Qui se souvient de Tahar Ouettar

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Il a fait quelque illusion dans la nébuleuse du sous réalisme socialiste algérien où le talent n’était pas vraiment nécessaire. Il aurait pu- ou dû- en rester là et il y aurait même des âmes assez miséricordieuses pour lui témoigner encore de la sympathie, un peu comme on en témoigne à de pauvres bougres qui se seraient essayés à des choses qui les dépassent. Tahar Ouettar s’est donc essayé à la littérature à une période où on attendait de lui qu’il  » épluche les dossiers  » et pas n’importe quels dossiers. Il avait  » le grade et la fonction  » de contrôleur du FL N et à ce titre, il passait en revue la vie, l’itinéraire, les  » idées « , l’appartenance tribale ou clanique, les états de service et les capacités de nuisance de ses  » frères du parti « . Il avait le droit de savoir et le devoir d’informer. Tout savoir sur les hommes en place dans la nomenklatura et les prétendants. Aux fauteuils les plus moelleux et aux strapontins les moins confortables. Et tout dire, à qui de droit. Tahar Ouettar, pour tout dire occupait le poste de délateur en chef et écrivait des romans à ses heures perdues. Pour sa hiérarchie, il était  » l’artiste  » qu’on tient par un fil à la patte, qui mérite bien qu’on lui passe quelques écarts toujours contrôlés et dans les rares espaces artistiques qui échappaient à la muselière, il était  » toléré  » pour une sombre étiquette de  » FLN de gauche  » avec qui parler était encore possible. Dans le genre courtisan, il n’avait ni le talent indéniable de Malek Haddad, ni l’ouverture d’esprit reconnue à Abdelhamid Benhadouga. On ne lui connaissait ni amis ni ennemis. Chez les artistes, on le tolérait mais il était trop compromis dans le sérail pour mériter la confiance. Au FLN, il avait un look trop incertain et un poste trop  » sensible  » pour ne pas le tenir à distance respectable. Les portes de la SNED (entreprise d’édition publique de l’époque) lui étaient grandes ouvertes et les missions de promotion de ses livres dans les pays arabes étaient à portée de main. Dans son pays, il avait les circuits officiels de la  » création « , de l’édition et de la distribution. Il avait même, cerise sur le gâteau, quelques relais de gauche abusés pour lui usiner quelques élans d’opposant. Il a écoulé Ezzilzel, Ellaz et Aars B’ghel, ses premiers et principaux écrits aussi bien dans les kasmas que sous quelque manteaux pleins d’illusions. Le temps s’est écoulé et les enfants ont grandi. Le réalisme socialiste est devenu une vieillerie esthétique et sa pâle dérivée algérienne, surtout quand elle est sujet au reniement comme c’est le cas chez le vieux Ouettar, un souvenir de mauvais goût. La soupe a refroidi dans les marmites du FLN, alors par quelle queue tenter le diable du génie quand on est si cruellement dépourvu de talent ?Tahar Ouettar sait l’impossibilité de l’entreprise, d’où sa résignation à l’existence. Juste l’existence, en tentant de s’introduire dans quelque miraculeux regroupement familial. En  » revenant cette semaine « déranger Djaout dans son repos éternel. Tahar Djaout qui, décidément, le hantera toujours. Pour avoir eu du talent, pour avoir méprisé la soupe et pour avoir choisi une vraie famille.

S.L.

Du coq à l’âne : Pour ceux qui l’auraient oublié ceux qui sont trop jeunes pour que ce sigle leur dise quelque chose, l’Union nationale des paysans algériens (UNPA) existe toujours et son patron a même été reçu avant-hier par Belkhadem.

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