La Dépêche de Kabylie : Une trentaine d’ouvrages, dont certains sont primés, ça fait quoi pour un écrivain comme vous?
P. D. B : Les prix littéraires ? Je me suis acheté une machine à écrire portable Remington avec le premier. J’avais 20 ans. Le bonheur. A chaque prix, c’est donc le bonheur. Prix du Goeland, prix de la Pensée Française, Prix Charles Vildrac, Société des Gens de Lettres, bourse Guy Levis-Mano pour la poésie. Prix d’Aunis et Saintonge pour un roman, « La Grande Marée ». Un tous les dix ans. Cinq bonheurs. Et le bonheur, en plus, d’être lu alors qu’au départ, je n’écris pour personne.
Après L’enfant de ma tête, qui est une autobiographie, ne pensez-vous pas qu’il est temps d’écrire un autre ouvrage qui retracera votre riche parcours ?
Le beau livre, le grand livre, c’est toujours le prochain. Mais je l’ai déjà écrit. C’est un roman, La Guerre à l’Envers. Réécrit plusieurs fois. Refusé chaque fois. Toujours dans un tiroir. Je n’ai que deux recueils de nouvelles, récents, achevés, qui vont partir par la poste, vers des éditeurs. Je joins toujours les timbres nécessaires pour le retour, par prudence ! J’écris en ce moment un livre souvenir Tu finiras par mourir écrivain, titre soufflé par un copain.
La Guerre à l’Envers est un livre sur l’Algérie. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
La Guerre à l’Envers est d’abord un journal : 53-75. Journal d’une classe. Le service militaire, banal. Mais l’Algérie fait surface. Au bout d’une traversée à bord de la ville d’Oran, c’est la guerre. Pas la guerre. La paix. Pas la paix. La guerre civile. Le militaire. Les Algériens. La France ailleurs, mais où ? La mort. La peur.
Quel regard portez-vous sur la littérature algérienne d’aujourd’hui, vous qui avez déjà rencontré des écrivains algériens comme Kateb Yacine et Boujedra ?
littérature algérienne d’aujourd’hui va naître avec ses racines, ses terres, ses montagnes et ses hommes. Moi j’ai aimé ici Kateb Yacine, Boujedra, Amrouche et bien d’autres.
Souvent coincés entre deux cultures, deux langues. Toujours beaux et souvent drôles. Merveilleux raconteurs d’histoires. Aujourd’hui, naissent des écrivains africains, je veux dire algériens, marocains, tunisiens, mais aussi ivoiriens, sénégalais, gabonais…Les territoires d’Outre-Mer, départements français, ont aussi des écrivains superbes. Qui peut oublier d’avoir lu Texaco ? Fraternité d’écritures.
La peinture fait aussi partie de votre univers créatif. Est-elle, pour vous, un complément d’expression, à côté de l’écriture, ou juste une passion ?
La peinture n’est pas un complément d’expression pour moi. J’ai dû naître avec des gribouillis ou des gribouillons, on disait ça comme ça. Au collège, le professeur de dessin, devant mes œuvres, annonçait en riant à toute la classe « c’est du Picasso! ». La moquerie reste vaine. Je suis un peintre pénible qui peint par amour de ce qui est sans le montrer comme il est.
Vous travaillez sur quoi en ce moment ?
En ce moment, je vais poster Le bas de l’escalier, réflexion sur un temps qui n’est pas que le mien. France d’en haut, France d’en bas, je pense donc je suis ! Si l’on m’interdit de penser je risquerai de n’être pas. Donc je livre dans ce recueil des pensées sur le monde, la République, la justice, la mort, la guerre, le pouvoir, l’argent et au dessus de tout cela : l’espérance quand même.
Terminé aussi un recueil de poèmes intitulé Petite suite des choses, qui va chercher un éditeur. Je ne dis pas tout ici, ce sera trop long.
De l’Isère, entretien réalisé par Mohamed Aouine
