La culture du Clown !

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l Ces dernières années, les événements culturels en Algérie ont ceci de particuliers qu’ils se confondent à maintes reprises avec la culture populaire ou du moins urbaine. Le cirque fait, désormais, partie de cette tendance à réduire l’événementiel culturel aux simples besoins de détente et de « décompression » du peuple !

Avec le recul, on constate effectivement avec frayeur que le cirque attire beaucoup plus de spectateurs que les conférences, forums et débats littéraires, que l’on éprouve beaucoup plus de facilité à dépenser le prix d’un billet de cirque que celui d’un livre même intéressant et qu’enfin le cirque fait toujours plaisir contrairement aux « chinoiseries » hyper-compliquées des écrivains et philosophes! L’engouement populaire se comprend parfaitement puisque généré par une absence totale d’initiation à la vraie culture, celle que seuls les livres, le théâtre, le bon cinéma, l’Histoire (la vraie) et les autres arts peuvent apporter. L’engouement des autorités à inviter à tort et à travers des cirques internationaux est, lui aussi, compréhensible !

En effet, pour compenser la panne sèche d’intérêt public que devraient susciter les festivités culturelles de l’année 2007, accessoirement celle de « Alger capitale de la culture arabe », un effort dignement psychologique fourni par les institutions culturelles en Algérie avait conduit à cette célèbre conclusion du marketing : qu’il faut mettre sur les étals les produits demandés par le client, et ils ignorent sciemment l’autre règle d’or du marketing qui suggère de « créer le besoin » chez le client et non obéir à ses besoins primaires! C’est là, justement, où réside le problème: Les besoins, le peuple algérien en a à foison.

Des besoins simples, superflus et quotidiens qu’il n’arrive jamais à résoudre ! Comment vouloir lui inculquer de satisfaire ses autres besoins, dits métaphysiques, et que l’on appelle aussi « nourriture de l’esprit » puisque la seule nourriture qu’il réclame est celle du ventre?! Les autorités culturelles, en bon Papa qu’elles sont, aspirent donc à convaincre le peuple que la culture n’est salutaire que dans la mesure où elle le soulage de sa lutte de survie quotidienne, et qui mieux que le clown pourrait subvenir à ce « besoin » pressant de se détendre ?! Sous couleur de satisfaire le fameux fantasme des enfants à aller voir les animaux « doués », les clowns, les magiciens et les acrobates, les parents ne se privent pas pour autant de profiter du spectacle! Le cirque, comme le manège et les trains électriques, sont faits pour les mômes et ce sont les papas qui s’amusent le plus avec! Il est à se demander si, à chaque enterrement d’un adulte ce sont des vieux que l’on met sous terre ou bien des éternels enfants, des bébés dont le corps a joué avec l’âme le même jeu qu’a imposé le lièvre de La Fontaine à la tortue ! C’est à se demander aussi si l’avalanche des cirques à Alger ne s’explique pas par un lien de parenté! On dit, en effet, que les sens propre et figuré d’un mot sont cousins; pourquoi donc s’étonner qu’un Cirque au sens propre trouve toujours agréable de rendre des visites régulières à un cirque au figuré, en l’occurrence: l’Algérie?!

Sarah Haidar

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