptée par l’ensemble des habitants de la localité. La cohésions sociale entre les villageois est des plus solides et prouvée avec la communauté émigrée, qui même en allant loin, ne se soucie guère sur le plan social de leurs familles laissées au villages, la communauté s’occupe de leur prise en charge.

L. Beddar

Partager