«Ecouter Si Moh est pour moi une thérapie. C’est un chanteur d’une grande valeur. Il réussit toujours à marier entre la force du verbe et la douceur de la musique», telle est la réflexion d’un jeune transporteur, qui dans le poste radio de son véhicule, des chansons de Si Moh sont diffusées.Le public de ce grand chanteur est discret, tout comme lui. Depuis son début dans le chant au milieu des années 1980, Si Moh collectionne près d’une dizaine de titres. Chaque sortie de son album ne passe pas inaperçu. La perfection est aussi à constater chez cet artiste, qui introduit et enrichit la scène de la chanson kabyle avec des airs de musique originaux. Un style que seul Si Moh en possède. Il est en sorte un mariage entre le rythme kabyle d’autrefois, ayant pour percussion le bendir et le luth, tout en lui ajoutant une âme d’un air moderne, tiré de la musique classique universelle ou du contry-music.Après Si Moh, c’est la guitare qui parle, sa voix prédominante est l’une de ses particularités.Grâce à ces combines artistiques, l’auditeur apprécie à la fois, la force de son verbe et la douceur de ses notes.L’album, le plus marquant de la longue liste de produits de l’artiste, reste certainement celui de «Hemlagh» ou «J’aime».«J’aime t’entendre parlerTout ce que tu dis me concerneJ’aime te voir sourireTes éclats de rire sont semblables à une poésie».Chante Si Moh dans cet album. Dans ce chef d’œuvre, Si Moh a aussi composé une chanson sous le titre «Ma t-inid» ou «Quand tu me dis», et qu’on peut comparer à la célèbre histoire de Roméo et Juliette. Questionné à ce sujet, l’artiste nous répond «Je n’ai découvert l’histoire de Roméo et Juliette de Shakespeare qu’après avoir produit cet album».Dans cette célèbre chanson, il chante :«Regarde sous le brasierun bout de bois qui se consumetout comme je le suis.J’ai rêvé que tu es mortsous une tombe on t’a enseveliJ’ai déterré des ossementsTu es devenu une flûteEn soufflant, tu incarnes une mélodie qui a fait ressusciter ta voix».Si Moh, cet artiste qui se dit auto didacte, a dans ses chansons traité de multiples sujets se rapportant à la vie et à la société.L’artiste réclamait haut et fort, et ce dans ce premier produit, la cause identitaire, en demandant à ce que Tamazight soit enseignée à l’école.«Dans l’école nous voulons à ce que tamazight soit enseigné.Sachez que nous sommes fidèleset nous n’avons pas l’habitude de se plier…Le chanteur chante aussi, l’état d’esprit du poète, qui parfois est livré à des contradictions. Mais à travers cette philosophie confuse, il y a souvent un message qui se dégage, pour illuminer certaines pensées.«Je suis tel un être égarémes réponses, je les retrouve dans mes rêves Je suis celui qui a pris la plume pour compagnante Elle est ma fidèle et ma confidenteJe manipule les mots, je leur donne un sensQuand je perd les mots, je m’exprime avec une mélodie Parfois je me dissi tu me quittes, je serais perduParfois je dis tu peux partir pour ne plus revenirParfois je me disje t’aime, loin de toi, rien n’est possibleParfois je me dis Ma vie sera avec toi ou une autreParfois je me dis Mon bonheur n’est qu’auprès de toiParfois je me distu ne m’offres rien que la douleurJe suis semblable à un prisonnier enchaînéma véritable prison c’est bien toi à chaque fois que tu viens occuper mes pensées.Si Moh chante aussi «Inayes chikh» ou «Le sage a dit». Une reprise des écrits de Mouloud Mammeri, une chanson chantée magistralement, en hommage et à la hauteur de la sagesse du Chikh Azemni.De «Hamlagh» à «Tadi Batita» en «la cacophonie», titre de son dernier album, Si Moh a su tracer un long et précieux parcours d’un artiste qui se distingue. Un chanteur humble et discret, amoureux de la perfection, de l’originalité, et qui a su nous bercer grâce à la musique.A travers ses mélodies tendres et sa poésie sensée et réfléchie, Si Moh, reste l’un des trésors qui enrichissent la scène artistique kabyle.
Mourad H.