La Dépêche de Kabylie : La Kabylie s’apprête à commémoriser le double anniversaire, Printemps berbère et tafsut tabarkant, comment le Mouvement citoyen entend-il intervenir dans ce rendez-vous?
Belaïd Abrika : Ce double anniversaire constitue pour nous une halte où chacun aura à faire le bilan de ce long processus de luttes qui a engagé de nombreuses générations. C’est ainsi que l’on songe à rendre un vibrant hommage à ceux qui ont consentie des sacrifices suprêmes pour le recouvrement de notre identité historique, langue et culture amazighes, aux compagnons de Mohand Uharun, à Da L’Mmulud Mammeri qui était le détonateur de tafsut Imazighen en 1980, au symbole de la résistance Lounes Matoub lâchement assassiné en 1998, au romancier Rachid Aliche décédé récemment et aux martyres et victimes du Printemps noir de 2001. Ces bâtisseurs ont semé à travers leurs engagements les valeurs humaines, de justice, d’égalité et de liberté.
Au-delà des festivités commémoratives traditionnelles, il s’agit pour nous de capitaliser les avancées, en faisant un bilan pour relever encore les insuffisances et les carences et de voir quelles sont les voies et les moyens qui nous mèneront vers l’aboutissement total du combat générationnel.
Le contexte de cette année est un peu particulier puisque cette célébration intervient dans un moment où nos frères Amazighs du Maroc subissant une répression sans égale, depuis une année ; notre devoir de solidarité nous interpelle à plus d’un titre pour agir, soutenir et manifester notre solidarité nous interpelle à plus d’un titre pour agir, soutenir et manifester notre solidarité agissante vis-à-vis des militants et des familles des détenus emprisonnées dans les geôles du Maroc.
Pouvez-vous faire le point, 7 ans après, sur le cheminement de la dynamique citoyenne des Aârchs, que d’aucuns qualifient d’extinction?
La dynamique de lutte citoyenne et populaire née des tragiques événements du Printemps noir de 2001, s’est définie comme la continuité du combat démocratique. Plusieurs phrases ont jalonné ces années de luttes acharnées pour apporter le changement attendu par une jeunesse éprise de justice et de liberté.
Le bilan peut intervenir à plusieurs niveaux. A travers cette dynamique nous avions surmonté la première phase qui consistait en l’arrêt de l’effusion du sang, la plus délicate d’ailleurs, en rendant l’espoir dans un cadre unitaire et rassembleur à cette jeunesse atteinte par le désarroi et le désespoir qui affrontait les balles assassinés des gendarmes. Cette phase qui peut apparaître très courte est très riche en matière d’enseignement. En retient essentiellement la générosité et le dévouement de la population qui s’est mobilise comme un seul Homme pour faire face à cette énième agression perpétrée lors des festivités commémoratives de 2001. La deuxième phase qui n’est pas des moindres, c’est celle de l’organisation et de l’élaboration des textes régissant le Mouvement citoyen des Aârchs, toute en maintenant la mobilisation au top, pour atteindre le summum lors de la grandiose marche historique du 14 juin 2001 qui a rassemblé deux millions de manifestants : femmes, hommes, jeunes et vieux. C’est des moments mémoriaux gravés à jamais dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Puis arriva la phase de la manipulation, de l’intox, des emprisonnements… où nous avons déjà ressenti un début de relâchement de la vigilance. La machine à briser de notre mouvement fut enclenchée, le pouvoir maffieux et assassin ne lésinait pas sur les moyens en mettant en marche ses serviteurs, ses valets, son administration, ses services de sécurité multiples et la clientèle locale. Nous avons résisté à toutes ses machinations, nonobstant les difficultés d’ordre organique qui ont frappé les structures du mouvement citoyen. Enfin, la phase de la reconnaissance par les détenteurs du pouvoir décisionnel de notre mouvement, de la légitimité et de la justesse de nos revendications, à travers le statut belligérant et d’interlocuteur. un engagement solennel public a était pris pour la mise en application des revendications figurant dans la plateforme d’El Kseur. Un parcours honorables et qui n’est pas fini, il s’agit d’une dynamique historique incontournable pour l’installation d’une véritable République démocratique et sociale, garantissant les libertés et les droits fondamentaux à toutes les franges de la société, dans le cadre du respect de la richesse de notre diversité.
Comment expliquez-vous votre absence sur le terrain, voire votre effacement, alors que le mouvement a connu des mobilisations de Zénith?
Vous le dite si bien, le mouvement a connu des mobilisations de Zénith apologiques même. La difficulté en cela est de maintenir la mobilisation à son niveau top. Pour répondre à votre question, il suffit d’interroger l’histoire des mouvements sociaux comme le notre qui s’est inscrit dans la durée dans un cadre démocratique et pacifique ont une durée de vie moyenne de deux années. C’est pour cela qu’il ne faut pas s’alarmer, surtout savoir tirer au diapason aux attentes de nos populations qui souffre aujourd’hui le martyre de la gestion chaotiques des affaires publiques et des institutions politiques qui ignorent complètement des couches entières qui subissent le calvaire et qui sot réduits à vivre dans une précarité totale. Alors que vous parlez d’effacement, sachez que ceux qui continuent d’animer le mouvement de nombreux citoyens aujourd’hui expriment leurs besoins d’attachement à l’organisation de la politique proche et ou du cercle du pouvoir font tout pour effacer cette étape de l’histoire qui a ébranlé le système rentier, pourri, corrompu et corrupteur.
Sachez aussi que nous n’avons pas cessé de sommer les pouvoirs publics à honorer l’engagement signé dans le cadre de l’accord global du 15 janvier 2005. Enfin, quand il fallait être sur le terrain pour affronter les gendarmes assassins qui bénéficient jusqu’à nos jours de l’impunité, nous l’avons fait et quand nous sommes passés à la phase politique de dialogue nous l’avons assumé. Et cela ne veut pas dire que nous sommes absents sur le terrain ou que nous n’allons agir pour revenir aux grandes mobilisations. Sachez que nous sommes mieux rodés sur le terrain de la lutte que celui de la négociation.
En un mot la crise n’est toujours pas résolue pour cause de manque de volonté politique et de tergiversation.
On croit savoir que le dialogue mené avec le gouvernement, a été de la poudre aux yeux, qu’en est-il concernant les acquis et où en sont les manquements?
Dire que c’est de la poudre aux yeux, cela équivaut à tremper l’opinion publique et la résistance populaire du Printemps noir. Nous sommes dans un pays d’injustice, de tromperie, de supercherie, en un mot du tiers monde. Il y a un accord qui engage les institutions de l’Etat algérien qui, aujourd’hui, pour des raisons de lutte de clan au sommeil de l’Etat qui bloque le processus de mise en application de nos revendications. Ce qui a pour conséquence la multiplication du défit en matière de confiance vis-à-vis des institutions de l’Etat qui aujourd’hui est complément coupé de la réalités du vécu quotidien de la population, ce qui vaudrait dire que la responsabilité incombe totalement aux détenteurs du pouvoir.
Les acquis sur la table des discussions sont sont nombreux pour ne pas dire total. Nous avons conclut sur tous les chapitres relatifs à la plateforme d’El Kseur. Cependant 80% des engagements demeurent non appliqués sur le terrain de la réalité.
Au premier chapitre nous avons discuté du châtiment des commanditaires des responsables et ordonnateurs des crimes contre les manifestants du Printemps noir en jugeant les assassins au niveau des tribunaux civiles et du départ des brigades de gendarmerie, qui ne sont pas appliquées à nos jour.
De la prise en charge des victimes et des familles de martyrs qui est en voie de finalisation et les 300 dossiers en attente depuis 3 années pour le remboursement des dégâts matériels.
Du chapitre des revendications démocratiques ont peut citer à titre illustratif, les moyens humains et matériels, les institutions (académie de la langue amazigh et Conseil supérieur à la langue et culture amazighes, deux décrets bloqués au niveau du Conseil des ministre depuis une année) pour le développement et la promotion de tamazight langue, culture, civilisation t identité pour lui garantir les moyens de sa consécration en tant que langue officielle, des textes garantissant les libertés individuelles et collectives, le droit à l’organisation des pouvoirs aux élus et la mise sous l’autorité effective des élus de toutes les fonctions exécutives… etc, ajouter à cela de nombreuses questions qui ne sont pas appliquées comme je le disait avant.
Au chapitre socioéconomique nous avons conclus sur un plan d’urgence pour la région de Kabylie touchant l’ensemble des secteurs d’activité, une allocation chômage pour les demandeurs d’emploi, des institutions pour la lutte contre les fléaux et particulièrement le phénomène de la corruption, d’une charte citoyenne… Etc. Donc il s’agit de l’ensemble des questions figurant dans le document de mise en œuvre.
Il est claire que sans l’application de ces engagements solennels et publics la crise multidimensionnelle qui frappe l’Algérie de plein fouet s’exacerbera davantage et peut même conduire à l’irréparable.
Beaucoup parlent de faux blessés du Mouvement, aidés par des complicités, pour bénéficier des indemnités. Confirmez-vous cela, un éclairage ?
Après la glorieuse Révolution algérienne de 1954-1962 qui a mobilisé le peuple algérien pour le recouvrement de l’Algérie indépendante, l’avènement du Printemps noir constitue l’autre événement majeur de notre histoire qui mobilise autour du Mouvement citoyen toute la région de Kabylie et des sympathies dans le reste du pays. C’est toute la région, population et biens matériels, qui ont subit ces tragiques évènements, la douleur est profonde et vivace. Parler aujourd’hui de faux blessé du mouvement, c’est de l’insulte, car l’essence même de la dynamique citoyenne en lutte est de débusquer les fossoyeurs de l’Algérie Républicaine et démocratique, de ce fait les faux blessés n’appartiennent pas à notre mouvement.
D’ailleurs, nous n’avons pas cessé de dénoncer ces gens en exigent une épuration, certains blessés authentiques souffrent aujourd’hui de certaines lacunes bureaucratiques. Le Mouvement citoyen a instruit les représentants des victimes siégeant dans la commission à veiller pour expurger et assainir la situation des victimes du Printemps noir. Certains dossiers sont au niveau de la justice, ceux qui ont fraudé en permettant le trafic de dossier agissant en dehors du mouvement. Quelques auteurs incriminés ont étaient déjà condamnés et même emprisonnés.
Nous espérant tirer au clair cette affaire de faux blessés, comme celle des faux moudjahidine, connu sous le vocable des magistrats faussaires, pour clore le plus tôt ce dossier.
A quoi sont dues les scissions et tiraillements entre délégués, jusqu’à l’émiettement du mouvement ? Y a-t-il une base possible de relance et de reconstruction du mouvement ?
Les raisons sont multiples. Elles peuvent être objectives et subjectives et la possibilité de construire existe.
Chacun comment il a compris cette dynamique citoyenne porteuse d’espoir. Au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, des différends entres personnes apparaissent.
Au-delà, de la subjectivité qui repose essentiellement sur des problèmes de personnes ou groupes de personnes et d’intérêts, objectivement, pour ce qui est scissions que moi je considère dans le jargon politique comme des divergences de formes et de fonds. La question même si parfois elle prime, peut trouver sa solution dans le débat, le terrain d’entente peut être trouvé facilement, mais quant il s’agit d’une divergence de fond, donc qui peut même remettre en cause les fondements, et l’essence du mouvement il ne peut pas y avoir de solution.
La divergence d’opinion ne constitue pas systématiquement une faiblesse, bien au contraire, la contradiction doit exister pour faire avancer les choses, c’est même une richesse et une vertu.
Donc, pour la possibilité de construire, il faut que chacun fasse son autocritique et accepte la critique et de se résigner aux principes et aux valeurs ayant régi cette dynamique historique.
Ulac smah ulac, le combat continue
Entretien réalisé par Khaled Zahem