“Je n’ai rien à me reprocher !”

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En dépit du fait que l’invité du jour soit présent en sa qualité d’homme politique, les débats n’ont aucunement occulté les autres volets, tous aussi sensibles, qui touchent directement au quotidien de la Kabylie et des Kabyles, ce qui les a rendu passionnants et enrichissants à plus d’un titre. Ceux-ci ont d’ailleurs été entamés sur les chapeaux de roues, puisque le forum de jeudi dernier était l’occasion pour M. Aït Ahmed, de “riposter” aux propos très virulents en somme qu’a tenus le wali à son encontre, lors de la conférence de presse tenue mardi dernier au siège de la wilaya. Il faut préciser, toutefois, que la Dépêche de Kabylie avait invité le P/APC de Tizi Ouzou à son forum, il y a près de 15 jours, et que ladite programmation n’est aucunement tributaire de la conjoncture actuelle émaillée par la dégradation des relations entre les deux responsables. Cela étant, ce point précis, quoi que nodal et très sensible, n’a pas empêché les journalistes présents d’interpeller le maire sur d’autres questions liées à sa gestion. De fait, ce dernier a dû s’étaler sur les dettes communales de l’APC de Tizi Ouzou, le foncier, le développement local, le licenciement des contractuels et bien d’autres sujets encore.

“Je fais de la politique à l’APC de Tizi Ouzou !”Pour mieux étayer ses dires, M. Aït Ahmed a choisi de prononcer une longue allocution introductive, dont certains passages étaient des plus agressifs. Dans la foulée, et avant toute autre chose, il rappellera à l’assistance (et à qui veut l’entendre aussi), qu’il est très fier d’appartenir à la formation politique qu’il représente et qui — n’en déplaise à ses détracteurs —, c’est bien de la politique qu’il fait à la mairie de Tizi Ouzou. L’orateur évoquera, par la suite, la participation du FFS aux élections locales d’octobre 2002 qu’il qualifiera d’“éminemment politique” et ce, avant d’entreprendre d’expliquer la nature du contrat qui le lie à l’APC. “On a eu un contrat d’engagement avec la population locale et on doit bien lui rendre des comptes sur ce qu’on a entrepris comme actes de gestion. Cette population ouvre bien droit à un bilan détaillé de tout le travail effectué au sein de sa municipalité. C’est un mandat politique d’écoute citoyenne.”Toutefois, l’invité de la Dépêche de Kabylie n’a pas mis grand temps pour se lancer dans ce qui était perçu comme le chapitre le plus important de la rencontre, celui qu’il devait consacrer à la “riposte” aux propos du wali. Et pour ce faire, M. Aït Ahmed n’a pas fait dans la dentelle. D’un ton ferme et résolu, il dira : “C’est indigne d’un wali qui s’est départi de son droit de réserve, d’insulter la population de Tizi Ouzou. Moi, pour ma part, je ne répondrais pas avec la même petitesse, et je me contenterais de dire que Chérif Aït Ahmed n’est pas un vendeur de cosmétiques, encore moins quelqu’un qui se barricade derrière son bureau où son domicile. Je suis constamment dans les rues et les villages de ma commune sans garde du corps ni protection rapprochée. Cela c’est pour dire, haut et fort, que je n’ai peur de personne et que, contrairement à ce que l’on veut insinuer, je ne profite d’aucune largesse particulière de mon poste de maire.” Et de reprendre, encore plus agressif : “Il y a des gens qui payent par des lots de terrain. Moi, je ne fréquente pas les côtes d’Azeffoun. Vérifiez de vous même et constatez à qui on a attribué ces terrains (…), tout cela est pour moi un asile psychiatrique grandeur nature, ces accusations sont du n’importe quoi !” Mais le maire de Tizi Ouzou n’en restera pas là, puisqu’il affirmera qu’il est prêt à s’assumer en public, mais que chacun rende compte de son passage à Tizi Ouzou.“Celle-ci détient la palme d’or en matière de mauvaise gestion, mais ça ne date pas d’aujourd’hui, je rappellerai juste qu’il y a eu des tutelles administratives qui se sont tues ou cautionné certaines irrégularités en restant dans la passivité la plus totale.”

“Le maire, c’est fait pour gérer les poubelles”Après avoir “réglé ses comptes”, d’une manière encore plus poussée avec le premier magistrat de la wilaya (lire l’article de Khaled Zahem), M. Aït Ahmed est revenu sur la gestion de la municipalité de Tizi Ouzou, en focalisant sur les différentes embûches qui freinent l’instauration de la stabilité et donc la prospérité.“Comment voulez-vous qu’on se lance dans une véritable politique de gestion, alors qu’on nous lance, à tout bout de champ, que les assemblées locales de Kabylie seront incessamment dissoutes ? Avec quel état d’esprit pourrions-nous faire face aux préoccupations quotidiennes des citoyens dans ces conditions ? La précarité permanente dans laquelle nous vivons aujourd’hui nous empêche de réaliser grand-chose”, a-t-il laissé entendre et d’ajouter : “Je suis désolé de vous dire, à ce propos, qu’on est aujourd’hui réduit à faire dans le bricolage et le replâtrage, à plus forte raison que les prérogatives d’un P/APC sont devenues tellement limitées. En élargissant celles du wali et du chef de daïra, le maire ne peut s’occuper que de l’embellissement ou des poubelles”. L’orateur prendra le temps ensuite d’expliquer qu’il avait pris attache avec un expert dans la gestion (un ancien ministre), lequel lui a sèchement signifié que la réorganisation parfaite d’une municipalité comme Tizi Ouzou prendrait au moins 8 mois.En attendant cela, dira M. Aït Ahmed, on ne peut compter que sur deux options : “Soit gérer, au jour le jour le fonctionnement interne ou bien sortir vers la population pour se rapprocher d’elle, et c’est ce que nous avons fait !” Et d’enchaîner, encore plus explicatif : “On ne s’est pas attaqué à la gestion interne parce que la réalité nous a imposé cette démarche. J’ai le regret de constater, toutefois, que celle-ci est toujours mal perçue”.Se voulant plus rassurant, le maire de Tizi Ouzou affirmera dans la foulée qu’en tout état de cause, un bilan détaillé de tous les actes de gestion opérés au sein de la municipalité depuis octobre 2004, sera incessamment rendu public. Cela, affirme-t-il, se fera pour répondre à tous ceux qui nous attaquent d’une manière infamante.

“Les licenciements, une décision douloureuse”Concernant la décision prise par la mairie de Tizi Ouzou, portant résiliation de contrats de près de 320 fonctionnaires contractuels, M. Aït Ahmed avouera que la démarche est bel et bien douloureuse sur le plan social et humain, mais qu’elle a été imposée par les services de la wilaya pour alléger le budget de fonctionnement et procéder par la même au paiement des salaires des permanents.Mais avant cela, il fera préalablement remarquer que le phénomène des “recrutements massifs” est une pratique courante à l’APC de Tizi Ouzou depuis plus d’une décennie et que c’est le cumul exorbitant de ces postes, parfois inutiles, qui a conduit à la situation actuelle. Mieux, l’orateur ira même jusqu’à dénoncer l’existence d’emplois fictifs au sein de ladite mairie, puisqu’il affirme avoir constaté des cas de paiement de salaires à des gens… se trouvant à l’étranger. “Notre APC paye des pensions et non pas des salaires…”, a-t-il déclaré, avec une certaine ironie, pour illustrer la situation.Pour ce qui est de la décision de licenciements, qui devrait toucher selon la wilaya 800 salariés, M. Aït Ahmed affirmera que lui et son équipe avaient tout fait pour ajourner la résiliation des contrats, et ce, dans l’espoir de trouver d’autres formules. Toutefois, le maire rassure l’ensemble des fonctionnaires remerciés en leur annonçant qu’une commission — qu’il présidera lui-même — sera incessamment installée pour tenter de rétablir les éventuelles injustices dès la semaine prochaine.Notons, au passage, que les injonctions de la wilaya sont motivées par l’énorme coût financier des salaires. En effet, et pour mieux saisir l’ampleur de la situation, il suffit juste de savoir que près de 90% du budget global de la commune sont réservés au fonctionnement et qu’il ne reste, par ce fait, que 10% à consacrer au développement local. No comment !Lors des débats, l’invité de la Dépêche de Kabylie s’est également étalé sur la gestion chaotique du foncier de Tizi Ouzou, une ville qu’on a transformée, dit-il, en un véritable ghetto et où beaucoup de gens se sont enrichis en le dilapidant d’une manière illégale. M. Aït Ahmed s’est également attardé sur le budget et les dettes communales de Tizi Ouzou pour expliquer que beaucoup de choses restent à faire dans ces deux volets. Pour son mot de la fin, l’invité du jour dira que sa municipalité souffre de plusieurs maux, mais qu’il a prévu les mécanismes nécessaires pour une éventuelle résurgence, pour peu qu’il ne soit pas freiné dans son élan.

Ahmed Benabi

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