La beauté ravageuse de Ouardia était légendaire et faisait pâlir les astres.

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A sa vue, les gens l’admiraient et se retournaient sur son passage. Tout le monde voulait la saluer. L’eau de la fontaine battait la mesure, les oiseaux chantaient, les branches d’arbre se prosternaient.

Que de louanges sur sa beauté!

Sur le chemin de la fontaine, dans une démarche féline, aux pas tantôt nuancés, tantôt cadencés, elle portait une cruche sur son dos. A l’eau claire de la source, elle retroussa les manches et remonta ses bracelets, pour se rafraîchir le visage. Elle but dans les paumes de ses mains pour se désaltérer. Elle trempa ses pieds. Elle rinça la cruche et la posa délicatement sous le flot pour la remplir.

Chemin faisant, dans son regard de velours, avec son sourire de douceur, elle salua les passants de sa voix envoûtante. Elle avait le mot pour plaire.

Dans les champs et les prairies, certains bergers caressaient leur flûte et entonnaient des airs mélodieux et des paroles mettant en valeur les charmes et la beauté de Ouardia. Ces chansons sont encore reprises dans les fêtes, de village en village, en boule de neige, ces neiges éternelles du haut Djurdjura qui veille sur Tizi-Hibel:

« Ouardia l-Lounis

Igavgha wuliw

Mi tid smektagh

Ijah errayiw »

L’élue des filles du village était la convoitise de Mohand Arezki.

Ce jeune homme aimait très fort Ouardia. Il en était fou amoureux et vaincu par la dépendance pour cette femme. Quand il la voyait, son coeur battait la chamade. Il le sentait vouloir sortir de sa poitrine pour s’emparer d’elle.

Fuyant la réalité au quotidien, il égaya sa vie de chimères.

Dans son imaginaire, il rêvait de vivre avec elle, d’amour et d’eau fraîche, habitant une chaumière dans l’empire de la misère.

Troubadour, il chantait:

« Txilem a yemma

Riyid l jawab

Aghiyid taqccict

Ukud nem âjab

Anezdegh atemmu

Elqewt ad-enjab »

Il voulut faire comme tout le monde, et alla demander la main de Ouardia à son père. Celui-ci refusa le jeune homme pauvre.

Fou de colère, il prit le chemin de l’exil à la recherche de la fortune.

L’exilé de circonstance revînt bredouille et trouva sa bien aimée mariée. Ouardia épousa, contrainte par son père, un vieux monsieur riche d’une contrée lointaine.

Sur les routes, Mohand Arezki erra pitoyable, victime de sa passion. Il devînt la risée des enfants qui le poursuivirent en chantant le sobriquet :

« abuh a-l ghaci

Mohand Arezki

D-ahcayci »

Mohand Arezki naquit pauvre, vécut pauvre et mourut pauvre.

Malika Domrane

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