L’audace FLNiste, mode d’emploi

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On ne sait pas quand et comment, mais le FLN aurait déraillé. Pis, il aurait brûlé. Pour que Abdelkader Bounekraf trouve dans un entretien au Soir d’Algérie que «les raisons pour lesquelles» il a «accepté de faire partie du secrétariat exécutif, à savoir l’espoir et la volonté de remettre sur les rails… et l’action de faire renaître le parti de ses cendres» lui «paraissent aujourd’hui désuètes», c’est que les Algériens ont raté un monumental carambolage ferroviaire et un brasier d’enfer. M. Bounekraf, qui n’est sûrement pas le plus mauvais du FLN, n’accepte pas pour autant d’être le meilleur. En remettant une démission différente des autres. C’est-à-dire une démission politique où il est question de ce qu’il ne partage plus dans ce parti comme idées, comme mode de fonctionnement et comme projections. On savait depuis toujours, surtout depuis Bouteflika, Mehri et Hamrouche, que personne ne démissionne du FLN. On se retire seulement. De la plus haute responsabilité, du bureau politique, du comité central et maintenant du secrétariat exécutif. Le parti de la «continuité» ne peut pas produire d’hommes de rupture. Du FLN, on part toujours en restant. Parce qu’on attend, au mieux, du fait qu’on est sûr de devenir rapidement incontournable et, au pire, on se met «en réserve de la République».

M. Bounekraf aurait pu être le meilleur parce que jamais colère d’un cadre de ce parti, celles de Mehri et Benflis comprises, n’ont été si loin dans la critique. Tout au long de deux pages d’entretien, l’ancien ministre de l’Habitat n’a pas mâché ses mots. Et il n’y a qu’au FLN qu’on peut être «incendiaire» en disant ce que tout le monde sait déjà. L’inédit n’est donc pas dans les «révélations» mais dans le fait qu’elles émanent d’un dirigeant du parti, quand bien même il serait démissionnaire du secrétariat exécutif. Pour le reste, on n’attendait pas de M. Bounekraf, comme on n’a jamais attendu de ses prédécesseurs dans la «démission», qu’il rompe avec la raison d’être du FLN, c’est-à-dire le pouvoir, ce qui est normal pour un parti, et les moyens de le garder, ce qui l’est beaucoup moins. Mais bon. «Le fonctionnement du parti n’a pas été modernisé, il a quasiment cessé, aucune instance ne se réunit régulièrement et quand elle se réunit, il n’en reste aucune trace… Je ne crois pas qu’il existe un seul parti qui, après près de trois ans, n’a pas encore achevé la mise en place de ses instances locales. C’est le cas du FLN», a déclaré M. Bounekraf. Mais de quoi se plaint-il celui-là, puisque le FLN a gagné les élections législatives et gagnera les locales même si aucun objectif parmi ceux qui ont motivé l’engagement de M. Bounekraf dans le secrétariat exécutif n’a été atteint ? Eh bien, il se plaint de ce que tout le monde, lui en premier, sait depuis toujours. Au FLN, le tout est de parler au bon moment. «Le phénomène des chkara» de la corruption ? Il n’y a pas plus opportun qu’aujourd’hui pour le «révéler». Des ministres «utilisés pour renforcer tel ou tel bord au sein du secrétariat comme cela a été le cas lors de la présentation des sénatoriales en décembre 2006 et plus insidieusement des législatives d’avril 2007?» C’est un secret de Polichinelle, mais il faut bien quelque chose d’audacieux pour faire d’une démission – ou retrait – un événement qui a un sens. Mais voilà. Monsieur Bounekraf oublie soigneusement que ce sont les mêmes conditions qui ont présidé à sa propre élection comme député de Tipaza même s’il a eu l’honnêteté – ou le toupet – d’ajouter qu’ils étaient quelques-uns à “penser que c’était là le prix à payer» et que l’intérêt du parti vaut bien «le sacrifice de quelques frères». La réconciliation entre frères, qui était entre autres un objectif de M. Bounekraf, a donc eu ses dégâts colatéraux. Pire, elle n’a pas eu lieu, et c’est l’à que M. Bounekraf arrive à l’essentiel. L’alternance des clans est le seul véritable changement qui puisse intervenir au sein du FLN et quand on a le malheur d’être dans le camp du groupe tombé en disgrâce, on n’a pas d’autre choix que celui de faire le dos rond jusqu’à ce que, de nouveau, tourne la roue de la fortune. Entre-temps, on peut même faire semblant que la crise a été dépassée et l’entente règne de nouveau dans la maison. Jusqu’au jour où on sent qu’un petit vent est en train de souffler de là où on l’attendait. «Pour tout vous dire, et me connaissant, je me demande comment j’ai pu attendre jusqu’à cet instant et faire ainsi preuve de tant de sagesse». Mais si, M. Bounekraf, vous savez très bien pourquoi.

S. L.

Du coq à l’âne : la traduction de sa phrase donne littéralement ceci : «Nous devons évoluer de façon… évolutive». Pas surprenant dans la bouche d’Abou Djerra Soltani, l’écrivain de talismans ministre d’Etat.

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