Origines des Amazighs

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Connaître son histoire, l’assumer pleinement en s’identifiant, cela permet de gérer son présent et son avenir. La méconnaissance de notre histoire a fait que le peuple berbère s‘est véritablement identifié à tout sauf à lui-même. S.Hachi disait  » Nous possédons une histoire riche et profonde, depuis la nuit des temps nous ne cessons de nous trouver justement là où il faut être pour contribuer à l’évolution de l’humanité  » [1]. Cela aurait pu être une source de fierté pour tous, mais hélas, l’histoire officielle s’est évertuée à occulter nos origines pour nous desservir.

Dans cet article nous allons remonter dans le temps à la rencontre de ce groupement humain auquel nous nous identifions, qui nous caractérise et qui fait que nous ne sommes pas les autres.

On a l’habitude d’appeler histoire tout ce qui est le passé de l’homme, cependant les spécialistes, eux, ont d’autres définitions de celle-ci.Il y a la préhistoire et l’histoire. En facteur temps, la préhistoire est la période qui s’échelonne entre l’émergence de l’homme en Afrique, plus précisément au Tchad et l’apparition des écritures. La préhistoire occupe 99% du temps de l’humanité, environ 6 à 7 millions d’années et seulement 1% pour l’histoire, environ quatre millénaires.

L’histoire commence avec l’apparition des écritures qui ne sont pas connues au même moment chez tous les peuples. Les premières écritures sont apparues en Irak et en Egypte environ de 3 500 ans avant J.C, les cunéiformes (forme de clous) en Mésopotamie et les hiéroglyphes (écriture sacrée) en Egypte. Le libyque, quant à lui remonte au dernier millénaire avant

J.C.

Homme capsien (proméditerranéen)

La préhistoire est une science humaine qui a pour objet la reconstitution du passé de l’humanité. L’histoire est également une science humaine qui se base sur l’analyse de l’archive écrit. Des peuples qui n’ont pas tout écrit ou peu et qui se retrouvent sans archives, n’ont-ils pas d’histoire ? Qui produit les archives ? Ce sont généralement les institutions, les pouvoirs, c’est pour cela que des peuples comme le nôtre, non seulement ignorent leur histoire mais se trouvent en marge de l’histoire. Nous ne sommes pas évoqués comme objet de l’histoire et nous ne sommes pas absents de l’histoire, nous sommes seulement absents des archives. C’est l’histoire des pouvoirs, des Phéniciens, des Romains …

Aujourd’hui, il est nécessaire et même impératif de chercher à reconstituer notre histoire au dehors des pouvoirs.Il ne faut pas faire notre histoire non seulement sur la base du constitué (l’archive) qui relatait quelques événements mais aussi par l’étude de notre culture au présent, au passé.Les sciences telles, l’archéologie, l’anthropologie, l’ethnologie seraient d’un grand apport.

L’homme est apparu pour la première fois en Afrique, au Tchad voila environs 7 millions d’années[2]. C’est donc à cet endroit que nos lointains ancêtres ont émergés. Ils se caractérisent par la bipédie. L’homme n’ a pas été ce que nous sommes aujourd’hui, nous sommes le produit d’un processus d’évolution.

Ensuite l’homme s’est déplacé vers l’Est, le Sud, le Nord. Ainsi, l’Afrique du Nord a été habitée par les premières générations de l’humanité. Vers 2,5 millions d’années les restes des plus anciennes manifestations culturelles de l’homme, celles des galets aménagés sont trouvés à Reggane dans le sud algérien et ç Ain Hanech près de Sétif.Son auteur est l’homo habilis (l’homme adroit).Vers 1,5 million d’années l’homo erectus (l’homme qui développa la station debout) prend la place de l’homo habilis et peut se permettre de s’éloigner davantage et de se différencier du singe.

En Algérie, l’homo erectus est celui de Ternifine, auteur des industries de bifaces et hachereaux. Il découvre le feu 700 000 ans avant J.C. Ensuite vint l’homme de Djebel Irhoud auteur de la culture moustérienne. Le stade suivant est l’homo sapiens, celui qui sait et qui est capable de construire,de transformer des choses matérielles en abstraites. Son auteur est l’homme de Dar Soltan, l’Atérien qui est apparu antérieurement 40.000 ans avant J.C. Celui-ci a produit une culture originale, différente des autres contemporaines apparues ailleurs. Cette civilisation a été découverte au lieu dit Bir El –Ater’ près de Tébessa en Algérie et est caractérisée par une industrie d’outils à pédoncules. C’est une invention extraordinaire, pour la première fois de son existence, l’homme pour chasser n’est plus en contact direct avec le gibier grâce à cette arme de jet. L’Atérien occupe toute la superficie qui s’étend de l’Egypte à l’ Atlantique et de la mer Méditerranéenne au lac du Tchad.Curieusement cette civilisation atérienne recoupe totalement la Berberie (Tamazgha) avec un léger rétrécissement de l’oasis de Siwa jusqu’au Sénégal.

22 000 ans avant J.C,un autre homo sapiens appelé Ibéromaurisien prend la place de l’Atérien et occupe le littoral et le tell de l’Afrique du Nord, c’est en fait l’homme de Mechta Afalou, en raison de sa découverte dans deux gisements de Mechta El Larbi à Constantine et Afalou Bou Rmel à Bougie. Il est artiste et auteur de l’art figuratif le plus ancien en Afrique. Il a produit des figurines en terre cuite représentant des animaux datées entre 13 000 et 14 000 ans avant J.C, découvertes en 1988 par l’équipe S.Hachi, chercheur en préhistoire.

Cette découverte est capitale car tout le monde est persuadé qu’au Maghreb, l’art figuratif appartenait à la civilisation suivante, celle du Capsien qui s’est développé environ 9 000 ans avant J.C. Le Capsien vivait au même moment que l’Ibéromaurisien qui disparaît dans la masse pour laisser la place à des proto méditerranéens d’ou nous tirons racine.

Au paléolithique, l’homme collecte sa nourriture, au néolithique, il l’a produit. Le néolithique c’est l’ère de la sédentarisation, de l’agriculture,de la céramique, la domestication des animaux et de l’art rupestre. En Algérie, la céramique remonte vers 9 000 ans av J.C, elle est attestée à Mekni dans le Hoggar. Les gravures et peintures rupestres du Tassili et de l’Atlas saharien qui retracent le mode de vie des populations à travers les différentes étapes du néolithique à l’aube de l’histoire, constituent une bibliothèque à ciel ouvert. Ce bel ensemble est classé par les spécialistes en périodes :

1) Période des naturalistes : Ce sont des gravures les plus anciennes, représentants des animaux sauvages de grandes dimensions, tels l’éléphant, la girafe, l’antilope et le rhinocéros. Parfois on peut voir à coté de ces gravures des chasseurs ayant des têtes masquées.

2) Périodes des têtes rondes : Ce sont des œuvres peintes de la phase ancienne comme celle des naturalistes. Elle est appelée ainsi en raison des têtes rondes des représentations humaines. On les rencontre au Tassili et appartiennent principalement à une population negroide.

3) Période des bovidés : Les représentations sont uniquement celles de l’élevage.Le Sahara n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, le climat était humide, l’eau et les pâturages en abondance.

4) Période équidienne ou celle du cheval : Pour la première fois apparaissent des représentations artistiques où l’on voit des chevaux attelés à des chars à deux roues. L’homme a besoin du cheval pour se déplacer, c’est le début de la raréfaction des points d’eau et des pâturages. Une scène artistique représente des troupeaux autour d’un puits d’ou l’homme puise de l’eau à l’aide d’une poche en cuir, la désertification commence.

5) Période libyco-berbère ou celle du chameau : Dans cette phase finale de la période du cheval et de la désertification, le cheval est remplacé par le chameau mieux adapté aux conditions difficiles du Sahara. L’artiste aussi évolue et change de style dans ses œuvres, en schématisant. Dans ce nouvel art schématique le corps humain n’est qu’un agencement de figures géométriques. Ceci n’est qu’une introduction pour la préparation à l’écriture où pour la première fois on trouve à coté des représentations animales et humaines des caractères libyques.

La préhistoire prend fin avec l’apparition des écritures et la fondation des cités. Carthage fut fondée en 814 avant J.C.

Lasheb Ramdane

Archéologue et enseignant de tamazight à At Dwala

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