Jour d’été à Bgayet

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De notre envoyé spécial Aomar Mohellebi

Près de deux cents personnes sont agglutinées autour d’un magicien à la place Gueydon. Ce dernier joue avec le feu et gagne de l’argent grâce à son chapeau qu’il tend à la fin de chaque opération. Il est dix-huit heures en ce lundi 6 août. La météo a annoncé une température de 33 degrés sur les principales villes côtières. A la place Gueydon, il fait nettement plus frais. C’est pourquoi, les vacanciers qui atterrissent ici ont du mal à déguerpir. Dans les deux terrasses de café, pourtant très spacieuses, il est impossible de trouver une place libre. Des dizaines, voire des centaines d’enfants, en colonie de vacances couvrent ce qui reste de l’esplanade.

Ils sont tous beaux parce qu’ils sont innocents mais aussi car ils sont vêtus de tee-shirts de la même couleur : jaune. D’autres, habillés en rouge cette fois-ci arrivent. L’endroit devient noir de monde. Pour s’attabler, il faut entrer à l’intérieur où la chaleur est tout de même supportable malgré le mois d’août et l’absence de climatisation. L’hôtel L’étoile où a séjourné un président portugais pendant des années, est complet. Il était évident qu’il le soit car, outre qu’il soit très bien situé, il pratique des prix compétitifs, notamment pour “ettabaqa el kadiha”, dont nous sommes la parfaite illustration. A une centaine de mètres, l’hôtel Touring est presque complet. Une seule chambre est gardée comme roue de secours, explique le réceptionniste qui ne cache pas sa satisfaction de travailler à plein régime en cette période de grande chaleur climatique et humaine. «Nous avons augmenté nos tarifs ce matin, nous passons aux tarifs d’été car il y a trop de monde», nous dit le réceptionniste. L’augmentation des prix, il faut l’avouer est minime par rapport à ce qui se pratique chez nos voisins tunisiens et marocains. Seulement deux cent modiques dinars.

Mais pour les retardataires, la nuit sera presque «maudite». Une ultime solution leur est offerte : passer la nuit à la belle étoile. Sur la terrasse à 500 dinars tout de même. Nous avons déjà vu cela à Fès en août 2005. Sauf qu’à Fès il s’agit en grande majorité de touristes européens (à part nous bien sûr). Le réceptionniste nous conseille de réserver sur la terrasse maintenant, car dans quelques minutes, même cette dernière sera saturée. Nous optons pour la chambre de secours, car les moustiques feront sans doute une belle affaire sur cet étage spatial dès que la lumière désertera le ciel et la terre. Près de cet hôtel, un nouveau restaurant, ni modeste ni luxueux vient d’ouvrir.

Il est propre. Son patron est décidé à concurrencer sérieusement ses voisins. Pour ce faire, il ne se casse pas la tête. Il casse juste les prix. En plus, comme autre atout, il ouvre jusqu’à une heure très tardive. A l’instar du vendeur de glace dont les trois machines ont du mal à satisfaire la clientèle interminable qui se succède à ce magasin. Ce dernier ouvre jusqu’à après minuit. A cette heure tardive, des familles arrivent encore, se garent difficilement aux alentours de la poste centrale, juste pour acheter des cornets de crème. En face de la place Gueydon, plus précisément à l’orée de la piétonnière, un jeune propose des cadres avec le portrait de Lounès Matoub. Encore lui ! L’immortalité c’est aussi d’être présent dans les lieux touristiques. C’est vrai que Matoub ne passe pas à la télévision mais il passe partout en Kabylie. Sur l’un des cadres, on reconnaît la photo de son album Au nom de tous les miens sorti en 1997. Le même vendeur propose tous les livres écrits sur le Rebelle, celui de sa sœur, de sa femme, ceux de Alioui Liassine, celui de Yalla Seddiki ainsi que Le Rebelle. Les touristes peuvent aussi acheter des livres de Mouloud Feraoun, “L’histoire des berbères” de Ibn Khaldoun, “El moukadima” du même Ibn Kheldoun, Les juifs d’Algérie de Aissa Chenouf ainsi que d’autres ouvrages inhérents à la Kabylie, celle d’ici et celle d’à côté. Un guide de Bgayet est aussi exposé à la vente. En fait, tout est exposé à la vente dans cette ville qui doit sans doute figurer parmi les plus visitées d’Algérie en été.

On reconnaît des centaines de familles émigrées. Ces dernières préfèrent s’attabler aux terrasses des cafés pour prendre des glaces spéciales à cent dinars l’unité, l’équivalent d’un kilo et demi de pommes de terre. La vie est ainsi faite ; il y a ceux qui prennent la glace à cent dinars pour le plaisir et il y a ceux qui ne peuvent pas acheter la pomme de terre à 70 DA pour se nourrir.

A.M.

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