C’est l’énergie concentrée dans le noyau d’un atome de l’uranium qui,-cette particule infiniment petite de la matière- mit fin à l’ordre mondiale qui prévalait durant la Seconde Guerre mondiale et scella le sort de cette dernière tout en étant le rideau de fer entre les deux grandes stratégies de gouvernance mondiale de l’après-guerre. Dès lors, autant cette substance maîtrisée et développée ; son utilisation pratique et rationalisée d’une manière croissante, les relations internationales se bouleversent, se définissent et s’orientent.
» Sans doute les mégatonnes que nous pourrions lancer n’égaleraient pas en nombre celles qu’Américains et russes sont en mesure de déchaîner. Mais, à partir d’une certaine capacité nucléaire et pour ce qui concerne la défense directe de chacun, la proportion des moyens respectifs n’a plus de valeur absolue « . (1)
Quand les dirigeants américains au cours de La Seconde Guerre mondiale, demandaient à Einstein s’il croyait que les savants parviendraient à utiliser pour des fins pratiques la conversion de la matière en énergie, il répondait :
» Autant vaudrait tirer contre des oiseaux dans la nuit au milieu d’une campagne où les oiseaux seraient extrêmement rares « .
L’enchaînement de l’histoire avait contredit la certitude d’Einstein qui ne croyait pas à cette possibilité. Albert Einstein avait tenu une place considérable dans l’évolution des idées, son prestige et ses interventions des plus efficaces le mettaient au-devant de la scène politique mondiale. Père de la révolution scientifique, cet illustre savant, à travers sa célèbre théorie de la relativité, bouleversa toute l’histoire de la science moderne et apporta une nouvelle conception et appréhension de la phénoménale, matière – énergie, sur les deux échelles, atomique et universel avec une jonction magistrale.
L’apport des physiciens européens émigrés aux Etats-Unis, notamment ceux qui étaient spécialistes de l’atome, était grandement déterminant dans le renversement des équilibres internationaux en faveur des alliés à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
L’exode d’une grande partie de cette élite scientifique mondiale, plus particulièrement les savants juifs allemands, avait énormément contribué à l’essor des Etats-Unis et à leur émergence en tant que superpuissance mondiale, qui étaient loin du champ de bataille et non impliqués directement dans le conflit au cours des premières années de la guerre.
En puisant efficacement dans cette élite et en mettant à sa disposition tous les moyens logistiques qui pouvaient s’avérer nécessaires à un grand effort de guerre qui consiste à la mise en pratique de la conversion de la matière en énergie à travers un processus conduisant à la fabrication de nouvelles armes susceptibles de détruire de grandes parties d’un territoire appartenant à un pays ennemi en quelques instants seulement.
L’impératif le plus extrême durant ce conflit, ce n’était pas d’avoir de grandes quantités d’armes nucléaires que l’autre. Pourquoi ? L’énorme puissance destructrice de l’arme atomique mettait en évidence cette option stratégique.
Quand deux pays ennemis s’engagèrent dans un même processus les conduisant à la fabrication de la bombe atomique, si l’un des deux parviendrait à sa possession avant l’autre, toutes les installations nucléaires du dernier seraient réduites à néant et sans pour autant avoir ni le temps nécessaire ni les possibilités de riposter efficacement si le premier aurait utilisé l’arme contre lui.
L’efficacité extrême de cette arme avait fait basculer les laboratoires dans la guerre avant les Etats-Unis, et constituait une donnée géopolitique majeure qui faisait de cette arme un instrument politique de premier plan.
Pourquoi la bombe atomique qui avait été conçue pour détruire l’Allemagne, fut utilisée contre le Japon ?
La guerre était alors d’ordre idéologique avant quelle ne fut l’ambition des hommes politiques et des Etats-Unis pour la puissance et l’expansion. Dès lors ; deux conceptions idéologiques s’affrontaient frontalement et chacune d’elles avaient ses implications politique et économique autant culturel et civilisationel sur le reste du monde.
La guerre des services de renseignements succéda à celle des Etats pour mieux surveiller l’autre et cerner son évolution technologique dans le domaine du nucléaire et avoir la parfaite connaissance sur son arsenal de guerre et ses potentialités guerrières.
L’hégémonie de l’un et de l’autre sur le monde était tributaire de la maîtrise et de développement de l’énergie nucléaire et de son utilisation pratique.
Apres la capitulation de l’Allemagne par la jonction des deux armées- alliés et soviétiques – en Europe centrale, les alliés conclurent un accord avec les Soviétiques au cours de la conférence de Yalta en février 1945, que ces derniers allaient intervenir dans la guerre du Pacifique contre le Japon dans les trois mois qui suivirent la fin des hostilités en Europe.
Mais, la première bombe atomique fut lancée contre le Japon le 06- Août-1945 deux jours avant l’expiration du délai fixé par l’accord, le 08 août, donc trois mois après la capitulation de l’Allemagne le 08-Mai-1945. Par conséquent, à travers ce stratagème géopolitique hautement digne des grandes puissances ; deux bombes atomiques furent utilisées contre le Japon rien que pour éviter l’irruption et le déferlement des Soviétiques en Asie dans l’Extrême-Orient, voire neutraliser son expansion hégémoniste dans le pacifique en tant que superpuissance issue de l’après guerre. L’avènement de la bombe atomique avait bouleversé les rapports de forces durant la guerre en mettant fin à cette dernière ; en orientant dans un sens ou dans l’autre toutes les grandes décisions prises au cours des conférences de Yalta (février 1945), et celle de Potsdam (juillet 1945).
Cette arme nucléaire à base d’uranium avait chamboulé toutes les données géopolitiques majeurs post-Seconde Guerre mondiale ; ainsi toutes les grandes décisions, grands enjeux internationaux, alliances stratégiques, et globalement les relations internationales se définissent et s’orientent en fonction de la maîtrise efficiente de cette substance et de son utilisation efficace dans les industries militaires des grandes puissances.
La terreur provoquée par l’utilisation de cette arme contre le Japon avait amené les hommes politiques à la création d’une Organisation mondiale (ONU) qui veillerait à la sécurité et à la stabilité du monde.
La configuration et le fonctionnement de cette organisation avaient été conçus en fonction des proportions des arsenaux nucléaires détenus par les initiateurs de ce projet mondial.
Désormais ; la sentence s’avère conséquente et se vérifie : l’énorme puissance destructrice de l’arme nucléaire, et à partir d’une certaine capacité nucléaire pour ce qui concerne la défense directe d’un pays quelconque n’appartenant pas au pré, carré des grandes puissances, la proportion des moyens de ces dernières n’a plus de valeur absolue. Toute la problématique internationale se détermine en fonction de cette option stratégique, ce qui avait conduit les Etats-Unis comme seule superpuissance mondiale après la chute du mur de Berlin, à empêcher par tous les moyens les pays émergeants de ce doter d’un armement nucléaire, via les instances onusiennes – l’Agence internationale de l’énergie atomique puis le Conseil de sécurité – ce dernier est saisi directement par l’AIEA pour justifier légalement d’éventuelles agressions contre ces pays pour asseoir, à eux seuls, leur propre hégémonie sur le monde. Ainsi les oiseaux qui se faisaient extrêmement rares dans la nuit, se font plus nombreux en plein jour…
(1) Général de Gaulle
Rachid Berdous
