Après le boycottage de plusieurs auteurs espagnols, la question catalane dominait mardi la 59e Foire du livre de Francfort, confrontée à l’une des controverses les plus importantes de son histoire.(publicité)
Quelques heures avant son ouverture officielle, les organisateurs de la plus grande foire du livre au monde ont déploré le boycottage massif d’auteurs espagnols du plus grand rassemblement d’éditeurs mondial dont l’invité d’honneur est la Catalogne.
« Presque tous les auteurs rédigeant en espagnol qui ont été invités, y compris ceux qui sont catalans, ne participeront pas », a indiqué mardi le directeur de la foire, Jürgen Boos. Et ce, pour des raisons « de nationalisme, de querelles régionales et de vanité ».
« Je trouve dommage que nous n’ayons pas ici la diversité complète de la culture catalane », a-t-il ajouté.
« Nous sommes anxieux de voir quelle tournure cela (la foire) va prendre », a-t-il confié, confirmant que le choix de la Catalogne, région en partie autonome du nord de l’Espagne, avait suscité l’une des controverses « les plus grandes et les plus politiques » de toute l’histoire de la foire du livre. Dans son discours d’ouverture incisif et humoristique, l’auteur catalan Quim Monzo a critiqué le récent débat en Espagne sur la participation ou non d’auteurs catalans rédigeant en espagnol. « Les langues et la littérature ne devraient jamais pâtir des stratégies géopolitiques, mais c’est le cas et largement », a-t-il lancé. Il s’est dit surpris que la foire a invité « une culture avec une littérature fragmentée, divisée entre plusieurs Etats où elle n’y est nulle part réellement une langue officielle ».
L’institut Ramon Llull, chargé de promouvoir la culture catalane dans le monde, avait décidé dans un premier temps d’exclure de l’événement les auteurs rédigeant en espagnol avant de faire machine arrière en juin, accusé d’être influencé par des pressions de séparatistes.
Mais la plupart, dont Carlos Ruiz Zafon (L’ombre du vent) Javier Cercas (Soldats de Salamine) et Eduardo Mendoza (La ville des prodiges), ont décliné l’invitation tardive.
Le catalan –langue romaine interdite sous la dictature de Franco (1939-1975)– est parlé par environ 13 millions de personnes au-delà de la Catalogne, dans une zone qui s’étend aux Baléares, à la région de Valence, à Andorre et jusque dans une partie du sud de la France.
« Mendoza a dit qu’il était connu, que ses livres se vendaient bien et que c’était au tour de ses collègues d’être au centre de l’attention » du public international, a expliqué M. Boos.
Quant à Zafon et à Cercas, ils ont fait savoir qu’ils entendaient par leur absence protester contre le refus des nationalistes catalans de reconnaître que l’espagnol comme le catalan faisaient partie de leur culture. »A quoi bon cette agitation? », s’est interrogée Petra Roth, le maire de Francfort à l’ouverture de la foire en présence du président de la Généralité de Catalogne, José Montilla Aguilera.
En mettant la Catalogne à l’honneur, la « capitale du livre », a-t-elle insisté, « n’a pas invité une région d’Espagne, mais sa littérature ».
Ce débat sur l’identité régionale et culturelle intervient sur fond d’une montée des tensions catalane et basque en Espagne, où le roi d’Espagne, Juan Carlos, est confronté à une fronde d’indépendantistes catalans.
La Catalogne, moteur économique de l’Espagne et centre de l’industrie espagnole du livre, est représentée par 150 auteurs au plus grand rassemblement d’éditeurs au monde, qui accueille près de 7.300 exposants de 110 pays.
Les organisateurs attendent près de 300.000 visiteurs jusqu’à dimanche.
L’alphabétisation, le dialogue entre les cultures et la liberté d’expression font partie des thèmes centraux de la 59e édition de la foire.
