« Pays riche/peuple pauvre, aux sources du paradoxe algérien », tel a été le thème consacré aux débats d’El Watan tenu, jeudi, dans un hôtel à Alger qu’ont animé conjointement MM. Ahmed Benbitour, ex-Premier minsitre, et Smaïl Goumeziane, économiste et ex-ministre du Commerce.
Ce dernier, avec des chiffres à l’appui et une analyse fondée sur des expériences de certains pays qui ont su se placer au premier rang de la classe à l’échelle mondiale en matière de politique économique et financière, a tenté d’expliquer le paradoxe existant entre l’aisance financière actuelle de l’Algérie et la pauvreté qui ne font pas bon ménage. Une réalité ambivalente qu’a examiné le conférencier à travers quelques chiffres frappants entre richesse du pays et pauvreté du citoyen. A ce titre, il informera qu’en dépit des 90 milliards de dollars de réserves de change, soit plus d’une année de Produit intérieur brut (PIB) ou plus de 4 ans d’importations et une partie de ces réserves (42 milliards de dollars) centralisée par l’Etat dans un Fonds spécial dit de Régulation des Ressources (FRR) et un budget de l’Etat qui affiche avec satisfaction un excédent de 12,7 du PIB, les conditions de vie, par contre, des Algériens ne s’améliorent guère. Pis, a-t-il noté, pour une grande parie d’entre eux, » la pauvreté reste endémique quand elle ne s’aggrave pas « . M. Goumeziane indiquera que le revenu annuel moyen du citoyen es bien remonté à plus de 3 000 dollars, après la chute vertigineuse des années 90, mais, selon lui, il ne fait que dépasser légèrement son niveau de 1987, soit de 1 dollar constant. Ses chiffres indiquent que 15% de la population active sont encore officiellement au chômage.
Pis, parmi les chômeurs, » deux sur trois sont des jeunes de moins de 30 ans « . S’appuyant sur l’indicateur de pauvreté humaine des Nations unies du rapport sur le développement du PNUD de 2006, le professeur Goumeziane a noté qu’en 2004, 15,1% de la population globales (près de 5 millions d’habitants) vivaient avec 2 dollars par jour.
En tenant compte du seuil de pauvreté national de l’Algérie, « ceux sont 22,6 % de la population qui vivent en dessous de ce seuil, soit un Algérien sur quatre », a-t-il conclu. Dans ce cas, a-t-il dit, une grande partie de la population « se trouve fragilisée face aux fluctuations erratiques du marché national achalandé par les importations. » Sur un air ironique, il enchaîne : « Pour le citoyen lambda, deux dollars par jour, soit 150 DA, c’est tout juste de quoi acheter deux kilos de pomme de terre et, au vu des importations de ces derniers mois, de qualité douteuse ! ». C’est à partir de ce constat que le conférencier déduira que l’aisance financière en devises et en dinars se conjugue avec « fortes contraintes économiques et sociales pour une grande partie de la population « .
Un paradoxe, a-t-il expliqué, d’autant plus incompréhensible pour la population à qui « on vante en permanence les performances en termes de croissance globale alors qu’elle en subit quotidiennement les affres perverses », citant en exemple les pénuries récurrentes des produits de base, flambée des prix cycliques, difficultés multiples pour l’accès au logement ou aux soins, explosion de l’informel, multiplication des nouveaux riches, chômage persistant et concurrence de la main d’œuvre internationale y compris dans les métiers non qualifiés, notamment asiatique qui serait de l’ordre de 30 000.
Autrement dit, M. Goumeziane a affirmé que si l’aisance financière peut être significative, en termes de développement, elle doit se situer à la fois au niveau de l’Etat, mais aussi à celui des entreprises mais aussi celui des citoyens. » C’est dire qu’au niveau de l’Etat, d’une entreprise ou d’un citoyen, une aisance financière tirée de rentes primaires, commerciales ou spéculatives ne peut être qu’artificielle, limitée dans le temps et contre, productive. Il faudrait une aisance structurelle et globale et si l’un des éléments manque, ça ne marche pas ! « , a-t-il dit. M. Benbitour, égal à lu-même en matière de critique sur le système économique du pays, a fait savoir que l’Algérie « et entrain de plonger dans une trappe qui n’est ni une économie de marché ni une économie de transition. » Pour l’ex-chef du gouvernement, l’Algérie avance dans » une économie non administrée c’est-à-dire une trappe de transition d’une économie de pauvreté permanente « .
Le conférencier a cité en exemple la taux de thésaurisation qui est, pour lui, une austérité défavorable au développement de l’économie du pays. En termes clairs, il fera savoir que c’est de l’argent qui n’est ni utilisé ni investit.
Nacer O.M