Les amateurs du théâtre auront rendez-vous le 20 août prochain avec la générale de la pièce théâtrale Hassan Terro, une pièce écrite par le défunt Rouiched (Ahmed Ayad), et qui est ressuscitée et mise en scène par son fils Mustapha Ayad.
Les répétitions de cette pièce ont débuté depuis une semaine avec une troupe de comédiens du TNA (nouvelle et ancienne génération) : Fatiha Berber, Said Hilmi, Amar Maarouf, Brahim Chergui, Lounès Aït Ali, Mohamed Laouadi et son fils Hichem Laouadi, Krimou Beriberi, Fouad Zahed, Djamel Guermi et d’autre artistes qui ont marqué la scène théâtrale. Rencontré au Théâtre national d’Alger, lors d’une répétition de cette pièce, Mustapha Ayad nous a révélé que cette pièce est à l’origine écrite par son père. Elle a été présentée au grand public en 1964 et elle a eu un grand succès à l’époque, avant d’être adaptée au grand écran, par le réalisateur Mohamed-Lakhdar Hamina, le film qui en a été tiré a également eu un grand succès.
Cette pièce qui rentre dans le cadre de la manifestation culturelle « Alger, capitale de la culture arabe, 2007 » lui a été suggérée par les organisateurs de cette manifestation. « Ce n’est pas moi qui ai choisi cette pièce. Moi, j’avais proposé d’autres projets : un monologue et une pièce. Mais, la commission a refusé mes propositions et elle m’a demandé de monter la pièce de Hassan Terro », a-t-il affirmé tout en ajoutant que « cette pièce se veut, avant tout, un hommage à Rouiched, connu et présenté beaucoup plus comme acteur, alors qu’il est d’abord un auteur »
Mustapha considère que la charge est trop pesante, c’est comme un fardeau à porter, c’est une tâche difficile, un défi pour lui, vu le magistral talent de son père qui n’avait jamait raté un rôle. Ces derniers ont tous été des succès. Interrogé sur le déroulement des préparatifs de la pièce, Mustafa Ayad a reconnu que c’est « une pièce délicate et difficile à mettre en scène ». « C’est une pièce très lourde pour moi, car, d’une part, elle revêt une dimension historique et, d’autre part, elle comporte beaucoup de personnages et un décor imposant », a-t-il confié. Pour ce qui est des changements apportés à cette pièce, Ayad précisera qu’il y a trop de changements : D’abord, « j’ai fais une lecture pour cette pièce qui s’accommode avec l’époque actuelle, tout en préservant son originalité. Dans la pièce originale, la personne considérée comme le héros était un poltron, tandis que dans ma nouvelle interprétation, c’est tout le peuple qui est peureux » chose qui reflète la « situation actuelle ». Entre autres, pour ce qui du décor, il a déclaré que « l’ancienne pièce comportait six décors, tandis que la nouvelle version regroupera les six décors en un seul ». Répondant à la question du choix de ce décor, il nous a avoué que « ce décor a été choisi parce qu’ il me rappele mon quartier de naissance, mon enfance, ainsi que mes souvenirs ». Nous avons travaillé de manière, à réduire le coût des décors qui nécessitent un financement colossal. Bien que les coûts de cette pièce soient beaucoup plus importants que ce qui nous a été donné, il y a des personnes que nous tenons à remercier pour le soutien qu’elles nous ont apporté afin de réussir cette œuvre et réaliser un divin et honorable travail. Je tiens à remercier la Télévision algérienne, particulièrement son directeur, Hamraoui Habib-Chawki, qui, dit-il, n’a pas hésité à «nous venir en aide, ainsi qu’ un homme d’affaires Rabar Alame et le ministère de la Défense pour les tenues militaires « .
En outre, et concernant l’enveloppe financière accordée à la réalisation de cette pièce, Mustapha Ayad n’a pas hésité à nous dire que « La pièce nécessite un budget de près d’un milliard de centimes. Il se trouve que la commission nous a octroyé seulement cinq cents millions de centimes, une enveloppe financière qui ne peut couvrir toutes les dépenses. Lorsque nous avons sollicité Hamraoui Habib-Chawki, il a répondu aussitôt à notre requête. C’est grâce à l’aide financière de la Télévision que nous avons pu réaliser le décor, sans oublier la contribution des comédiens qui ont réalisé un travail titanesque pour la réussite de cette pièce. »
Mustafa Ayad a expliqué, en outre, que la pièce est inspirée de faits réels. « Elle relate le vécu de mon père. “Je monterai la pièce telle qu’elle a été présentée par mon père, mais en y apportant quelques touches personnelles, et ce, sans altérer l’essence même de la pièce. »
A souligner que celle-ci sera présentée par l’association culturelle Les amis de Rouiched. « Il n’y a pas que moi – son fils – qui suis derrière ce projet, mais tous les amis de Rouiched qui se sont regroupés en association », a-t-il expliqué, et d’ajouter : « L’objectif de notre association consiste à promouvoir le théâtre, mais aussi à entretenir la mémoire de Rouiched qui s’est dévoué toute sa vie à la culture, à partir de cette pièce, sa vie a changé et il a été surnommé Hassan Terro. Nous voulons faire connaître les écrits de mon père. »
Par ailleurs, Mustafa Ayad se désole de voir le nom de Rouiched associé, depuis plusieurs générations, uniquement au cinéma, alors qu’il faisait partie des pionniers du théâtre. « Mon père n’était pas seulement un acteur, il était également un comédien et surtout un auteur, et un homme de plateau. Pour cela l’Association des Amis de Rouiched s’emploie à le faire connaître surtout en tant que dramaturge », a-t-il dit.
Et de poursuivre : « J’ai un projet pour 2009, à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition, celui de réaliser un documentaire sur sa vie. Je le présenterai lors de ses différents parcours : acteur, comédien, auteur, chanteur, danseur, animateur… » Enfin, et pour conclure, Mustafa Ayad dira : « Rouiched est un patrimoine culturel national, d’où la nécessité, de la part des instances concernées, de l’entretenir ». Pour ce faire, il préconise une initiative éditoriale tenue à prendre en charge les écrits de Rouiched.
« Il n’y a pas en Algérie de maisons d’éditions soucieuses de publier les textes de mon père, et également ceux des autres dramaturges algériens », a-t-il déploré.
Enfin, il est à signaler que Mustafa Ayad promet beaucoup de surprises lors de la présentation de cette pièce, ainsi que des extraits tirés des scènes théâtrales des défunts acteurs, tel que Serrat Boumediene.
Hommage à l’inoubliable Rouiched
Parmi les personnages populaires, simples, généreux, originaux connus et aimés par le public, l’illustre homme à multiples vocations, Ahmed Ayad connu beaucoup plus sous son surnom Rouiched, lequel a su partager son art avec son grand public. Il faisait partie d’une troupe d’artistes qui a servi la culture algérienne, mais aussi le pays d’une façon ou d’une autre, une manière artistique propre à eux, qui leur a permis de contribuer à la cause algérienne. Rouiched était l’un de ces personnages. Il possédait une caractéristique qui faisait de lui un artiste unique.
Le grand comédien, auteur et acteur Ahmed Ayad dit Rouiched, portait en lui toute l’histoire et l’amour du théâtre algérien. Il a joué avec la plupart des comédiens; Mohamed Touri, Hassan El-Hassani, Tayeb Abou El-Hassen. Il a été un grand ami d’Ali Abdoun, de Mustapha Badie et de Mustapha Kateb avec lequel il a interprété Qui en est la cause ? Il a intégré la troupe de Mahieddine Bachtarzi, puis a rejoint Mohamed Razi avec lequel il a joué l’Idiot et les Aventures de Bouzid l’émigré.
Le théâtre n’était pas le seul talent de Rouiched. Une fois l’Opéra fermé, sur décision des autorités coloniales, il s’est tourné vers la Radio où il a interprété avec Sid-Ali Fernandel et Mohamed Touri des sketches humoristiques ; Hassen Terro, Hassen Nya, Hassen Taxi, le nom de Hassen lui collera à la peau et pour toujours, il devient son ombre.
Les rôles de cet illustre et irremplaçable artiste étaient quasiment tous réussis, mais c’est dans la pièces El-Bouaboune (les Concierges) qu’il a excellé et dont la première a eu lieu en 1970 aux côtés de Keltoum, Nouria, Sissani, Yahia Benmabrouk, Sid-Ali Kouiret…Une œuvre constituée d’une succession de sketches dénonçant et fustigeant, à travers onze tableaux, l’arrivisme, l’avidité, le mercantilisme sordide et autres fléaux, tout en dépeignant le quotidien de ces petites gens que nous côtoyons chaque jour et que nous ne savons pas regarder.
Il a su interpréter et partager admirablement avec son public les problèmes de la société algérienne. Rouiched a fait ses études primaires à l’école Fateh à Soustara en haute-Casbah jusqu’à l’âge de treize ans. Les conditions sociales de cette époque ne lui permettaient pas de continuer ses études, il a été alors contraint d’exercer divers métiers pour aider sa famille.
Avant d’être comédien, Rouiched a exercé plusieurs métiers : teinturier, ensuite vendeur de fruits et légumes… c’est Mahboub Stambouli qui, le premier, a décelé en lui un talentueux comédien, il le prend alors dans sa troupe. Rouiched a obtenu trois prix dans différents festivals internationaux, dont celui de Monastir et le prix Gazelle d’or au Maroc.
Par ailleurs, et pour ce qui est du 7e art, Rouiched a interprété plusieurs rôles dans différents films. Dans un style comique et sarcastique, cet éminent comédien a traduit les souffrances quotidiennes des Algériens à travers des images et des scènes artistiques exceptionnelles, il savait traduire les malheurs de son peuple ainsi que leur redonner espoir, afin de leur signifier que la vie continue, et cela à travers l’humour spontané qu’il possédait.
Tout ce que nous pouvons dire et tout ce que nous pouvons faire ne pourra jamais lui rendre ce qu’il a donné pour la culture et pour la cause algérienne. Est-il suffisant d’écrire un livre unique sur la vie de cette légende de la culture ? Quand est-ce que nous rendrons à ces hommes l’hommage qu’ils « méritent » pour qu’ils puissent reposer en paix là où ils se trouvent ?
Ahmed Ayad, dit Rouiched est immortel pour l’art, le patrimoine et l’histoire de la culture de notre pays.
Kafia Aït Allouache