Les « dépités » en mal de propositions

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Le débat que devrait susciter la demande des députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) de réviser l’article 34 du projet de l’orientation de l’éducation nationale, est loin d’être le cas. Ainsi, ces représentants du peuple envisagent, dans leur missive, la généralisation de l’enseignement de tamazight sur l’ensemble du territoire national avec une transcription en caractère arabes. Louable aurait été initiative de la part des occupants de l’Hémicycle si cette demande était en adéquation avec une revendication identitaire datant de plus d’un demi-siècle. L’avancée que connaît actuellement la revendication identitaire sur le plan pratique et politique n’est pas sans résultats sur les positions des uns et des autres. En effet, comme l’ex-parti unique, les formations d’acabit arabo-islamiste, après un vain combat contre cette revendication, se retrouvent aujourd’hui, obligées de conjuguer leurs positions d’antan avec cette revendication qui gagne de plus en plus de considération et de terrain d’enseignement. La reconnaissance de la langue amazighe en tant que langue nationale depuis les événements tragiques du Printemps noir en Kabylie a été le fruit d’un engagement serein, responsable et inaliénable mené par toute une région du pays.

Pour les militants berbéristes, cette demande n’est autre que le résultat sournois d’une démarche dictée par une volonté bassement politicienne d’assimilation ethnico-politico-linguistique. Les bruits et chuchotements sous les lambris islamo-conservateur annoncent un coup de force contre cette langue. Ils n’arrivent toujours pas à digérer son institutionnalisation, instaurée pourtant par le président de la République et votée malgré eux.

Pour leur part, les spécialistes de la question linguistique berbère estiment qu’un système de transcription « ne se décrète pas et ne s’impose pas. Il est choisi sur la base d’arguments qui tiennent la route et de la logique scientifique », souligne à juste titre Abdenour Abdesselem. Toujours sur le même volet, Mouloud Lounaouci qualifie de « pseudo-scientifiques », ces agissements d’élus à la Chambre basse.

De son côté, le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), par voie de communiqué, dénonce cette manœuvre et considère que « l’arabisation de la graphie amazighe est d’une extrême gravité, elle porte atteinte à la dignité des Amazighs en général et au peuple kabyle en particulier ». Par ailleurs, le MAK assimile cette tentative à « un acte de colonialisme culturel ». En outre, les autonomistes de Kabylie s’insurgent contre ce projet de loi qui fait appel « à la corruption des enseignants de la langue amazighe avec l’octroi de salaires cossus pour tous ceux qui s’y plieraient ». En dernier lieu, le MAK s’interroge si cette provocation, « n’est pas un plan diabolique pour mettre la Kabylie à feu et à sang ».

Toujours dans la même optique, le Centre national pédagogique et linguistique pour l’enseignement de tamazight, (CNPLET) organise, du 26 au 28 novembre à Tipaza, son 2e Colloque international portant sur l’aménagement linguistique de Tamazight.

Il faut d’ores et déjà s’attendre à une panoplie de réactions. Des réactions qui doivent éclairer les zones d’ombre qui entourent la transcription de tamazight. La réponse qu’apporteront les spécialistes en la matière doit être prise en compte par les cercles de décision politique, pour éviter tout basculement.

Mohamed Mouloudj

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