Il y a, chez le pouvoir algérien, une drôle manie à suivre, dans le cours d’animation de la vie politique, le rythme des saisons. Chaque saison est synonyme d’évènements particuliers pour lesquels est consacrée toute énergie, même la plus maléfique.
En automne notamment, le pouvoir affectionne les rendez-vous électoraux précédés d’étalement de frasques politiques et financières de quelques fusibles choisis et destinés au sacrifice. Au nom du peuple. Pour que continue à vivre le système. En automne notamment, car c’est la saison où les feuilles jaunâtres tombent sans que le plant ne soit affecté.
La frénésie qui s’est emparée de nos dirigeants ces derniers jours, se faisant prompts à réagir à la souillure d’un symbole de l’intégrité nationale, ne sera pas sans rebondissements : primo, parce qu’elle sera instrumentalisée à des fins purement électoralistes ; secundo, aucun vrai responsable de cet écart ne sera sanctionné.
Un simple ouvrier sur rotative pour impression du livre incriminé sera désigné à la vindicte nationale et corrigé par une peine de prison, histoire de rappeler que, chez nous, on ne badine pas avec les constantes et que la réprobation de l’une d’elle conduit son auteur au lynchage d’une collectivité «très attachée» à son âme nationaliste ! S’ensuivra une exploitation éhontée de l’incident durant la campagne électorale qui fera retourner les martyrs dans leurs tombes. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, on rappellera, à ceux qui voudraient l’entendre – que cette conspiration nous vient de l’étranger, par des forces maléfiques dont il est illusoire de chercher à connaître l’identité !.
Il ne faut pas aller jusqu’à personnaliser la responsabilité et l’imputer au seul ministre de l’Education mais gageons à la lui faire partager avec les acteurs de son département. Ce sont eux les acteurs de cette dérive et leur silence en dit long. Tout le monde en parle sauf le département de tutelle. Dans un pays qui se respecte, une telle bourde provoque des démissions en cascades dans les ministères et suscite des excuses publiques à la collectivité. Aussi criard surtout pour le plus vieux ministre du gouvernement (Benbouzid en l’occurrence). Si ce fait devrait nous renseigner sur quelque chose, c’est seulement l’étendue du laisser-aller dont font preuve ceux qui sont en charge de l’avenir de nos enfants. Encore pire, l’acte n’a été condamné que parce qu’il a mis en transe la fébrile corde nationaliste de quelques fossiles du régime. Pour les autres écarts religieux et racistes contenus dans les manuels scolaires, on se tait et on laisse faire : la violence s’est banalisée et la religiosité pédagogique sied bien à la logique réconciliatrice en vogue.
Il n’échappe pas au commun des Algériens que les constantes ne le sont que lorsqu’il s’agit de figer les consciences. Elles sont mouvantes et changent au gré des circonstances.
Certes ! Il est condamnable qu’on charcute l’hymne national mais faudra-t-il rappeler que le pire des charcutages reste l’indécent usage dont il fait l’objet. Comme tout autre signe de souveraineté, l’hymne national s’abîme et se défait par la non-gouvernance, la rapine, la corruption et la fraude.
On ferait mieux de condamner les ministres qui ne pouvaient même pas entonner l’hymne parce que ne le connaissant pas.! Aussi, il faudra réellement chercher à savoir pourquoi «Kassamen», jadis motif de fierté nationale notamment chez les jeunes, est souvent chahuté dans les stades et les manifestations. A méditer !
Belkacem Boukherouf
