Depuis que des entreprises privées ont décidé de franchir le Rubicon en optant pour un week-end mixte – vendredi et samedi – au lieu du repos officiel du jeudi vendredi, la controverse sur le congé hebdomadaire en Algérie enfle.
Jusque-là observé samedi et dimanche, la décision de sa mutation au jeudi et vendredi est fixée depuis 1976 en Algérie. La loi promulguée sous la présidence de feu Houari Boumediene (1965-1978), sous la pression du courant islamo-conservateur, est depuis strictement appliquée par l’administration et la plupart des entreprises publiques, même si elle a été contournée par les banques qui, les premières, ont institué le week-end mixte du vendredi-samedi.
Le premier pas a été franchi par la société indienne Mittal Steel, propriétaire du complexe métallurgique d’Annaba, employant plus de vingt mille salariés, qui a discrètement emboîté le pas aux banques le 15 juin, sans provoquer de réaction de la part des autorités si on excepte celle du ministre du travail, Tayeb Louh qui a déclaré à ce propos que » rien n’oblige une entreprise privée à changer ses horaires ou jours de repos « . L’une des plus importantes organisations patronales du pays, le Forum des chefs des entreprise (FCE), a appelé les dirigeants d’entreprises privées à passer au congé hebdomadaire mixte, sans attendre de décision officielle. » Les entreprises privées devraient prendre l’initiative « , estime le président du FCE, Rédha Hamiani, ancien ministre des Petites et Moyennes entreprises (PME) et du Commerce, qui s’est prononcé depuis des années en faveur du week-end mixte.
Selon des études effectuées à l’initiative des entrepreneurs, qui jugent le week-end actuel préjudiciable à l’économie, l’organisation actuelle de la semaine ouvrable en Algérie se traduirait par la perte de trois points de croissance du PIB par an, en raison des retards des transactions, notamment financières et bancaires, dues à un week-end décalé par rapport au reste au monde. Aucune estimation chiffrée n’est disponible. Les Algériens se déclarent en majorité favorables à un congé hebdomadaire incluant cependant, le vendredi, jour de la grande prière hebdomadaire. De nombreux Algériens, qui estiment essentiel le maintien du vendredi comme jour férié afin de permettre aux pratiquants d’avoir la disponibilité de faire » en toute tranquillité » leur grande prière laquelle exige du recul et une grande sérénité des fidèles.
Pour les rigoristes, reconnaissables à leurs barbes hirsute, à leurs kamis immaculé et à leur coiffe blanche, l’institution du vendredi jour officiel de repos hebdomadaire ne souffre d’aucune discussion en Algérie. Mais contrairement à d’autres fidèles, ils s’opposent à voir vendredi associé au samedi, en arguant que les Musulmans ne peuvent avoir le même jour de repos que les juifs ! Pour eux, le choix du jeudi et du vendredi s’expliquerait par l’exigence des Musulmans à se démarquer des Juifs.
Quant aux partisans d’un retour au « week-end universel » du samedi et dimanche, leur voix est devenue désormais pratiquement inaudible dans cette controverse sans fin. A rappeler que l’ex-chef du Gouvernement, Ahmed Ouyahia a paraphé officiellement au nom de l’Etat algérien l’accord de revenir au week-end universel. Cet accord était intervenu à la lumière des négociations enclenchées avec le Mouvement citoyen de Kabylie, entrant dans le cadre de la satisfaction de la plate-forme d’El Kseur.
En attendant la concrétisation effective de cette exigence, l’économie algérienne reste victime de son lot de perte en devises, d’enjeux politico-idéologiques au détriment d’une gestion rationnelle de celle-ci.
Yassine Mohellebi