Danger…morale

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« C’est un match entre frères de la même région « , “ce n’est qu’une rencontre de football qui oppose les enfants d’une même ville” ou encore “ces scènes de violence sont intolérables pendant le mois sacré” ces formules consacrées des commentateurs sportifs de la Télévision algérienne sont censées juguler les ardeurs agressives des footballeurs et des supporters qui nous livrent chaque fin de semaine un spectacle de désolation quand il n’est pas dramatique.

On peut toujours espérer que ces appels pathétiques soient entendus, ce qui aurait au moins le mérite de  » fraterniser  » les derbies, donnés à tort ou à raison comme les confrontations les plus chaudes, le plus grave est dans ce qu’implique ce genre de propos. De manière plus claire, l’USMA et le Mouloudia, la JSMB et la JSK, le MCO et l’ASMO, le CSC et le MOC sont sommés de se livrer des matches de moines, alors que les autres rencontres, dont les clubs n’ont ni  » lien de sang « , ni  » lien de proximité  » mériteraient apparemment la compréhension, voire l’excuse.

En plus de la fraternité urbaine ou régionale, il y a ce  » contexte  » à extirper au reste de l’année pendant lequel la violence sur les terrains de foot ou à leur périphérie peut bénéficier de circonstances atténuantes : le mois de ramadhan.

Pendant trente jours, nos footballeurs n’ont pas le droit à la bagarre. Les arbitres doivent être respectés, les obscénités contenues et les crachats ravalés.

Les supporters doivent retrouver leurs bannières à la gloire de la paix et les dirigeants leur costume de gentlemen. Onze mois sur douze, c’est quand même suffisant pour se donner à cœur joie, se donner en spectacle, faute d’assurer le spectacle. A suivre les formules consacrées et resservies jusqu’à la nausée par les commentateurs qui sévissent à l’écran de notre télé, il n’y aurait donc plus d’adversaire à respecter dans notre sport, seulement des frères d’une ville ou d’un canton qu’il serait malvenu de maltraiter, seulement des vis-à-vis à ménager pendant le carême. Faute d’assurer l’essentiel, qui consiste à relater correctement ce qui se passe sur une pelouse avec le minimum de connaissances en la matière, les commentateurs sportifs se sont découverts d’autres vocations, plus faciles parce que plus prétentieuses.

Ils veulent nous  » éduquer  » quand on leur demande de savoir ce qu’est un hors jeu de position, ils veulent  » contribuer à éradiquer la violence  » quand on souhaite qu’ils arrêtent de se transformer en supporters des clubs de leur région d’origine, et nous invitent à découvrir les côteaux qui surplombent le stade quand on attend de voir ce qui se passe sur la main courante.

Ils nous font la totale, nos narrateurs du jeudi. Ou presque. Presque parce qu’ils ne font pas ce pour quoi ils sont payés.

S.L.

P.-S. : J’ai découvert avec autant de surprise que de bonheur un entraîneur algérien qui sait parler de… football. L’entraîneur de l’USMA, Abdelkader Amrani,  » répond aux questions qu’on lui pose « , maîtrise son sujet comme la langue dans laquelle il s’exprime et introduit une dose de rationalité dans le discours, assez rares chez les autres. C’est la moindre des choses ? Non. Il suffit d’écouter Mouassa ou Henkouche pour s’en convaincre.

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