La guerre d’Algérie vu par un enfant dans : “Cartouches gauloises” de Mehdi Charef

Partager

Le réalisateur français d’origine algérienne, Mehdi Charef, s’attaque au thème toujours sensible de la guerre d’Algérie avec une chronique sans parti pris des derniers mois du conflit vus par un garçon de dix ans, dans : “Cartouches Gauloises” qui sort aujourd’hui.

Tournée en Algérie, avec le soutien des autorités, présentée à Cannes, son œuvre autobiographique étoffe la filmographie qui se met en place par petites touches autour de la “sale guerre”, brisant peu à peu les non-dits et les tabous. “Cartouche gauloises” est l’histoire d’un enfant algérien de dix ans, dans une petite ville de l’Ouest, au printemps 1962.

Vendeur ambulant de journaux, Ali porte le film en passant d’un camp à l’autre, des civils algériens qui rasent les murs aux Français qui bouclent leurs valises, de l’armée et ses “harkis” aux “moudjahidine” les “fells” ou les “terroristes” pour le camp d’en face.

Sans prétention historique. Mehdi Charef ne mentionne à aucun moment De Gaulle, les accords d’Evian ni même l’OAS. “A dix ans, on ne savait pas ce que c’était, l’OAS”, a-t-il expliqué aux médias lors d’une avant-première.

Le film montre, cependant, l’extrême violence qui a émaillé la fin du conflit, attentats des “moudjahidines” contre des civils ou des familles, exécutions sommaires, tortures et viols perpétrés par l’armée française…

“On m’a dit que le film est violent. Je ne m’en suis pas rendu compte”, témoigne

M. Charef, qui évite la caricature.

Dans ce bain de sang, Ali vit une histoire d’amitié forcément ambivalente avec Nico, un petit Français qu’il ne veut surtout pas voir partir en France.

Cette amitié est l’une des forces du film. Les deux enfants partagent la même passion pour le football mais aussi les passions de leur famille qui creusent un fossé de haine entre les communautés (“Ton père est un terroriste”, lance Nico à Ali, tout en lui offrant un maillot du Stade de Reims pour son anniversaire).

“J’ai mis trente 30 ans à écrire ce film”, explique le réalisateur, évoquant ce silence qui empêche encore une écriture sereine de l’histoire, que l’on soit Algérien, rapatrié de 1962, harki, ex-engagé ou appelé du contingent. “J’avais peur qu’on ait l’impression d’un règlement de comptes”, ajoute M. Charef, qui s’est finalement lancé après le bon accueil de sa pièce “1962” dans un théâtre à Paris en septembre 2005.

Au jour de l’indépendance, en juillet 1962, le visage d’Ali s’illumine devant le drapeau algérien. “Ne nous oubliez pas car il n’y a que vous qui nous ayez connus”, lui lance alors le chef de gare, symbole des petits fonctionnaires de l’Algérie française, avant l’exil en métropole.

“C’est tellement vrai”, conclut Mehdi Charef. “On les a vus beaux, grands, puissants, jeunes, riches. En France, ils n’intéressaient personne”. “Le Paradis sur terre peut exister. Je les ai vus vivre dedans”. Un silence, et le réalisateur, arrivé en France peu après 1962, d’ajouter : “Le problème, c’est qu’ils ne voyaient pas qu’on était à côté”.

Idir Lounès

Partager