Quand le terrorisme réduit… à la mendicité

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Farouk, puisque c’est de lui qu’il s’agit est assis à même le sol en cette journée hivernale, à ces côtés sa tante et son fils qui d’un coup de main chasse quelques mouches importunes. L’histoire de ce chérubin de 9 ans est assez dramatique sur elle nous renseigne et une réalité mesquine et un malaise profond d’une Algérie endeuillée par plus de 15 ans de terrorisme aux conséquences dramatiques. Le petit Farouk originaire de la wilaya de Médéa est une victime d’un terrorisme aveugle qui a décimé sa petite famille. Il a fallu une patience de fer pour que la tante nous raconte son histoire » nous habitions un douar dans la wilaya de Médéa, nos maris étaient des GLD, un soir des terroristes sont venus chez nous et ont demandé après mon mari qui a riposté avec son arme aux côtés de son frère mais les terroristes ont eu raison d’eux, on a eu le temps de fuir mais la femme et la fille du frère de mon mari ont été enlevées et le grand-père assassiné « , elle essuie quelques larmes qui coulaient le long de ses joues puis poursuit tant bien que mal son récit  » on s’est retrouvé sans rien après que la horde criminelle ait brûlé notre maison une fois leur forfait accomplit. On a vécu quelques jours chez des voisins mais c’était impossible, alors j’ai pris la décision de prendre les enfants et de me rendre à Tizi Ouzou où j’avais une parente mendiante qui habitait les bidonvilles, j’ai passé là-bas quatre ans où les enfants m’aidaient à ramasser quelques pièces mais suite à un malentendu avec mon amie j’ai quitté Tizi Ouzou pour venir ici à Alger ou je dors dans la rue avec ces petits malgré l’hiver les gens sont restées souvent indifférents à notre misère et ce n’est que pendant le ramadhan que le Croissant-Rouge s’occupe de nous comme si l’année se résumait à un seul mois, regardez vous-même l’état dans lequel se trouve les enfants, ils tombent souvent malades et ne mangent qu’une fois par jour avec tout ce que peut engendrer cette malnutrition sur leur santé et leur croissance, des fois je les envoie mendier seuls mais souvent ils reviennent les mains vides et en pleurs car on les agresse souvent et quand ils demandent aux quelques restaurants un peu de nourriture, ils les chassent en leur lançant des insultes et autres injures alors des fois quand on manque d’argent, on se rabat sur les poubelles ou faire les porte-à-porte des maisons pour demander un peu de pain ou quelques pièces de monnaie mais les gens ne comprennent pas la détresse dans laquelle on se trouve.  » Le témoignage de cette femme est un exemple parmi tant d’autres des personnes victimes du terrorisme qui se sont retrouvées du jour au lendemain, sans toit et livrées à elles-mêmes et cela sans que les pouvoirs publics ne réagissent et ne s’occupent ainsi de cette frange de la société qui est marginalisée. Ces personnes et ces chérubins qu’on voit mendier dans la rue sont peut-être victimes d’une injustice et d’un crime sauvage que la moralité ne tolère guère et qui a fait des orphelins et des vagabonds errant dans nos rues sans que l’on s’interroge sur les vraies raisons de leur misère. Dans le contexte actuel où l’Etat se soucie plus du projet de construction de la grande mosquée d’Alger et le lancement d’autres mégaprojets telle la Médina, elle oublie souvent les dessous d’une ville marquée par la misère sociale régnant tel un spectre dans les ruelles et les grands boulevards de nos villes fuyant ainsi leurs localités où le terrorisme faisait rage. Ces vagabonds des temps modernes n’ont d’autres choix que de mendier pour subvenir à leurs besoins  » c’est mieux que de voler  » nous lance un enfant. Pour un responsable de la Gendarmerie nationale les victimes du terrorisme ainsi que les orphelins fuient souvent leur hameau après les massacres et atterrissent dans les grandes villes livrées à elles mêmes sans aucune protection alors ils n’ont qu’une seule issue,mendier. Essentiellement les personnes qui ont réussi à survivre à un massacre se réfugient dans les grandes villes pour ne pas être reconnues ainsi que celles qui sont menacées. Ainsi, le terrorisme n’a pas fini de faire de victimes en Algérie : des vies ôtées et des milliers de familles dans la rue livrées à elles-mêmes sans la moindre aide de l’Etat qui a mieux à faire que d’aider ces familles et ce, en l’absence d’un plan de prise en charge de toutes les victimes du terrorisme afin de leur faire oublier, un temps soit peu, leur misère et le choc subit en mettant en place des centres spécialisés pour les orphelins afin qu’ils puissent suivre des études et vivre dignement comme tout enfant ainsi que des cellules d’accompagnement pour les intégrer ensuite dans la société sans pour autant subir les affres de la vie afin de permettre à ces personnes de retrouver leur dignité et les aider à retrouver une nouvelle vie loin des souvenirs qui réapparaissent à chaque agression, injures ou mauvais traitements subits. Alors tout reste à faire dans une Algérie qui peine à se sortir des griffes du terrorisme et redonner ainsi une lueur d’espoir au peuple ainsi qu’aux victimes pour enfin faire leur deuil et redémarrer une nouvelle vie et atténuer leurs souffrances.

Hacene Merbouti

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