La chronique de Slimane Laouari
Qu’est-ce qui est finalement le plus choquant ? Le fait que le FLN organise une journée hommage à Mouloud Kacem Nait Belkacem, ou le fait que Belkhadem en fasse une tribune pour faire l’apologie du parti unique ? C’était juste une question, bien sûr, puisque plus rien ne choque les Algériens. Depuis qu’on a essayé les couteaux électriques et les cisailles sur les corps d’enfants, le pire n’est plus à venir. Mais Belkhadem est toujours là et il a même invité Mouloud Kacem au Saint-Georges pour rappeler à ceux qui l’auraient oublié qu’il a eu » une vie » et, plus grave pour nous, laissé une œuvre. On apprend finalement beaucoup de choses dans des » initiatives militantes » de ce genre. Plus que dans les shows et guéguerres au sommet de la » Djeb’ha « . Tenez, cette fois par exemple, ce n’est ni le discours de Belkhadem, ni la qualité des invités, ni la dimension de Si Mouloud et l’immensité de son apport à la civilisation humaine qui ont retenu l’attention. Rendez-vous compte mes frères, il y a bien une kasma à El Mouradia et elle a même été derrière la » moubadara « . Depuis l’héroïque et légendaire kasma de Oued R’Hiou qui avait fermement-et sérieusement- sommé l’impérialisme américain de retirer ses troupes du Vietnam, on pensait que ces » structures de base » avaient tout simplement disparu après avoir bien évidemment rempli leur » mission historique « . Dans une autre étape du » long processus de formation » du FLN, ce sont les mouhafadhas qui ont pris le relais. Comme il ne peut pas y avoir de mouhafadas sans mouhafedhs, il faudra un jour rendre hommage aux plus illustres d’entre eux, ceux qui ont marqué l’Histoire récente de la nation. Il y a eu Salah Goudjil à Sétif, qui a déclaré un jour, dans une intervention qui a marqué les esprits que le grand problème du FLN est qu’il ne disposait pas d’une grande table ovale semblable à celle qu’il a eu l’honneur de voir à Moscou au siège du Parti communiste soviétique. Presque de la même hauteur politique et intellectuelle que la kasma de Oued R’Hiou, mais dans » deux contextes historiques différents « . Il y’a eu le célèbre Mohamed Hachemaoui. Nommé ambassadeur au Liban en pleine guerre civile, il aurait répondu à un de ses amis qui s’inquiétait pour lui qu’il préférait les bombes de Beyrouth à celles de ses » frères militants » du temps où il était mouhafedh d’Alger. Il y a eu aussi Bachir Rouis qui a lancé les chiens contre les travailleurs de BCL en grève. Depuis, l’entreprise est passée sous la tutelle de l’armée et lui, promu ministre de l’Information. S’agissant de chiens donc, l’inénarrable Si Afif de Mostaganem ne peut pas se prévaloir du statut de pionnier. Là, il n’y a pas que le contexte historique qui diffère. D’abord, ce n’est pas contre l’ennemi extérieur qu’on a lâché les bêtes, mais contre la famille, ce qui, il faut bien l’avouer, est d’une grande originalité. Ensuite, et c’est le plus important, ce ne sont pas de vulgaires chiens bâtards qui ont été utilisés, mais des chiens de race, d’authentiques dobermans avec pedigree et carnet de santé. C’est dire l’importance de l’opération et sa portée historique dans le cadre de la continuité révolutionnaire du parti sur le chemin du recouvrement de son unicité. C’est à peu près ce que vient de dire Belkhadem lors de l’hommage solennel rendu au frère Si Mouloud, que Dieu ait son âme.
S.L.
PS : Je vous l’avais dit, on apprend plus de choses dans les petites rencontres » à la base », puisque Belkhadem ne dit apparemment jamais rien en tant que Chef du gouvernement et beaucoup en tant que premier responsable du FLN. On ne peut cependant lui reprocher de ne pas savoir où il est vraiment le chef.