»Les assassins de Matoub Lounès courent toujours »`

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La Dépêche de Kabylie : L’un des présumés assassins de Matoub sera jugé à Alger ou à Boumerdès. Quelle est votre réaction par rapport à cette nouvelle évolution, si c’en est une, dans l’affaire ?

Malika Matoub : Il y a un préalable à la tenue de ce procès : d’abord relancer l’instruction pour éclaircir les zones d’ombres, auditionner les personnes qui ont avancé des thèses et des certitudes sur cette affaire et tenir compte des pressions qu’a subi ma belle-sœur en 1998 pour désigner les auteurs du crime.

Ce que nous recherchons depuis neuf ans, c’est une procédure judiciaire qui respecte les normes de droit, quand au lieu du procès il peut être à Tamanrasset, l’essentiel c’est sa régularité et sa soustraction aux jeux des règlements de comptes de certains milieux..

Nous remarquons que dans l’article d’El Khabar, il n’est question que d’un seul présumé assassin, à savoir Malik Medjnoun. Aucune mention n’est faite du deuxième accusé pourtant cité et arrêté dans les mêmes circonstances ?

En effet l’article ne cite que Medjnoun, quant à Chenoui dont l’arrestation est controversée du fait qu’il aurait été arrêté par  » un député de la nation « , est occulté par El Khabar.

Dans l’article en question, il est dit qu’au moment de l’assassinat de Matoub Lounès, c’est-à-dire le 25 juin 1998, à 13 h 30, Malik Medjnoun était en train de travailler dans un restaurant à Tizi Ouzou. Quel commentaire pouvez-vous faire au sujet de ce détail important ?

Je ne vais pas rentrer dans les détails de cette mascarade qu’on a voulu nous faire admettre depuis neuf ans. Je reste persuadée que les auteurs sont ailleurs, c’est ce que confirme ma belle-sœur dans le Figaro du 25 juin 2007″ les assassins courent toujours « ..

Mais un peu plus loin dans le même article, il est précisé que Malik Medjnoun avait pour mission de récolter des informations sur les déplacements du chanteur militant …

La virtuosité de l’instruction nous mène à une affaire cousue de fil blanc dès le départ. Pour ne citer qu’un exemple, le juge d’instruction chargé de l’affaire ne s’est déplacé sur les lieux du crime que le 7 juin 2000 lors de la pseudo- reconstitution des faits, or il devait être sur les lieux le 25 juin 1998.

Avalez-vous la thèse selon laquelle le procès dans cette affaire n’avait pas eu lieu au bon moment à cause des événements du Printemps noir en 2001 ?

Posez cette question aux auteurs du drame de la Kabylie de 2001. Il ont sûrement plus de détails à vous fournir.

Quant à ma famille, nous savons une seule chose : nous sommes victimes d’une machination qui a coûté la vie à Lounès. Aujourd’hui, chacune de nos déclarations est scrutée à la loupe et traitée jusqu’à lui faire dire son contraire, mais nous continuons à réclamer une enquête sérieuse et crédible qui aboutira au jugement des assassins.

Etes-vous d’accord que le procès se déroule en dehors de Tizi Ouzou et êtes-vous prête à assumer les éventuels incidents qui pourraient éclater au cas où le procès se tiendra dans notre wilaya vu la popularité dont jouit encore votre frère notamment chez les jeunes Kabyles ?

Je crois que j’ai répondu à une partie de votre question, quant aux éventuels incidents qui pourraient éclater au cas ou le procès ait lieu dans notre région, c’est aux autorités d’assurer sa régularité et sa crédibilité pour préserver l’ordre public.

Devant la sensibilité du sujet, la soif de vérité de la population et son impatience pour que toute la lumière soit faite sur ce crime odieux, l’Etat a l’entière responsabilité dans cette affaire, si le procès se tient sans tenir compte des revendications de la famille dont l’adhésion populaire n’est pas à prouver, nous considérons que c’est encore une provocation contre cette Kabylie qui ne cesse de souffrir le martyre depuis des années.

Depuis neuf ans il y a un déni de droit, nous sommes victimes de l’impunité, il suffit que justice soit rendue à Lounès et aux enfants du printemps noirs pour que la Kabylie puisse retrouver ses repères et panser ses blessures.

Est-ce que le travail judiciaire, qui précède ce genre de procès, a été réalisé, notamment la reconstitution des faits et l’étude ballistique ?

C’est de notoriété publique que l’instruction dans cette affaire a été bâclée, nous n’avons pas cessé depuis neuf ans d’interpeller l’Etat pour mener à bien cette affaire.

Tous les ordres ont été violés dans cette affaire. Mais nous sommes confiants qu’un jour ou l’autre la lumière jaillira des ténèbres.

Comment peut-on envisager la tenue d’un procès pareil alors que les trois témoins oculaires de ce crime, à savoir sa veuve Nadia et ses deux belles-sœurs n’ont pas été interrogées à ce jour par le juge ?

C’est un des éléments sombres de cette affaire. Médiatiquement nous avons trois victimes et témoins oculaires du drame qui sont livrées à elles-mêmes et aux pressions diverses sans que la justice s’inquiète de leur sort et confrontent leurs témoignages, or, le rapport de la gendarmerie de Beni Douala du 25 juin 1998 cite deux autres témoins du drame. Il s’agit d’un citoyen de Beni Douala et de la sœur aînée de Nadia, âgée, à l’époque, de trente-trois ans. Cette dernière n’a jamais été entendue par le juge d’instruction.

Je ne vois pas d’issue à cette affaire sans le témoignage de l’ensemble des témoins

Entretien réalisé par Aomar Mohellebi

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