Le syndrome du rêve algérien

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Dans Nuit blanche, roman paru chez les éditions Apic, Roshd Djigouadi nous introduit dans l’univers onirique des jeunes Algériens pris en sandwich entre l’enclume de la misère et le marteau du rêve.

Très influencé par sa vocation originelle de cinéaste, l’auteur a choisi de confondre roman et film dans un style narratif basique qui raconte les pérégrinations au pays de Morphée d’un trentenaire algérien souffrant de la mal-vie dans une ville étouffée par ses chagrins et ses mafieux.

L’histoire sur le plan structurel commence par l’arrestation du personnage principal pour le meurtre d’un dénommé Lazreg. La narration, quant à elle, débute au moment où le coupable commence à raconter à l’inspecteur de police l’histoire du crime.

C’était un petit barman dans un club huppé d’Alger, voulant sortir définitivement du gouffre et sauver avec lui une prostituée dont il est épris. Celle-ci le recommande auprès d’un de ses clients qui l’accueille chez lui et lui promet un soutien inconditionnel. C’est à partir de ce moment-là que le lecteur commence à perdre le nord: une ascension fulgurante du jeune homme dans le monde des affaires au Sud, un mariage arrangé avec une bourgeoise portant l’enfant d’un étranger, des retrouvailles avec la prostituée Salwa qu’il réussit à sortir de son milieux malfamé, des réussites professionnelles à tour de bras… Le jeune homme est maintenant établi dans un confort sûr que rien ne peut menacer. Le « bienfaiteur » qui l’a soutenu et aidé grâce à son relationnel consistant, ne donne pas l’air d’attendre une contrepartie sinon un pourcentage insignifiant. Tout va pour le mieux et la vie est belle !

Ensuite, le réveil, l’atroce et intenable réveil ! La partie réelle de l’histoire s’avère restreinte à l’arrivée du jeune homme chez Lazreg, et tout le reste n’est que chimère, un rêve démentiel et délirant pendant toute une nuit où une vie a ascensionné du précipice au septième ciel, où l’amour, l’argent et la réussite devinrent une réalité indéniable… Le réveil est lui aussi semblable au rêve. La gueule de bois et la mort dans l’âme, le désillusionné dérouté et poignardé dans le dos de son rêve, ne trouve d’autre à faire que de prendre son couteau suisse, scier la gorge de Lazreg et sculpter, ensuite, sa colère sur le corps inerte de la victime. Pourquoi?

Simplement parce que Lazreg a osé blasphémer à l’écoute de l’appel à la prière de l’aube!

La fin, bien qu’étant surprenante, ne justifie pas quelques lenteurs au niveau du texte, la simplicité presque inesthétique de plusieurs passages et surtout la description souvent ennuyeuse du monde des affaires avec tous les détails inesthétiques qu’elle implique… Le roman est moyen dans l’ensemble. On aurait espéré quelques brins de poésie et de délire qui siéront à la nature de l’histoire. Un rêve n’est jamais aussi encombré de détails et de descriptions anodines. Si le roman avait été écrit comme on transcrit les délires d’un fiévreux ou d’un dément, il aurait eu beaucoup plus de valeur littéraire. Mais force est de noter que quelques passages sont toutefois émouvants et même poétiques avec cette fameuse graine d’humour propre à tous les damnés de la terre…

Sarah Haidar

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